Surveillance des plages

Sud-Ouest du 12 juin 2022 

Littoral :« L’océan restera toujours le plus fort » 

Le beau temps d’hier a incité de nombreux touristes à venir se baigner sur les plages, parfois hors des zones surveillées, malgré les conditions difficiles. Reportage à Lacanau

Ce samedi, six sauveteurs surveillent la plage centrale de Lacanau. P. B. Ci-contre, la carte des plages surveillées en Gironde. 

Il est à peine 10 heures sur la plage centrale de Lacanau, et les touristes ont déjà déposé les serviettes. Ce week-end, le beau temps réchauffe la côte : de nombreuses familles et amis sont venus profiter du soleil. Thomas, le père de Jade et Astride, a pris la place juste au-dessus des rochers. Astride prépare déjà sa combinaison pour partir à l’eau, tandis que les deux autres n’ont qu’un objectif : « Ne rien faire. Le plus possible ! » 

D’ici, ils surplombent l’océan qui se déchaîne. Des vagues de 2,8 mètres s’abattent suffisamment violemment le long de la côte pour que les embruns viennent blanchir toutes les lunettes de soleil de la plage. La baignade s’annonce compliquée. « On va peut-être tremper les pieds, mais sans planche, pas question d’aller à l’eau », explique Thomas. Le nouveau bulletin préventif de la préfecture a déconseillé la baignade hors des plages surveillées, ce week-end, sur le littoral atlantique, compte tenu de la forte houle et des courants puissants. 

Un appel à la vigilance qui n’effraie pas certains. Claudia et son mari, deux Allemands venus ici pour les vacances, préfèrent le calme plus au nord. « Lorsque l’on va se baigner, on va juste en face », déclare-t-elle en montrant les remous à plusieurs centaines de mètres de la zone de surveillance. « Nous connaissons les instructions et nous faisons attention. » 

À quelques mètres, un groupe d’amis se jette dans les vagues et avance jusqu’à avoir de l’eau jusqu’aux épaules. Pourtant, juste à côté, un drapeau rouge accompagné d’un panneau rond indique : « Danger, courant ». En quelques secondes, les cinq amis ont déjà dérivé de plusieurs mètres. « On n’est là qu’une journée. On veut juste profiter », lance l’un des baigneurs sans plus d’explications. 

Un océan meurtrier 

Pourtant, l’océan a récemment montré sa dangerosité. Le 15 mai, un jeune homme de 18 ans s’est noyé après s’être retrouvé en grande difficulté au niveau de la plage centrale. C’est pour cela que Valérian et son groupe d’amis souhaitent faire attention. Ils se sont renseignés avant de s’installer. « On est allé au Banana Surf Shop, qui a carrément arrêté ses locations de planches de surf. Cela nous a confortés dans l’idée d’être particulièrement vigilants », affirme Valérian. 

Une décision assumée pour l’enseigne et son professeur de surf, Franz. « Il faut trouver le bon ratio entre se faire de l’argent et se soucier des clients. Cela fait trente ans que je surfe, je trouve ça logique d’arrêter les cours et les locations quand on voit des conditions pareilles. » Pour lui, la configuration de la plage n’est pas la même que d’habitude, cette année : « Les baïnes ont une disposition particulière et les courants sont encore plus forts. » Une baïne. Impossible pour Valérian d’en repérer une. « La plupart du temps, quand je les vois, c’est que je suis en plein dedans. » 

Le risque des baïnes 

« C’est un endroit d’apparence plus calme qu’aux alentours, où il y a peu de vagues. On a l’impression que c’est plus accueillant, mais en réalité c’est ici que c’est le plus dangereux », explique Charlie, qui supervise la surveillance à la plage centrale. Ces phénomènes apparaissent tout le long du littoral. Pour le sauveteur, la panique est le risque principal. « Une personne prise dans une baïne va vouloir nager vers la plage mais contre le courant. À ce moment-là, elle risque de s’essouffler et de se noyer. » 

Depuis mai, ils sont six sauveteurs sur la plage centrale au quotidien. Si la zone surveillée est évidemment la priorité, il existe aussi une zone réglementée qui s’étend sur un kilomètre. « L’objectif est de prévenir les personnes des dangers et de les rapatrier dans la zone surveillée », indique Charlie. 

Pour Arthur, un autre sauveteur de la plage centrale, les baigneurs hors des zones conseillées minimisent le risque : « On manque trop de communication au-delà de la côte. Beaucoup de personnes viennent des grandes villes comme Bordeaux. Certains n’ont jamais entendu parler des baïnes. Ils manquent d’informations avant de se jeter à l’eau. » 

Bulletin prédictif 

Pour lui, comme pour Jean, son collègue, le bulletin prédictif peut permettre de toucher plus de personnes et prévenir en amont. « Par exemple, le bulletin des risques d’avalanches fonctionne bien et est reconnu. Avec ce bulletin prédictif, il faut avoir le même impact. » 

Malgré la prévention, il est parfois inévitable de devoir intervenir. « Avec des conditions aussi difficiles qu’aujourd’hui, les interventions seront compliquées », concède Charlie, avant d’ajouter : « L’océan restera toujours le plus fort. » -

Sud-Ouest du 11 juin 2022