Covid-19
Sud-Ouest du 26 février 2021
Sud-Ouest du 26 février 2021
« La fin du printemps » ou le début espéré de l’éclaircie
Le virus accélère mais le Premier ministre tient sa ligne : pas de reconfinement, mais une réponse régionalisée. Si 20 départements sont en surveillance renforcée, un cap se dessine
Paris fait partie des 20 départements en « surveillance renforcée » cités par Jean Castex. ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP
Pas sûr que les dernières annonces de Jean Castex rassurent la communauté médicale. Et pour cause. Alors que le locataire de Matignon a confirmé, hier, la dégradation de la situation sanitaire, il a, surtout, refusé – une fois encore – d’accéder à la principale demande de nombreux professionnels de santé : le reconfinement total du pays.
Au contraire, le Premier ministre a confirmé son intention de s’en tenir à cette nouvelle stratégie initiée ces derniers jours : celle d’une réponse régionalisée. C’est-à-dire au cas par cas. Adaptée donc à la flambée de l’épidémie. Ainsi, le littoral des Alpes-Maritimes et l’agglomération de Dunkerque, dans le Nord, seront confinés les deux prochains week-ends, à compter de samedi 26 février.
Garder la main
Toutefois, si l’on pouvait s’attendre à ce que cette mesure soit étendue aux autres territoires également confrontés à cette accélération du virus, Jean Castex a choisi de temporiser. Preuve là encore de la volonté de l’exécutif de ne pas céder aux sirènes du catastrophisme. Et surtout de garder la main sur cette séquence délicate. Lors de ce point presse, l’ex-maire de Prades a, en effet, annoncé que 20 départements, dont « toute l’Île-de-France et une grande partie des Hauts-de-France », étaient désormais placés sous « surveillance renforcée ».
Alors que leurs habitants seront invités à la plus grande vigilance, un nouveau point d’étape sera fait en milieu de semaine prochaine. Cependant, Jean Castex a été clair : si la situation s’aggrave, des confinements partiels pourraient entrer en vigueur à compter du 6 mars. Ces départements n’ont donc plus que quelques jours pour inverser la tendance.
Signe de la pression ambiante, le Premier ministre a aussi répondu aux critiques qui accompagnent son refus de ne pas reconfiner : « Cette décision s’est avérée la bonne. Ça nous a permis de gagner du temps. Notre économie ne s’est pas effondrée. Autour de nous, en Allemagne et au Royaume Unis, les enfants n’ont pas mis les pieds à l’école depuis deux mois. » Jean Castex l’a redit : « Le confinement est un levier auquel on doit recourir quand on ne peut pas faire autrement. »
Des notes d’espoir
Néanmoins, après bientôt un an de crise, il a aussi tenu à délivrer quelques notes d’espoir. Sur le front des traitements anti-Covid, l’horizon semble en effet s’éclaircir enfin. Comme l’a expliqué Olivier Véran, le ministre de la Santé, lors de ce point presse, l’Agence nationale de sécurité du médicament a accordé une autorisation temporaire pour utiliser « des anticorps monoclonaux » (lire ci-dessous) sur les personnes risquant de développer des formes graves.
Alors que les premiers résultats sont encourageants, la France a déjà commandé « plusieurs dizaines de milliers de doses » de ce traitement qui, potentiellement, pourrait donc contribuer à désengorger les services de réanimation. Et, par ricochet, soutenir cette politique de mesures au cas par cas, territoire par territoire.
Les doutes se lèvent
Une politique qui, surtout, va continuer à s’appuyer sur l’avancée de la vaccination. Un autre front où, là aussi, les choses bougent, comme l’a indiqué le troisième invité de cette conférence de presse : le professeur Alain Fischer. Ainsi, la campagne de vaccination massive menée en Israël commence à confirmer la grande efficacité du vaccin Pfizer. « Celle-ci est très bonne », assure le Monsieur Vaccin du gouvernement.
Par ailleurs, les doutes se lèvent aussi peu à peu sur le vaccin AstraZeneca. Lequel est utilisé depuis jeudi 25 février par les médecins généralistes pour les 50-64 ans souffrant de comorbidité. Soit pas moins de 2 millions de personnes. Alors que son efficacité était initialement évaluée autour de 62 %, elle serait de 76 % à l’issue de la première dose et grimperait à 82 % après la seconde. Pour le professeur Fischer, ce vaccin ne mérite pas les critiques qu’il essuie depuis plusieurs semaines : « Sous l’angle de la tolérance et de l’efficacité, il est sûr, efficace et peut être administré. Il n’y a aucune raison d’attendre. » Mais au-delà de ses « bonnes nouvelles », pour reprendre l’expression d’Alain Fisher, le Premier ministre a également dessiné, pour la première fois, le début d’une perspective de sortie de crise. « La progression de la campagne vaccinale nous permet de fixer un cap : la fin du printemps, a-til dit. À cet horizon, la protection des plus vulnérables devrait nous permettre de réduire les effets de cette épidémie sur la population tout entière. » Mais d’ici là, il va donc falloir tenir. Et, non accessoirement, que l’approvisionnement en vaccins ne connaisse pas de nouveaux ratés.
Covid-19
Sud-Ouest du 25 février 2021
Sud-Ouest du 25 février 2021
Covid-19 : a-t-on raison de bouder le vaccin AstraZeneca ?
Il est le moins plébiscité des vaccins anti-Covid disponibles sur le marché européen. On l’accuse de tous les maux. Mais qu’en est-il ? Le point sur le terrain
Depuis début février, on vaccine les soignants avec l’AstraZeneca. Comme ici, au centre de vaccination de Nontron, en Dordogne. PHILIPPE GREILLER
Olivier Véran, le ministre de la Santé, a juré n’avoir « rien senti » lors de sa première injection de vaccin AstraZeneca, le 8 février à l’hôpital de Melun (Seine-et-Marne). L’histoire ne dit pas si, le lendemain, il est allé au boulot. Ni s’il a été victime d’un syndrome grippal carabiné à l’instar des soignants des hôpitaux bretons, qui ont souffert de fièvres, de céphalées, après leur vaccination. Jusqu’à prendre un arrêt maladie. Selon l’Agence régionale de santé de Bretagne, ces effets indésirables auraient concerné 18 % des vaccinés.
Depuis le 8 février, les soignants des hôpitaux de France, quel que soit leur âge, sont invités à se faire piquer à l’AstraZeneca. De fait, ils ne se bousculent pas au portillon. La semaine prochaine, ce même vaccin sera proposé, chez les médecins généralistes, aux personnes âgées entre 50 et 64 ans présentant des comorbidités.
« Trop de doutes »
« Calme plat », constate Christophe Adam, médecin généraliste à Bordeaux. « Avec les trois autres médecins du cabinet, nous avons bloqué la matinée du samedi pour la consacrer aux vaccinations. Pour l’instant, nous n’avons pas de candidats… On dit trop de choses négatives sur ce vaccin. »
Au CHU de Bordeaux, le docteur Marianne Lafitte, cardiologue à l’hôpital Haut-Lévêque, est responsable du centre de vaccination. Elle aussi constate une réticence réelle face à l’AstraZeneca : « Les soignants sont des gens comme les autres, ils écoutent les informations qui répètent en boucle, depuis quinze jours, que ce vaccin serait mal toléré et moins efficace que le Pfizer. Ils nous questionnent, on répond, on explique… »
Le CHU de Bordeaux propose depuis le 8 février 150 créneaux quotidiens de vaccination sur trois sites, et… il en reste beaucoup de vides. « Ce n’est pas un échec, admet le docteur Lafitte, mais on n’est pas submergé. Trop de doutes. Et un mauvais départ. Nous avons commencé les premières vaccinations le dimanche 7 février, et le lendemain, plusieurs soignants ont été en arrêt maladie, souffrant de syndromes grippaux, très secoués. Un quart des vaccinés ont subi ces effets indésirables. La semaine d’après, le nombre de candidats au vaccin a chuté. On dirait que ça reprend un peu, mais l’AstraZeneca est vécu comme un moindre mal. »
Une mauvaise réputation
Le docteur Élisabeth Nicand, microbiologiste de formation, est responsable du centre de vaccination international de l’hôpital militaire Robert-Picqué, à Bordeaux. Membre du Haut conseil de la santé publique, elle figure dans la commission spécialisée dans les maladies infectieuses et émergentes.
La mauvaise réputation du vaccin AstraZeneca ne lui a donc pas échappé, mauvaise réputation contre laquelle elle combat, à coups d’arguments scientifiques précis. « Nous avons en Europe, donc en France, trois vaccins disponibles pour l’instant. Deux à ARN messagers, le Pfizer et le Moderna, et l’AstraZeneca à vecteur viral non réplicatif. Pour ce dernier, on connaît son efficacité, son fonctionnement, puisqu’il a été utilisé dans les campagnes de vaccination contre Ebola. Ces trois vaccins ont la faculté de répondre à l’émergence d’un virus. »
Sur la question des effets secondaires, le docteur Nicand ne se dérobe pas : « Ce n’est pas nouveau, nous le savions. Les études en phase 3 de l’AstraZeneca ont montré une réactogénicité chez environ 10 % des vaccinés. Moins de 24 heures après la piqûre, peuvent apparaître des syndromes grippaux transitoires bénins. Ces réactions concernent particulièrement les moins de 50 ans, parce qu’ils ont un système immunitaire très performant. C’est plutôt bon signe. Ils fabriquent des anticorps. La solution : du paracétamol pendant deux jours. »
Pourquoi ça coince ?
Selon la vaccinologue, l’efficacité de l’AstraZeneca n’est pas à remettre en cause. Et surtout pas en balance avec celle des deux autres vaccins.
Elle s’explique : « À deux doses, Pfizer annonce 90 % d’efficacité, AstraZeneca, à deux doses, 80 %. Vu comme ça, on se dit : le Pfizer est mieux. La réalité est plus complexe, car ces chiffres ne tiennent pas compte de la notion d’écarttype, à savoir l’étalement d’un ensemble de valeurs autour de leur moyenne. Bref, les deux vaccins n’ont pas le même écart-type, ce qui fausse ce chiffre sur l’efficacité car en réalité ils sont équivalents en efficacité. » Sauf face aux variants. Car si l’AstraZeneca, développé par une unité d’Oxford en Angleterre, a été évalué face au variant anglais, duquel il protège, il serait moins efficace face aux variants brésilien et sud-africain : « On ne sait pas encore, admet le docteur Élisabeth Nicand, on manque de données pour l’affirmer ou l’infirmer ».
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