Forêt domaniale
Sud-Ouest du 29 septembre 2022
Au cœur de la forêt domaniale sinistrée
À La Teste-de-Buch, la moitié de la forêt domaniale a été brûlée cet été. Les équipes de l’Office national des forêts sont à pied d’œuvre pour panser les plaies et penser l’avenir
Elle est toujours fermée à la circulation des visiteurs ou habitants du secteur. Seuls de gros engins de travaux, abatteuses, bulldozers, camions de transport ainsi que voitures de l’ONF (Office national des forêts) sont autorisés à pousser les plots et barrières qui en interdisent l’accès. La RD 218 reliant la dune du Pilat (33) à Biscarrosse (40) demeure une route fantôme dont on suppute qu’elle longe désormais un triste paysage, dévasté par l’incendie dit de La Teste démarré le 12 juillet 2022. Sur le pont, aux côtés des sapeurs-pompiers depuis le premier jour, vigiles de cette forêt domaniale dont ils connaissent les moindres plis et ronflements dunaires, les agents de l’ONF ont ouvert mardi les portes du sanctuaire forestier à la presse.
Pour rappel : le feu a démarré dans la forêt usagère, aux portes de l’océan. Il a été maîtrisé le 29 juillet après avoir parcouru 7 000 hectares et en avoir détruit 5 171 hectares dont 1 000 des 2 000 de la forêt domaniale, propriété de l’État. Aujourd’hui, c’est un paysage lunaire et plus seulement dunaire qui déroule par endroits : sur des hectares, vacillent les ombres de troncs noirs surmontés pour certains encore de têtes ébouriffées aux aiguilles roussies. Ici une trouée verte épargnée par l’ogre brûlant qui a dévoré les campings et les restaurants sur son passage. Là, une trouée de sable blanc, le plus grand parefeu jamais construit ici (4,4 km de long depuis l’océan jusqu’au lac de Biscarrosse et entre 80 et 300 m de large), érigé pendant le sinistre par l’ONF et les entreprises réquisitionnées, à la frontière de la Gironde et des Landes. Là encore, des phares, ceux des engins qui bossent non-stop.
Dix ans d’exploitation
Un peu plus loin, c’est le plan plage de la Salie Sud. Bouffé par les flammes. Les places de stationnement des vacanciers ont fondu, la terre s’est enfoncée de 40 cm laissant les racines des arbres à nu. Le restaurant ? Un dédale de ferraille et de cendres. Des chaises, des casseroles. Un bout de mur. L’odeur de brûlé est omniprésente, transportée par la poussière dégagée par les abatteuses. Ici, l’ONF a pris les choses en main pour sécuriser le site. Pas moins de 80 000 m3de bois à récolter soit l’équivalent de dix ans d’exploitation. 31 machines s’activent pour abattre et couper. Objectif : nettoyer avant le 31 décembre.
Ne pas perdre de temps, pour éviter les chutes de troncs calcinés sur la route. Mais aussi pour éviter la propagation des champignons susceptibles de bleuir la chair du pin et de la rendre impropre à certains usages. Il y a aussi la crainte du scolyte. Cette bestiole présente déjà dans la forêt mais freinée dans son élan de dévoreuse par les défenses des arbres verts. Là, les pins affaiblis sont trop nombreux, l’insecte prompt à pondre 50 œufs sous l’écorce d’un seul arbre a une chance de gagner le bras de fer.
En attendant, on fait le tri : « Nous avons la volonté de garder sur pied les arbres encore vivants qui permettront la production de cônes et donc de graines et une régénération naturelle. C’est le pourcentage de houppiers et d’aiguilles encore verts ainsi que la hauteur du brûlé depuis le pied sur le tronc, sans oublier l’état des racines qui seront les déclencheurs de l’abattage ou non », fait remarquer Fabrice Carré, technicien de l’ONF. 30 % des arbres récoltés iront vers le bois d’industrie (papier, chimie, charbon actif), 70 % vers le bois d’œuvre (emballages, palettes, lambris, parquets). Vendus 15 % moins cher que d’ordinaire…
Repenser la Salie Sud
Et une fois le site débarrassé des troncs calcinés et des valorisables, c’est à un autre travail qu’il va falloir s’atteler : « Une remise en état totale. Les souches se sont consumées laissant des trous dans le sol. Il faut refaire les places de stationnement en rebouchant avec des apports de sable. On va utiliser le broyat des branchages du site pour éviter de la matière venue de l’extérieur susceptible d’introduire des parasites d’ailleurs. Nous allons aussi devoir élaguer et sécuriser les arbres qu’on laisse sur pied et surtout revoir la délimitation du plan plage en tenant compte notamment du recul du trait de côte… », souligne Cédric Bouchet, technicien de l’ONF. L’opération de remise en état de la Salie Sud est estimée à 1 million d’euros. Il est nécessaire de trouver des financeurs…
Le chantier est important mais pas totalement défini. La réflexion sur l’après est néanmoins déjà lancée. On sort des cartons les réflexions rabâchées et enracinées. L’incendie, l’ampleur de ses dégâts, les émotions générées, devraient normalement aider à ne plus reculer