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1 septembre 2022

Incendies en Gironde

Sud-Ouest du 1er septembre 2022

2022 09 01 SO Unn incendie détruit 5 hectares

2022 09 01 SO Unn incendie détruit 5 hectares2

Sud-Ouest du 1er septembre 2022

2022 09 01 SO Ils ont tout perdu dans l'incendie des cabanes

 

Sud-Ouest du 1er septembre 2022 

Incendies : « Cette sensation de vide est intolérable… » 

L’ancien militaire, aujourd’hui photographe, Raphaël Guillemin vivait dans une cabane de la Forêt usagère de La Teste-de-Buch. Elle a brûlé le lendemain du terrible incendie de juillet

2022 09 01 cette sensation

Il ne reste absolument rien. Nous sommes chez Boy, en plein milieu de la Forêt usagère de La Teste-de-Buch. Les fougères repoussent déjà au milieu des pins cramés, des chênes aux feuilles marron foncé et des tiges de charbon. Raphaël Guillemin erre parmi les décombres calcinés, ses pieds traînent dans les cendres, il cherche dans la poussière s’il y a quelque chose à sauver. Un souvenir, un truc, n’importe quoi. Mais non, il n’y a plus rien. 

« Regarde, ce sont les balles qui étaient accrochées à mon casque militaire. » Raphaël, 43 ans, fils d’un pompier de la base aérienne 120 de Cazaux, s’est engagé au sein du 2e régiment d’infanterie de Marine. Il a toujours voulu entrer dans l’armée : « Je voulais voir la guerre, l’aventure. » Il a, avec son régiment, sillonné les Balkans dans la deuxième moitié des années 1990, quand il fallait désarmer. 

Alors la guerre, oui, il l’a vue : « J’ai appris qu’on pouvait dormir en marchant. J’ai compris qu’on peut tout encaisser, il n’y a pas de limite. » Certes… 

Le casque a fondu 

Par terre, sous les cendres, il ne reste que les douilles. Le casque a fondu. Comme les fenêtres des deux cabanes de 18 m2 . Tout a brûlé dans la soirée du 13 juillet, le lendemain du déclenchement de l’incendie sur la piste 214. « J’y suis allé dans l’après-midi avec Oriane. Elle est venue parce qu’elle avait peur que je ne rentre pas. J’ai pris des papiers, les disques durs de mes ordis, et un sac, qui est toujours prêt, un réflexe militaire. Le chemin était en feu. Les pompiers nous avaient donné trois minutes. Il a fallu partir. » Et laisser tout ça brûler sans pouvoir faire quoi que ce soit. 

Raphaël s’arrête devant un trou : « Y avait un pin gemmé là, tout creux. Tout s’est consumé, jusqu’aux racines. Il n’y a plus que ce trou. Et puis ici, voilà le patron, le grand pin. À l’intérieur, le feu n’a laissé que de la dentelle de bois. Il faudra l’abattre aussi. Ça me troue le ventre. » Il soupire. « C’était chez moi ici. Deux petites cabanes c’est sûr, mais un grand jardin ! » De sa tronçonneuse ne reste que la lame. « Tiens, c’était mes plaques de cuisson. »

2022 09 01 cette sensation2

La mer de fougères 

Une seule bouteille de gaz a explosé : « J’ai ouvert toutes les autres avant de partir le mardi, pour pas qu’elles pètent à la gueule des pompiers. » La serrure d’entrée est par terre, la porte n’existe plus. Le vieux poste de radio, l’appareil photo de 1914, le briquet Zippo qui a fait la guerre du Vietnam non plus. 

Il regarde vers l’ouest. « Le soir, tu pouvais t’asseoir et regarder les fougères onduler avec le vent et le soleil qui se couchait, comme une mer de fougères. C’était beau, vraiment beau… » La cabane était un peu hors de la société, hors du temps. « Ici, tu vis au rythme du soleil. Tu regardes jamais ta montre. Il faut se laisser aller à ce qui t’entoure. Tu te laisses guider par la nature… » 

Dans l’autre cabane, la tour de son ordinateur a été déformée par le feu et calcinée de l’intérieur. Au début des années 2000, un grave accident de la route, lors d’une permission, a obligé Raphaël à quitter l’Armée et l’a laissé handicapé. Puisqu’il avait un CAP de mécanicien, il a travaillé dans les gros engins de travaux, et puis il a eu deux filles au Mans où il vivait. Il a débuté la photo d’art là-bas. Il photographiait des femmes : « Pour leur géométrie, leurs courbes non euclidiennes et compliquées. Est-ce que vouloir faire du beau après avoir fait la guerre a un rapport ? Je ne sais pas… » 

Son divorce l’a ramené à Cazaux : « J’en rêvais depuis tout petit d’avoir une cabane dans la forêt. » Il a continué la photo. Et publié deux Comics mettant en scène ses héroïnes, les Dark Bunny. Il les avait amenées au festival de BD de La Teste-deBuch, en juin dernier, avant que tout brûle, pour présenter les deux œuvres : « Dark Bunny, it’s just a shot away » et « Dark Bunny, rage against the machine ». Deux plaquettes super drôles entièrement réalisées à Cazaux. 

Les Dark Bunny 

Les modèles reprennent les rôles des gars de sa section, au 2e Rima. Elles défendent Cazaux. Elles croisent de vrais Cazalins dans ces pages. L’épicerie est dans le deuxième Bunny, le café aussi. Elles capturent même un élu (d’opposition), Dominique Ducasse qui, dans la forêt, essaie d’attraper des lapins avec une carotte. « Je le bute ? » demande une Bunny. « Arrêtez, crie la (vraie) épouse de Dominique Ducasse, c’est mon humain de compagnie ! » 

Tout a été réalisé dans et autour des deux cabanes de Raphaël. « Les combinaisons noires de Bunny, les armes des filles, des jouets hein, les chaussures, tout a disparu. Je n’ai sauvé qu’une tenue de Rate Woman, la méchante dans le deuxième Dark Bunny. » 

Des copains essaient de lui remonter un ordi. On s’entraide. Le peuple de la forêt se serre les coudes. Surtout depuis l’incendie. Sur la route, après le dépôt de pétrole Vermilion, vers le chemin CZ7810, on a croisé un de ses voisins : « J’ai des pneus pour toi. Non, promis, c’est pour toi, je les ai eus comme ça. Tu vas au garage et tu les changes. » Raphaël a dit d’accord. Tout le monde le connaît. Au café de Cazaux en début d’après-midi, des gamins à vélo se sont arrêtés à notre table. « Salut Raph, ça va ? » « Ouais, et vous ? » « On éteint le feu avec mon père. Enfin les fumerons. On va tout éteindre. » 

2022 09 01 cette sensation3

Reconstruire 

Il faut commencer par là en effet. Ensuite, il y a tout le reste. « Quand je suis arrivé sur ma parcelle, deux hectares, j’ai dû y entrer au coupe-coupe. J’ai mis un an pour tout construire, aménager les tonnes d’eau, mon frigo qui marchait au gaz, le chauffe-eau pour la douche, etc. Je ne reverrai jamais cet endroit tel qu’il a été. Mes filles peut-être, mais moi, non. Il va falloir abattre des arbres. Ce sera comme un désert pendant un moment. » 

Comme les autres, il veut reconstruire, évidemment. Il est là légalement, alors pourquoi l’en empêcherait-on ? « Mais en ce moment, c’est dur. Tu t’es battu contre le feu, t’as été dans l’action et puis c’est fini. T’es là, avec la paperasse, la banque, l’assurance. T’as plus de maison. Tout a brûlé. J’avais tout dans ma cabane, et j’ai tout perdu, je n’ai plus rien… Cette sensation de vide est intolérable… »

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