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GIRONDE VIGILANTE
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22 décembre 2019

Souvenirs : Il y a 20 ans la tempête Martin

Sud-Ouest du 22 décembre 2019 

Et le XXe siècle s’est achevé dans la tempête… 

27 DÉCEMBRE 1999 A Saint-Louis-de-Montferrand (33), Martin a poussé Garonne hors de son lit. La commune a vécu le vent, les chutes d’arbres et l’eau

achevé 4À l’époque, Maïté Bouillac avait vu l’eau envahir son domicile et son café. PHOTO ARCHIVES L. THEILLET/« SUD OUEST » 

DANS LA MÉMOIRE COLLECTIVE 

Une tempête, baptisée Fabien, a touché notre région la nuit dernière, avec des vents annoncés jusqu’à 130km/h sur le littoral et à plus de 100km/h à l’intérieur des terres. De quoi faire de gros dégâts. Ces intempéries frappant le Sud-Ouest au cœur de l’hiver ne sont pas une première. Souvenons-nous de Klaus en 2009, de Xynthia en 2010, et surtout de Martin en 1999. Vingt ans après, nous revenons dans ce dossier sur un épisode cataclysmique qui reste gravé dans la mémoire collective et a initié la réflexion sur la création d’un nouveau système d’information des populations : Vigilance météorologique. En moins de 48 heures, entre le 26 et le 28 décembre, Lothar et Martin, deux tempêtes d’une violence exceptionnelle, traversent le pays, faisant 92 morts sur leur passage. La seconde, qui touche essentiellement notre région, va semer le chaos dans la soirée et la nuit du 27 décembre. Les vents sont d’une force incroyable (198km/h au nord de l’île d’Oléron, des pointes à plus de 140km/h à l’intérieur des terres), alors que les pluies, associées à de fortes marées, font déborder la Garonne. Le bilan humain est tragique, les dégâts considérables. 


Dans le salon de Carmen Coustaty, un cadre. Une photo XXL de sa maison d’autrefois. Celle détruite en 2014 après avoir été rachetée par l’État, dans le cadre du fonds Barnier, car elle était implantée dans une zone de danger extrême en terme d’exposition aux inondations. Une démolition qui renvoie à la vulnérabilité du pavillon lors de la tempête Martin. Carmen sort de sa soupière ce qui lui reste de souvenirs. Des photos de son «chez elle» qui, lors de cette nuit du 27décembre 1999, s’est retrouvé sous les eaux. 

Car pour elle, comme pour les quelque 2200 âmes de Saint-Louis-de-Montferrand, la tempête n’a pas soulevé que des toitures, voitures et arbres, elle a aussi fait bondir de son lit la Garonne... à la faveur de la marée. Une marée dont le coefficient annoncé (77) n’avait pas de quoi affoler les riverains habitués aux humeurs de la voisine. Les ondes radio avaient, la veille et l’avant-veille, martelé les appels à la prudence. « On s’attendait à des rafales. On ne craignait pas l’inondation», se souvient Maïté Bouillac. La puissance du vent a pourtant poussé le fleuve dans le village girondin. «Mon mari m’a soulevée jusque sur la table de la salle à manger. Puis mes frères sont arrivés et nous ont emmenés », poursuit Carmen. 

Le lendemain, elle et son époux ont constaté les dégâts : l’eau était montée jusqu’à 80centimètres. « J’ai gardé les meubles en bois », ajoute Carmen, aujourd’hui veuve et logée en résidence senior à Saint-Louis. « C’est tout ce qu’il me reste de la maison...», déplore-t-elle, stressée à l’idée que la boue revienne imprégner les murs. 

Solidarité au-delà du bourg 

Pas besoin d’un nouveau caprice, pour que les esprits et les pierres soient mis à l’amende. La tempête Martin a marqué de son empreinte le village. Même si certains administrés balaient le sujet d’un poli «Il n’y a rien à voir, ni à raconter», peu enclins à répondre aux médias qui voudraient les replonger dans ces mauvais souvenirs. 

Jeanine fait partie de ceux-là. Sa maison a tenu mais le rez-de-chaussée est désormais un garage et la vie se déroule au premier, à plus de deux mètres du plancher des vaches et des invasions outrageantes. 

La boue, Maïté Bouillac en a un souvenir tenace. Huit jours de nettoyage pour s’en débarrasser dans son café. À l’époque, celle qui a aujourd’hui 70 ans tenait le bar-tabac du village, à côté de la mairie. «Nous habitions en face. Cette nuit-là, l’eau s’est invitée jusqu’à hauteur de nos fenêtres. Mon époux a voulu également constater les dégâts au café: il a vite rebroussé chemin. Les fils électriques baignaient dans 1m20 d’un liquide trouble...» 

Les Bouillac se réfugient au premier étage de leur domicile attendant que Garonne réintègre son lit. Le réveil est rude. Dans le bar-presse, congélateurs, machine à café et mobilier gisent, «têtes » à l’envers. «Il y a eu une vraie solidarité dans le village mais aussi avec les communes environnantes. On a pu rouvrir le commerce une semaine plus tard», lâche-t-elle. On se souvient de ces jeunes en insertion venus, par l’entremise de deux associations bordelaises, prêter main-forte. Un repas avait été servi en leur honneur pour les remercier. 

Mis entre «Parenthèses» 

Et puis, il y a eu l’après. Le temps long de la remise en état. Les municipalités Boudy, Soubabère et Zambon s’y sont attelées. En 2003, le Syndicat mixte de protection contre les inondations de la presqu’île d’Ambès (SPIPA) voit le jour. On reprend les 32 kilomètres de digues, on travaille les jalles qui facilitent l’évacuation de l’eau en cas d’inondation. 

Quinze maisons, dont celle de Carmen, sont gommées du paysage car situées dans cette zone d’extrême danger. La pierre n’y aura plus droit de cité. Ces 30 hectares de parcelles ont été rendus à la nature. La commune et la Métropole, avec la complicité des habitants, les ont aménagés en espaces publics voués aux jeux des enfants, à la découverte de l’histoire des crues et des ruches ou à l’entretien de jardins partagés. 

L’émotion de la démolition des habitations est un souvenir que l’on a mis entre «Parenthèses», du nom de baptême de ces langues de terre qui n’ont plus peur du fleuve.

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Sud-Ouest du 22 décembre 2019

 

tempête martin

tempête martin 2 

Sur le coup, le souci est quasiment passé inaperçu. La longue liste des petits et des grands drames qui ont jalonné la nuit du 27 au 28décembre a relégué dans l’ombre l’inondation partielle de la centrale nucléaire du Blayais, sur la rive droite de l’estuaire de la Gironde. L’incident était pourtant des plus sérieux. Classé au niveau 2 de l’échelle internationale Ines (graduée de 0 à 7) des événements nucléaires, il a pris de court les autorités. Personne n’avait envisagé que les sous-sols de certains des bâtiments de la centrale EDF – dans les tranches n° 1 et 2 – puissent être noyés sous deux mètres d’eau boueuse. 

L’impensable s’est pourtant inscrit dans le réel. Le 27 décembre, vers 19 h 30, «une première inondation est constatée. L’eau de la Gironde franchit par vagues successives la digue ouest de la centrale et se répand sur le site. L’accès devient dangereux et les relèves sont retardées. Une femme de ménage s’est fracturée la jambe», indique le rapport de l’OPECST, l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, rédigé dans les semaines suivantes. 

Les enrochements balayés 

L’Institut de protection et de sûreté nucléaire, l’IPSN (devenu IRSN en 2002) fournit quelques éléments supplémentaires dans son analyse datée de janvier 2000. «Les enrochements de la digue ont été déplacés, entraînant un arasement sur sa partie donnant sur la Gironde. La hauteur d’eau a atteint environ 30 cm dans l’angle nord-ouest du site.» 

Durant cette nuit de cauchemar, les personnels d’EDF étaient sur tous les fronts. Les vents qui ont dévalé l’estuaire à 170km/h, en décapitant houppiers et cheminées, ont martyrisé le réseau électrique. La ligne de 225 000 volts qui dessert la centrale a été mise en rideau. L’autre ligne, qui supporte 400 000 volts, est restée coupée pendant plus de trois heures sur les tranches n°2 et 4. La suppression de l’alimentation électrique extérieure a provoqué l’arrêt automatique des réacteurs. Les moteurs diesel ont pris le relais pour les refroidir sans interruption. 

« Le réacteur n°3 était arrêté pour maintenance avant la tempête. Les autres ont été stoppés et refroidis normalement durant toute la durée de la crise », précise Séverin Buresi, le directeur de la centrale du Blayais. Le circuit primaire des réacteurs, siège des réactions nucléaires, n’a pas été endommagé par l’inondation. 

«Une erreur de conception» 

L’événement a percuté les certitudes d’EDF qui, jusque-là, balayait toute alerte sur un possible accident. « Le fait que des vagues en provenance de l’estuaire de la Gironde aient pu passer au-dessus des protections signifie l’existence d’une erreur dans la conception de la plateforme de la centrale, imparfaitement corrigée par l’édification d’une digue », a diagnostiqué le rapport parlementaire. 

La digue en front de Gironde culminait à 5,20 mètres. Après l’inondation, elle a été remontée à 6,20m, puis à 8,50m, avec un mur pare-houle. En outre, «des blocs de béton ont été disposés devant la digue pour casser les vagues », ajoute Séverin Buresi. Des systèmes de batardeaux ont rendu les locaux étanches. Une batterie de pompes à haut débit a complété le dispositif. Chacun des quatre réacteurs est également équipé d’un moteur diesel d’ultime secours. 

En outre, les progrès des alertes météo permettraient maintenant à EDF de pré-positionner du personnel supplémentaire sur le site. Et de faire appel préventivement à la Farn, la Force d’action rapide du nucléaire, une unité créée après le drame de Fukushima, en 2011. 

Il peut y avoir pire que Martin 

Tout ceci serait-il suffisant ? Dans le pire des cas, une tempête de la vigueur de Martin pourrait correspondre à une marée de vives-eaux, avec un coefficient aux alentours de 110 (sur une échelle de 20 à 120). Le 27 décembre, le coefficient de marée n’affichait que 77, ce qui représente 80 cm de moins à la pleine mer à Pauillac, sur l’autre rive de l’estuaire. EDF assure pouvoir faire face quel que soit le cas de figure. Il vaudrait mieux…

2019 12 22 SO Beaucoup moins d'électricité dans l'air

 

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