Nappes phréatiques
Sud-Ouest du 10 février 2022
Déficit de pluie en janvier dans le Sud-Ouest : doit-on (déjà) s’inquiéter pour les nappes phréatiques ?
Après un mois de décembre très humide, le début d’année est particulièrement sec dans le Sud-Ouest. Une situation qui conduit à une recharge des nappes phréatiques moins conséquente que d’ordinaire
Lunettes teintées sur le nez, les badauds ne boudent pas leur plaisir. En Nouvelle-Aquitaine, l’année a débuté sous le soleil et le moins qu’on puisse dire, c’est que le phénomène n’est pas franchement habituel en cette saison. Pour qualifier cette situation, qui concerne l’ensemble du pays et frappe particulièrement le Sud-Est, Météo France évoque une « anomalie globale des précipitations » et fait état d’un « déficit voisin de 40 % ».
Un temps durablement sec et ensoleillé en plein cœur de l’hiver, est-ce exceptionnel ? « Non », tempère Bruno Mouchet, prévisionniste à Météo France Mérignac : « On a déjà eu des mois de janvier beaucoup plus secs dans le Sud-Ouest », assure-t-il, concédant toutefois que les valeurs observées sont bien en deçà des normales.
☀️☁️Avec cette situation anticyclonique persistante sur une large partie du mois, la situation est restée souvent bien contrastée entre moitié nord et moitié sud.
— Météo-France (@meteofrance) January 27, 2022
🌧️❌Dans ce contexte, pluviométrie exceptionnellement déficitaire sur régions du #sudest.
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Moins de pluie, plus de soleil
En Nouvelle-Aquitaine, cette raréfaction des pluies depuis le 1er janvier a été constatée dans tous les territoires, à l’exception notable de la chaîne des Pyrénées. À Laruns, dans la vallée d’Ossau, Météo France a ainsi relevé 224 mm de précipitations en janvier, en léger excédent par rapport aux moyennes de saison, établies à 181 mm (+24 %).
Ailleurs, les parapluies ont souvent été mis au chômage technique. À la station de Socoa, au Pays basque, 82 mm ont été relevés contre 139 mm en temps normal (-41 %). Le même phénomène a été constaté à Mont-de-Marsan (-47 %, 42 mm contre 79 mm), Bordeaux-Mérignac (-52 %, 40 mm contre 87 mm), Royan (-53 %, 40 mm contre 85 mm) ou Agen (-18 %, 45 m contre 55 mm). En parallèle, l’ensoleillement a été nettement excédentaire : +56 % à Pau, +51 % à Cognac, +48 % à Bergerac, +45 % à Dax, +40 % à Bordeaux ou encore +18 % à Agen.
Décembre bien arrosé
Derrière ces chiffres, il convient de distinguer deux périodes contrastées : « On a eu de fortes précipitations début janvier mais depuis le 18, on a des conditions anticycloniques qui empêchent le courant perturbé de pénétrer dans le pays, donc peu de pluies durables et soutenues », précise Bruno Mouchet. Avant le retour du temps sec, les précipitations, parfois très fortes, ont ainsi donné lieu à des inondations autour du 10 janvier dans les Pyrénées-Atlantiques et les Landes, et dans une moindre mesure en Gironde et Lot-et-Garonne.
Quelques semaines plus tôt, en décembre, une configuration similaire avait été observée. Si le dernier mois de 2021 a été « très arrosé dans la globalité », les pluies se sont concentrées « sur la première décade et un peu en fin de mois, du 23 au 31 », reprend le prévisionniste. « Mais du 11 au 22 décembre, on a eu une large période sèche ». Autour du 10 décembre, des épisodes pluvieux violents avaient occasionné de premières inondations dans les Landes et les Pyrénées-Atlantiques. Sur l’ensemble du mois, l’excédent de précipitations a atteint 90 % en Dordogne, aux Eyzies-de-Tayac, mais aussi 61 % à Laruns, 52 % à Socoa, 42 % à Bordeaux, 32 % à Mont-de-Marsan ou encore 21 % à Agen.
Vigilance dans les Charentes
Les pluies de décembre suffisent-elles à compenser la relative sécheresse qui dure depuis la mi-janvier ? Pas réellement, constate Olivier Douez, hydrogéologue au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) de Bordeaux. En plein cœur de la saison de recharge hivernale, qui dure d’octobre à mars et permet aux nappes phréatiques de faire le plein avant la reprise de la végétation au printemps, il constate que les réserves d’eau, dans le Sud-Ouest, se situent « un peu en dessous de la moyenne ».
« La recharge s’est bien effectuée en décembre mais depuis, on a une baisse, une vidange naturelle des nappes, rapporte-t-il. Elles restent globalement à des niveaux moyens dans le Sud-Ouest, soit assez stables, soit en légère baisse, sauf dans les Landes et les Pyrénées-Atlantiques où elles sont à des niveaux plutôt hauts ». Selon le spécialiste, un seul « point de vigilance » requiert une attention particulière : « Dans les Charentes, surtout en Charente-Maritime, on a des niveaux plus bas que la normale, reprend-il. Autour du 10 janvier, des pluies ont rapidement fait remonter les niveaux, mais depuis, on est revenu dans une phase de vidange, avec des niveaux qui baissent ».
Toutefois, la situation n’a rien de catastrophique à ce moment de l’année, rassure Olivier Douez : « Il n’y a pas trop d’inquiétudes à ce stade car la recharge hivernale n’est pas terminée, rappelle-t-il. En termes de niveaux pluviométriques, on va suivre des potentielles recharges dans les semaines à venir. S’il devait pleuvoir jusqu’en mars, les niveaux des nappes pourraient rapidement remonter. » Tant pis pour les lunettes de soleil, et tant mieux pour la nature.