Covid-19

Sud-Ouest du 10 septembre 2020

Sud-Ouest du 10 septembre 2020 

«En Gironde, tous les signaux sont au rouge» 

ÉPIDÉMIE COVID Le seuil d’alerte est dépassé dans le département, où la circulation du virus galope et les hospitalisations se multiplient. Les autorités lancent un appel collégial

Hélène Junqua, directrice générale par intérim de l’Agence régionale de santé Nouvelle-Aquitaine, a lu, hier après-midi, une série de chiffres avant de brandir un graphique, dont la courbe ascendante ne laisse aucun doute. C’est un tsunami. Lors de la conférence de presse organisée à la hâte, au CHU de Bordeaux, elle a dressé un bilan du fameux taux de circulation du virus dans le département. Depuis hier, la Gironde est classée troisième département français où le virus circule le plus. 

Le taux d’incidence a été multiplié par dix en quelques jours seulement. En Nouvelle-Aquitaine, il est de 65,6 par 100 000 habitants, il était à 33 début juillet. « Mais la Gironde bat tous les records, avec 150 par 100 000 habitants et Bordeaux particulièrement, avec 272 par 100 000 habitants. Dans la ville, la population jeune entre 20 et 40 ans connaît un taux d’incidence de 470 par 100 000!» 

À ses côtés, la préfète de Gironde, Fabienne Buccio, Yann Bubien, directeur général du CHU, Pierre Hurmic, maire de Bordeaux, le professeur Denis Malvy, infectiologue, membre du conseil scientifique, et le professeur Didier Guison, patron du service réanimation du CHU. Ce dernier avoue son inquiétude : « Nous soignons aujourd’hui 21patients Covid en réa. Nous n’en avions plus en juillet et fin août, une petite dizaine à la fin du mois. Depuis la rentrée scolaire, le nombre de patients a été multiplié par deux.» À ce jour, 68 personnes sont hospitalisées au CHU pour Covid. 

Les chiffres ne cessent de s’emballer, et les représentants des collectivités locales, autorités et soignants ont une fois de plus jugé opportun de lancer un appel collégial. « On a lancé une politique de dépistage à grande échelle, rappelle Yann Bubien. 80 soignants du CHU ont été testés positifs, et sont en quarantaine aujourd’hui. L’hôpital s’est réorganisé, c’est le moment de lancer une alerte, sans alarmer.» 

Les Ehpad, les stades… 

Le nombre de passage aux urgences progresse, ainsi que les consultations Covid chez les médecins de ville. « Tous les signaux sont au rouge», assure la préfète. «Depuis le début de cette crise sanitaire, nous avons travaillé en transparence, nous continuons. La Gironde, cette semaine, a franchi un seuil de plus, et nous allons réactiver certains dispositifs.»Ainsi, la préfète a signalé que les Ehpad du département allaient fonctionner comme pendant le confinement, les visites seront autorisées mais cadrées. Le port du masque sera encore plus contrôlé, notamment durant les repas, dans les cantines, les vestiaires, durant les pauses. Le milieu sportif étant très exposé, un périmètre de port obligatoire de masque sera défini autour des stades, et devant les baraques à frites. 

« Les cafés-restaurants vont subir encore plus de contrôles, a précisé la préfète de Gironde. Déjà cinq ont été fermés à Bordeaux pour non-respect des règles de distanciation sociale et de port du masque. En revanche, nous avons choisi de ne pas imposer de fermeture horaire, pour permettre aux 90 % qui respectent les règles de continuer à travailler.» 

À Bordeaux «tous à pied» 

Pierre Hurmic a profité du moment pour échanger avec le professeur Malvy sur les règles de distanciation dans les bus et les trams. Tandis que Fabienne Buccio a suggéré de multiplier la fréquence des lignes, le maire de Bordeaux a botté en touche : « Condamner un siège sur deux dans les trams n’est pas satisfaisant, ne règle pas le problème de distance. Il n’y a pas de solution miracle, sinon profiter de cette situation pour dire aux habitants qu’ils doivent se réapproprier la marche à pied. Et les encourager à le faire.» De son côté, pour répondre à cette flambée de la circulation virale, il a annoncé avoir mis sur pied un Conseil de résilience sanitaire, soit un petit conseil scientifique, composé de chercheurs, universitaires, médecins « pour guider, dit-il, la décision politique ». 

Me protéger protéger les autres 

Les professeurs Denis Malvy et Didier Guison voient monter en puissance les hospitalisations Covid au CHU. « On n’est pas dans une situation critique, nous arrivons à travailler sereinement. Mais il y a de quoi s’inquiéter, a signifié Didier Guison. Les plus jeunes sont ceux qui sont les plus touchés par le virus, mais les moins malades doivent prendre conscience qu’en se protégeant, ils protègent les autres. Ils sont un des derniers remparts, avec ce devoir de citoyen responsable, solidaire. Nous sommes tous responsables de ce qui va vous arriver!» 

Il n’est pas question de mesures encore plus contraignantes que le port du masque, le lavage des mains régulier et la distance physique. Mais ces trois-là plus que jamais, doivent être respectées. « La Gironde a été épargnée jusque-là, a déclaré Fabienne Buccio. Puis avec l’été, les gens ont bougé et la densité de population a fait le reste.» « Les fêtes et réunions familiales sont des temps de vie où les gens baissent la garde, a précisé le professeur Malvy, engendrant des foyers de contamination. On ne peut laisser ce réservoir épidémique se constituer, il n’y a pas de ligne de barbelés entre les jeunes gens positifs et les personnes vulnérables ! Il faut respecter les règles sanitaires. Et les protéger.»

Sud-Ouest du 10 septembre 2020 

Bus bondés à Bordeaux : Keolis réagit 

TRANSPORTS D’après l’opérateur, le trafic n’est pas encore revenu à son niveau d’avant le confinement et les pics de fréquentation ne s’observent que sur certaines portions de trajets

«La semaine dernière, pour la rentrée, les fréquentations étaient un peu en dessous des 70% du niveau d’avant le confinement, explique Aurélien Braud, directeur marketing chez Keolis. Cela s’explique car il nous manque encore un certain nombre de clients, notamment les étudiants, qui font leurs rentrées de manière éparse cette année.» 

Au sortir du confinement, pendant lequel Keolis a perdu 95% de ses fréquentations, l’opérateur de transport a peiné à regagner des fréquentations régulières. Le 11mai, jour du déconfinement, 15 à 20% du trafic d’avant confinement avait repris. Puis, cela est monté jusqu’à 65 %, avec des pics à 85 % pendant l’été lors des jours fériés. « Si l’on ne peut pas dire que les transports sont bondés, il y a certaines portions de trajets où cela bouchonne, notamment sur le tramway B entre Victoire et Saint-Genès ou encore sur le tramwayA, côté rive droite. Les situations d’engorgement sont plus rares dans les bus », poursuit Aurélien Braud. 

«En observation constante» 

Keolis est en train d’étudier le trafic, avec des agents sur le terrain qui circulent sur les différents trajets. « Nous sommes en observation constante, mais la période actuelle est dynamique, le trafic change souvent, donc on ne peut pas tirer trop de conclusions pour le moment », souligne Aurélien Braud. 

En ce qui concerne les conditions sanitaires, et comme l’a indiqué Béatrice de François, vice-présidente de Bordeaux Métropole en charge des transports, les transports en commun ne représentent pas un danger particulier pour les usagers. Elle en appelle donc à la responsabilité de chacun et rappelle qu’ils sont désinfectés entièrement trois fois par jour, et une fois de plus la nuit, suivant un protocole conseillé par l’Agence régionale de santé. 

Des équipes circulent régulièrement dans les rames pour désinfecter les barres et les stations V3. Des distributeurs de gel hydroalcoolique pourraient se généraliser dans tous les transports en commun de la métropole.