Incendies Gironde
Sud-Ouest du 25 juillet 2022
Après les flammes, la menace souterraine
Contenu dans un périmètre de 66 kilomètres, l’incendie de Landiras entre dans une deuxième phase, moins spectaculaire mais sournoise : le feu s’enterre dans la tourbe et va nécessiter une longue surveillance
Un pin maritime noirci s’effondre au bord de la départementale 110, entre Origne et Louchats, soulevant un nuage de cendres et de poussières. Une équipe de sapeurspompiers de la Vienne a pris la décision de l’abattre : « Il menaçait de tomber sur la route. » Dans le secteur de l’incendie de Landiras, les tronçonneuses, les pelles et les seaux-pompes remplacent peu à peu les lances. Après les murs de flammes, le sinistre rentre dans une deuxième phase, moins spectaculaire mais sournoise et toujours dangereuse : « Le feu s’enterre dans la tourbe, jusqu’à soixante centimètres sous le sol », explique la commandante Stéphanie Martin, du Service départemental d’incendie et de secours de la Gironde (Sdis 33). Ce week-end, les effectifs ont mené la chasse aux fumerolles, ces reprises de feu à même le sol, en retournant la terre pour mieux la refroidir à l’aide d’eau. Un travail de fourmi. Ingrat, fastidieux, mais indispensable.
Géologie à risque
C’est la géologie du secteur qui explique cette mue de l’incendie en menace souterraine. À la différence de La Teste, zone sableuse, le sol de la forêt sud-girondine est riche en tourbe – une matière fossile constituée par l’accumulation millénaire de débris végétaux. Et parfois même de lignite, une roche sédimentaire encore plus riche en carbone. Bref, l’incendie a pris sur un sol truffé de charbon, qui ne va pas refroidir de sitôt. « Ce qui se passe aussi, ajoute la commandante Stéphanie Martin, c’est que les arbres sont reliés entre eux par leur système racinaire, qui peut permettre au feu de se propager à travers ce sol très aérien, mélange de terre et d’humus. » Une fois enterré profondément sous la surface, il n’est donc pas exclu que l’incendie réapparaisse plus loin, alimenté par une poche d’oxygène ou réactivé par un impact de foudre. « On a déjà vu des incendies repartir dix jours plus tard dans ce genre de conditions. » Ce danger de départ « spontané » existe toute l’année. Mais l’incendie monstre de juillet va nécessiter des moyens adaptées à sa démesure. « On utilise des ‘‘landaises’‘ ou ‘‘rouleaux landais’’. Elles sont formées d’un tracteur et de rouleaux agricoles hérissés de lames qui permettent de retourner la terre. Et elles sont suivies par des camions ‘‘feux de forêt’‘ », détaille l’officier. «Ces moyens sont donc à la fois à même d’extraire la tourbe et de couper le réseau racinaire. » Des bulldozers sont aussi utilisés.
Des poches à défendre
Sur le feu de Landiras, « l’enjeu est de défendre quelque 66 kilomètres de lisière », calcule Stéphanie Martin. Mais ce n’est pas tout. « À l’intérieur de ces 13 800 hectares, tout n’a pas été détruit. Il y a encore plein de zones qui peuvent brûler. Dans un deuxième temps, il va falloir défendre ces ‘‘périmètres intérieurs’’. On distingue d’ailleurs très bien ces zones sur les images prises par le drone mis à disposition par le ministère des Armées. » Les engins et outils de chantier ne sont heureusement pas les seules armes pour s’attaquer aux fumerolles et aux reprises de feu. « Le drone militaire nous permet de distinguer les points chauds en prenant des vues thermiques à 1 500 mètres d’altitude. Et celles-ci comportent des données GPS que nous sommes à même d’intégrer à notre propre système cartographique. » Pour les zones inaccessibles par le sol, des moyens aériens sont utilisés. Pas les Canadair, qui sont restés au sol samedi, mais un hélicoptère bombardier d’eau Super Puma. Sa capacité d’emport est inférieure aux avions (quelques centaines de litres d’eau dans son « seau »). Mais son vol stationnaire lui permet d’opérer des frappes chirurgicales sur les fumerolles, puis de repartir se recharger en eau à 300 km/h au lac d’Hostens. Sur le plancher des vaches, le danger va rester important de longues semaines. En 2020, près d’un mois après l’incendie du Tuzan, un septuagénaire s’était enfoncé dans un trou rempli de braises. C’est l’une des raisons pour lesquelles l’accès à la forêt demeure prohibé.