Surveillance des plages
Sud-Ouest du 18 avril 2022
Sud-Ouest du 18 avril 2022
Lacanau : Les sauveteurs de l’été mis à l’épreuve
La journée de sélection pour les futurs sauveteurs aquatiques de la saison avait lieu hier
Lors de la mise à l’eau, avec la vague de bord à fendre. Les vagues atteignaient 1,80 m au moment de l’épreuve de la bouée. JULIEN LESTAGE
«Ca va piquer un peu », promet Matéo, 20 ans, étudiant en Staps à Bordeaux, l’œil rivé sur les vagues. Début d’après-midi, hier, plage nord de Lacanau-océan. En vacances ou en weekend, ils sont déjà nombreux à profiter du sable retrouvé en contrebas, mais ici, sur l’esplanade du centre de secours, l’heure est aux dernières consignes avant d’attaquer « l’épreuve de la bouée ». Le sommet de cette journée de sélection des secouristes qui officieront cet été sur les plages girondines à Lacanau, Hourtin, Carcans et Naujac-sur-Mer. Ils sont 150 à avoir déposé leur candidature, pour 100 postes à pourvoir.
Chef d’un poste de secours et encadrant, Charlie Dupont s’adresse au groupe Lacanau, 44 jeunes hommes et femmes qui postulent à la surveillance des plages ou du lac : « Attention à la mise à l’eau, on va vous laisser du temps pour bien regarder le plan de plage, les courants. » Le test n’a rien d’une formalité pour atteindre la bouée placée au-delà de « la barre », la ligne de vagues qui se cassent : « Les conditions sont dangereuses, il y a des courants d’arrachement et les vagues, dont la taille atteint aujourd’hui 1,80 mètre », décrit-il.
Redoutables baïnes
Il faudra nager environ 600 mètres, auxquels s’ajoutent 300 mètres de course à pied, à l’aller comme au retour. « Au début, on pense que c’est une course de vitesse, mais le chemin le plus court n’est pas le plus rapide », prévient Charlie Dupont. Prendre en compte les courants qui vous poussent au large, y compris ceux des redoutables baïnes, s’avancer dans la mousse pour partir plus rapidement, bref, « comprendre son environnement, utiliser les caractéristiques de l’océan à son avantage ». Deux signes qui ne trompent pas : une seule bouée, et non pas deux, est à franchir cette année et une dizaine de sauveteurs sont à l’eau, prêts à intervenir : « Si jamais il y a le moindre problème, faut pas hésiter à lever le bras », ajoute un autre encadrant.
Et c’est parti sur la plage, sous l’œil des promeneurs qui n’en demandaient pas tant. Dix minutes d’épreuve qui se dérouleront sans incident, faut-il le préciser. « La vague de bord, la première, était difficile à franchir, mais ensuite, sur la mise à l’eau, on n’a pas eu une grosse série de vagues qui nous tombe dessus », dit Damien, 20 ans. Dernier arrivé, Erwan, 18 ans, a déjà l’expérience d’une saison mais n’a pu faire mieux, faute d’une pratique sportive durant sa première année de médecine.
Abandons
Sur les 44 candidats, une quinzaine a renoncé à aller au bout. Un écrémage conséquent, qui révèle en creux combien l’océan est périlleux. Pas plus tard que mardi, un Alsacien de 45 ans est mort noyé, piégé par le courant d’une baïne, sur la plage des Horizons marins, de l’autre côté de Lacanau. « Malheureusement, il faut des événements comme celui-ci pour en rappeler la dangerosité », constate Guillaume Counilh, responsable de la surveillance des plages à la Communauté de communes Médoc Atlantique.
Tous ont beau être titulaires d’un Brevet national de sécurité et de sauvetage aquatique (BNSSA) et d’une formation Premiers secours en équipe de niveau 2 (PSE2), parmi les prétendants, certains se refusent d’ailleurs à aller trop vite en besogne : « Je vise d’abord le lac. Je ne veux pas me confronter à la mer directement, je préfère y aller étape par étape, pour arriver sereinement », confie Mathieu, 19 ans, lui aussi étudiant en Staps. Et c’est bien la capacité à appréhender l’océan qui apparaît primordiale : « La condition physique est un prérequis, comme le sont la connaissance du milieu et l’état d’esprit », complète Guillaume Counilh. « On ne fait pas une équipe de sport, mais une équipe qui est là pour sauver. Il faut une appétence particulière. »
De fait, s’il n’y a pas que des surfeurs dans les rangs des candidats, ceux-ci forment un contingent incontournable des sauveteurs saisonniers. Guillaume Counilh relève aussi la présence croissante d’adhérents de clubs de sauvetage côtier, en plein boom sur la côte girondine comme dans la métropole bordelaise. « Ça rassure les parents d’y inscrire leurs enfants, pour une meilleure appréhension du milieu. »
Le métier de sauveteur reste-t-il l’apanage des hommes ? Les femmes représentaient 30 % des candidats inscrits au groupe Lacanau, sans doute un peu moins au départ. Mais tout de même : « Elles sont capables d’aller à l’eau, de ramener une victime, et, dans la perspective d’un travail d’équipe, leur présence change les façons de voir, l’approche des victimes », plaide Charlie Dupont. Et sur l’épreuve de la bouée, ce dimanche, elles étaient loin d’être les dernières à sortir de l’eau.