Covid-19
Sud-Ouest du 25 février 2021
Sud-Ouest du 25 février 2021
Covid-19 : a-t-on raison de bouder le vaccin AstraZeneca ?
Il est le moins plébiscité des vaccins anti-Covid disponibles sur le marché européen. On l’accuse de tous les maux. Mais qu’en est-il ? Le point sur le terrain
Depuis début février, on vaccine les soignants avec l’AstraZeneca. Comme ici, au centre de vaccination de Nontron, en Dordogne. PHILIPPE GREILLER
Olivier Véran, le ministre de la Santé, a juré n’avoir « rien senti » lors de sa première injection de vaccin AstraZeneca, le 8 février à l’hôpital de Melun (Seine-et-Marne). L’histoire ne dit pas si, le lendemain, il est allé au boulot. Ni s’il a été victime d’un syndrome grippal carabiné à l’instar des soignants des hôpitaux bretons, qui ont souffert de fièvres, de céphalées, après leur vaccination. Jusqu’à prendre un arrêt maladie. Selon l’Agence régionale de santé de Bretagne, ces effets indésirables auraient concerné 18 % des vaccinés.
Depuis le 8 février, les soignants des hôpitaux de France, quel que soit leur âge, sont invités à se faire piquer à l’AstraZeneca. De fait, ils ne se bousculent pas au portillon. La semaine prochaine, ce même vaccin sera proposé, chez les médecins généralistes, aux personnes âgées entre 50 et 64 ans présentant des comorbidités.
« Trop de doutes »
« Calme plat », constate Christophe Adam, médecin généraliste à Bordeaux. « Avec les trois autres médecins du cabinet, nous avons bloqué la matinée du samedi pour la consacrer aux vaccinations. Pour l’instant, nous n’avons pas de candidats… On dit trop de choses négatives sur ce vaccin. »
Au CHU de Bordeaux, le docteur Marianne Lafitte, cardiologue à l’hôpital Haut-Lévêque, est responsable du centre de vaccination. Elle aussi constate une réticence réelle face à l’AstraZeneca : « Les soignants sont des gens comme les autres, ils écoutent les informations qui répètent en boucle, depuis quinze jours, que ce vaccin serait mal toléré et moins efficace que le Pfizer. Ils nous questionnent, on répond, on explique… »
Le CHU de Bordeaux propose depuis le 8 février 150 créneaux quotidiens de vaccination sur trois sites, et… il en reste beaucoup de vides. « Ce n’est pas un échec, admet le docteur Lafitte, mais on n’est pas submergé. Trop de doutes. Et un mauvais départ. Nous avons commencé les premières vaccinations le dimanche 7 février, et le lendemain, plusieurs soignants ont été en arrêt maladie, souffrant de syndromes grippaux, très secoués. Un quart des vaccinés ont subi ces effets indésirables. La semaine d’après, le nombre de candidats au vaccin a chuté. On dirait que ça reprend un peu, mais l’AstraZeneca est vécu comme un moindre mal. »
Une mauvaise réputation
Le docteur Élisabeth Nicand, microbiologiste de formation, est responsable du centre de vaccination international de l’hôpital militaire Robert-Picqué, à Bordeaux. Membre du Haut conseil de la santé publique, elle figure dans la commission spécialisée dans les maladies infectieuses et émergentes.
La mauvaise réputation du vaccin AstraZeneca ne lui a donc pas échappé, mauvaise réputation contre laquelle elle combat, à coups d’arguments scientifiques précis. « Nous avons en Europe, donc en France, trois vaccins disponibles pour l’instant. Deux à ARN messagers, le Pfizer et le Moderna, et l’AstraZeneca à vecteur viral non réplicatif. Pour ce dernier, on connaît son efficacité, son fonctionnement, puisqu’il a été utilisé dans les campagnes de vaccination contre Ebola. Ces trois vaccins ont la faculté de répondre à l’émergence d’un virus. »
Sur la question des effets secondaires, le docteur Nicand ne se dérobe pas : « Ce n’est pas nouveau, nous le savions. Les études en phase 3 de l’AstraZeneca ont montré une réactogénicité chez environ 10 % des vaccinés. Moins de 24 heures après la piqûre, peuvent apparaître des syndromes grippaux transitoires bénins. Ces réactions concernent particulièrement les moins de 50 ans, parce qu’ils ont un système immunitaire très performant. C’est plutôt bon signe. Ils fabriquent des anticorps. La solution : du paracétamol pendant deux jours. »
Pourquoi ça coince ?
Selon la vaccinologue, l’efficacité de l’AstraZeneca n’est pas à remettre en cause. Et surtout pas en balance avec celle des deux autres vaccins.
Elle s’explique : « À deux doses, Pfizer annonce 90 % d’efficacité, AstraZeneca, à deux doses, 80 %. Vu comme ça, on se dit : le Pfizer est mieux. La réalité est plus complexe, car ces chiffres ne tiennent pas compte de la notion d’écarttype, à savoir l’étalement d’un ensemble de valeurs autour de leur moyenne. Bref, les deux vaccins n’ont pas le même écart-type, ce qui fausse ce chiffre sur l’efficacité car en réalité ils sont équivalents en efficacité. » Sauf face aux variants. Car si l’AstraZeneca, développé par une unité d’Oxford en Angleterre, a été évalué face au variant anglais, duquel il protège, il serait moins efficace face aux variants brésilien et sud-africain : « On ne sait pas encore, admet le docteur Élisabeth Nicand, on manque de données pour l’affirmer ou l’infirmer ».
Vaccins : Pourquoi les 65-74 ans se sentent les "grands oubliés" ?