Covid-19
Sud-Ouest du 20 février 2021
Castex : « L’heure n’est pas au relâchement »
« On a réussi à éviter le reconfinement, mais c’est très fragile. Il faut rester disciplinés et confiants », a expliqué le Premier ministre, Jean Castex, qui rencontrait ce vendredi des lectrices et lecteurs du journal. Il a évoqué la campagne de vaccination, les aides économiques, la situation dans les écoles
Le Premier ministre, Jean Castex s’est rendu dans les locaux du journal « Sud Ouest » pour un entretien face à cinq de nos lecteurs. FABIEN COTTEREAU / « SUD OUEST »
En déplacement ce vendredi, à Bordeaux, le Premier ministre a fait escale dans les locaux de « Sud Ouest ». Pendant une heure, il a échangé avec cinq lectrices et lecteurs. Dans le ton, on sentait à la fois l’ancien maire de Prades (Pyrénées-Orientales), au contact facile, et le haut fonctionnaire, technique.
Odile Candessenche, patronne d’une société de bus touristiques en Gironde. « Ma profession n’est pas administrativement fermée, mais je n’ai plus de clients. J’ai clôturé l’exercice 2020 à moins 70 % de chiffre d’affaires. L’État nous accompagne bien. Mais jusqu’à quand pourra-t-il le faire ? »
« On a mis le paquet pour aider les entreprises, si bien que malgré la crise sanitaire, les défaillances d’entreprise ont été moins nombreuses en 2020 qu’en 2019. On va continuer, car ce serait dramatique d’interrompre nos aides du jour au lendemain. Il faudra évidemment le faire un jour, dès que la situation sanitaire le permettra. Mais nous devrons le faire de manière progressive, en proposant des plans d’accompagnement, secteur par secteur, pour cette période de transition. Notre objectif, c’est de sortir de cette crise encore plus forts : c’est ce que l’on fait avec le plan de relance. Notre ambition, c’est non seulement de protéger des gens et des emplois mais aussi changer structurellement les choses. Je prends l’exemple des stations de ski pour lesquelles nous mobilisons des crédits importants pour accompagner les communes, et pour préparer l’avenir au travers d’un plan d’investissement pour la montagne. »
Bernard Eymeri, retraité. « Nous entendons beaucoup parler de la lenteur d’approvisionnement du vaccin contre la Covid, faut-il craindre qu’il en soit de même pour les vaccins de rappel, durant plusieurs années ? »
« L’Europe et la France ont déjà précommandé beaucoup de doses, bien au-delà de ce qu’il nous faut pour pouvoir vacciner, d’ici à la fin de l’été, l’ensemble des Français qui souhaiteront l’être. Comme la grippe, le virus évolue, nous le voyons avec les variants. C’est un défi scientifique. Toute la recherche mondiale est mobilisée et il n’y aura aucun obstacle logistique ou financier. »
Samuel Maingeau, restaurateur à Bordeaux. « Je comprends la décision de fermeture des restaurants, j’ai bien reçu les aides. Mais les charges continuent de courir, notre trésorerie s’effiloche. Pourquoi les formulaires pour les aides prévues pour le mois de janvier ne sont-ils pas encore accessibles ? »
« Pour moi, fermer des restaurants et des bars, c’est un crève-cœur. Ce ne sont pas uniquement des endroits où l’on se restaure, c’est aussi un art de vivre à la française. Si nous avons pris cette décision, c’est que la réalité sanitaire nous y contraints. Et je veux rendre hommage à cette profession, saluer son sens des responsabilités. Nous avons, en lien avec vos représentants professionnels, amélioré les règles d’éligibilité au fonds de solidarité. Nous avons relevé le plafond d’aides, et sommes passés, dans nos calculs, à un pourcentage du chiffre d’affaires.
C’est une avancée positive pour les restaurateurs, mais cela demande un petit temps d’adaptation. La demande d’aide pourra être remplie en ligne le 24 février. S’agissant de la réouverture des restaurants, il ne serait pas responsable, aujourd’hui, de vous donner une date. Une fois que nous sortirons de cette situation, nous ferons de la période qui suit « l’année de la gastronomie française ». Nous proposerons un plan pour aider les restaurateurs, en cas de besoin, à faire des travaux de rénovation. Nous inciterons les gens à aller au restaurant, pour aider ces derniers à redémarrer, grâce à des mesures favorisant la demande. »
Julie Faivre, étudiante en lettres classiques à Bordeaux. « Les classes préparatoires sont restées ouvertes. En quoi proposeraient-elles de meilleures conditions sanitaires que les universités ? »
« Notre préoccupation constante, c’est de trouver le meilleur équilibre possible entre impératifs sanitaires et continuité pédagogique. Nous avons fait le choix de laisser ouverts les établissements scolaires, de la maternelle au lycée. Le fait d’avoir aussi peu que possible fermé les écoles est une spécificité de la France. En Italie, certains gamins ne sont pas revenus dans les écoles depuis mars... Les classes préparatoires sont juridiquement rattachées à des lycées : voilà pourquoi elles ont pu, comme les lycées, rester ouvertes, même si dans les lycées aussi, une partie des classes fonctionnent par demi-jauges. S’agissant des universités, la reprise des cours en présentiel se déroule de manière très progressive. Hélas, on ne peut pas aller beaucoup plus loin. Regardez ce qui se passe chez nos voisins : dans la plupart des pays, les facs sont fermées. Aujourd’hui, il serait démagogique de promettre le retour en présentiel. Nous devons avancer, mais avec prudence et par étape. »
Bénédicte Lafontan, professeur de sciences en lycée. « Des lycées accueillent 50 % des élèves, d’autres 75 %, n’est-ce pas une entorse à l’égalité des élèves dans l’acquisition des connaissances, pour le bac en particulier, qui est un diplôme national ? »
« C’est sûr, le bac 2021 se présentera de manière un peu particulière mais il ne faut pas que les enfants soient pénalisés. Dans les lycées, sur la base des recommandations du Conseil scientifique, nous avons été conduits à instaurer des niveaux de présentiel différents selon les établissements. Pour prendre mon exemple, j’ai déménagé et l’une de mes filles est passée d’un lycée en zone rurale, dans une région proche de la vôtre, un établissement où le nombre d’élèves par classe est plutôt inférieur à la moyenne, à un lycée parisien où les classes sont beaucoup plus denses : l’application des règles sanitaires ne se fait pas du tout de la même façon dans les deux lycées, ça dépend de leur configuration. Évidemment, les enseignements en présentiel, c’est mieux ! On subit une crise inédite, et il faut trouver les solutions les moins mauvaises qui concilient santé et pédagogie. »