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12 septembre 2022

Incendies en Gironde

Sud-Ouest du 12 septembre 2022 

2022 09 12 SO Belin-Beliet Incendies un mois après la vie reprend

« Ces pins brûlés, on dirait un cimetière militaire » 

Dans la nuit du mardi 9 au mercredi 10 août, l’incendie atteignait Belin-Béliet. Des maisons ont été détruites, comme des centaines d’hectares de forêt. Un mois après, la vie reprend dans la commune

2022 09 12 belin beliet

Ce lundi, à l’heure de la récré, les enfants crient dans la cour de l’école Bertrine de Belin-Béliet. Le 26 août, Ronan Leaustic, le sous-préfet d’Arcachon, a inauguré le nouveau pumptrack, un circuit de cross pour les vélos. Et le premier week-end de septembre, le forum des associations a, comme d’habitude, rassemblé la foule. La vie continue à Belin-Béliet, un mois après le terrible incendie qui a défiguré la commune girondine. 

Personne n’a oublié. Et comment oublier quand tout, ici, vous y ramène ? Il y a partout ces affiches, ces draps peints avec « Merci les pompiers », partout. Oui, merci. C’est après qu’on se rend compte de l’immense opération de sauvetage engagée ici, quand on voit toutes ces maisons intactes au milieu des pins cramés. Dans la nuit du mardi 9 au mercredi 10 août, le feu, parti de Saint-Magne, a ravagé 6 000 hectares et détruit une dizaine de maisons à Belin-Béliet. Les pompiers l’ont appelé « le monstre ».

2022 09 12 belin beliet2

Revenir après l’incendie 

Tout au bout de la route Houdy Seouze, Patricia marche sur sa terrasse. C’est la dernière maison avant la forêt. Le mercredi 10 août, alors que Belin-Béliet était évacuée, elle voyait « le monstre » s’avancer depuis l’est. Il était 15 heures, le ciel était gris, noir et orange et l’apocalypse arrivait. Autour, les Canadair ressemblaient à des guêpes affolées. 

Patricia est partie en pleurant dans la soirée et son mari est resté avec les pompiers. « Il voulait aider. Il a tiré des tuyaux, il est allé chercher les forestiers. » Vers 4 heures du matin, le feu a tout embrasé, sauf sa maison, défendue par les pompiers. « Je n’ai pas dormi, j’étais persuadée que la maison allait brûler. Et vers 7 heures, mon époux m’a raconté que les pompiers, encerclés par l’incendie, l’avaient sauvée. Sans l’eau des piscines, la nôtre et celle de notre voisin, c’était fini. On y a repensé en la remplissant, après… » 

En revenant, elle avait « les jambes toutes molles », elle appréhendait. « Ça a été un choc. Tout de suite, on s’imagine ce que les pompiers ont pu vivre ici. Ils ont risqué leur vie et je ne peux même pas mettre un visage sur eux. » Il n’y a, chez elle, aucun dégât. Si ce n’est le paysage autour. « Il n’y avait pas un bruit, pas d’oiseaux, rien. Et puis cette odeur de brûlé tout le temps. C’était terrible, morbide. » 

« Force de vie » 

Elle est restée enfermée chez elle plusieurs jours. « Je n’arrivais pas, comme j’en ai l’habitude, à prendre mon petit-déjeuner dehors. Maintenant, oui. Avec le temps… Il y a une semaine, un écureuil a traversé le jardin. C’est tout bête, mais ça fait tellement de bien. Il peut se passer beaucoup de choses mais il y a cette force de vie incroyable. » Le sommeil est encore difficile et elle ne s’est toujours pas, depuis, baignée dans sa piscine. 

D’autres ont perdu leur maison dans la nuit du mardi au mercredi, dans le sud-est de Belin. Et si Patricia a vu des promeneurs venus spécialement ici pour voir les maisons brûlées, si même l’office de tourisme de Belin-Béliet a été questionné sur d’éventuelles visites organisées dans les quartiers incendiés, la solidarité écrase tout. 

Le premier week-end de septembre, des repas ont été organisés avec les bénévoles et les habitants des quartiers de Joué et Boutox. Avec la mairie, « Le Bélinétois », le journal de Corentin Barsacq et Louna Lavergne, a mis en ligne une cagnotte gérée par Sébastien Drogat, élu délégué à la solidarité. Il faut se serrer ensemble pour affronter le paysage. 

Les jeunes pins brûlés, plantés en rang les uns derrière les autres, forment des lignes noires et brunes perpendiculaires à la route. « On dirait des cimetières militaires en enfilade », dit une habitante. Les fougères repoussent mais tout est noir. À Cal, un gars soupire : « Tous les matins, ce paysage, vraiment, vous le regardez avec la boule, là. » Il montre sa gorge. Ici, des bâtiments ont brûlé. Des arbres, la végétation. 

Tout au bout de Joué, l’incendie a été arrêté à sa haie. Franck avait été « évacué en dix minutes le mardi en début de soirée ». Il habite ici depuis la mi-mai. Il a peu dormi en août. La vie l’a déjà pas mal violenté ces deux dernières années. « Alors perdre la maison, là, ç’aurait été de trop… J’ai eu peur, oui. » Il travaille à Eysines, alors il traverse deux fois par jour la forêt incendiée : « On est bien obligé de vivre avec ça, que voulez-vous faire ? » 

Quand tout sera coupé 

À Guillem Bideau, « tout est noir, tout est sombre », dit ce couple qui ne veut pas donner son nom. On leur avait dit de se tenir prêt à évacuer le mardi, mais d’attendre l’ordre. « Personne n’est venu, alors on s’est évacué tout seul vers minuit parce qu’on voyait les grandes flammes monter et descendre dans la nuit, la boule de feu pas loin. On est isolé ici et personne ne nous voyait avec tous les arbres. Maintenant, tout le monde nous voit. » 

Ils sont revenus chez eux le 15 août. « Il n’a même pas regardé la maison, raconte-t-elle, juste ses chênes ! » Lui sourit : « Une maison se reconstruit, ces chênes, c’est 150 ans. Ils ont survécu à la guerre, aux tempêtes, 1999, Klaus, et ils sont toujours là. Tous les pins sont morts, mais pas mes chênes. » Le feu a été arrêté par les pompiers à 50 centimètres de la maison. Il a des bois en exploitation derrière. « Je n’y suis pas encore allé mais je pense que tout a cramé. » Il a entamé la paperasse. L’expert a déjà inspecté la grange détruite. « Nous ne sommes pas démoralisés. La vie continue, que faire d’autre ? La nature est plus forte que la pierre. Les fougères repoussent déjà alors que ce n’est pas la saison. » Et sa femme ajoute : « On se construit avec le passé mais on n’est pas obligé de vivre tout le temps avec, non ? » 

Quand même, tous ces arbres noirs… « Oui, tout sera coupé. Dans quelques semaines, on ne verra que des kilomètres de terre plate, sans rien dessus. J’imagine que je ne verrai plus le paysage que j’ai connu. Il va falloir dessoucher, labourer, semer. Ça coûte cher. Tout le monde ne pourra pas le faire. Des terrains seront peut-être vendus. Certains endroits se régénéreront, d’autres deviendront des friches. » 

Lui aura toujours ses 20 chênes face à lui. La vie est plus forte.

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