Covid-19

Sud-Ouest du 8 septembre 2020 

Pour les tests, c’est le grand embouteillage 

CORONAVIRUS Partout, à la porte des laboratoires comme sur les sites de dépistage mobiles, les délais ne cessent de s’allonger. Pour mieux attendre, ensuite, parfois plusieurs jours le résultat

Ceux-là au moins n’auront pas à se lancer dans une course contre-la-montre pour être testés, voire hélas diagnostiqués positifs au coronavirus. Après avoir notamment profité de leur journée de repos pour se faire, hier, chatouiller les narines aux alentours de La Rochelle, les 166 coureurs du Tour de France et leurs suites (650 personnes au total) remonteront ce matin en selle le corps et l’esprit sains. Il n’en fallait pas moins pour préserver notre vieille dame de 117ans d’une contagion fatale. Pour les autres, patience. 

Des bagarres devant les labos… 

Car avec encore 25 000 nouveaux cas détectés ce week-end en France, la stratégie d’un dépistage massif semble en effet buter sur le plafond de verre des délais. Tandis que le gouvernement s’enorgueillit de bientôt dépasser le million de tests hebdomadaires, l’intendance en revanche ne suit plus. Quand bien même les autorités répètent qu’un délai de 24heures doit être tenu entre le dépistage et son résultat, sur le terrain celles-ci ne sont plus maîtres des horloges sanitaires.

Devant la tente ouverte chaque matin par l’Agence régionale de santé, sous les platanes des quais bordelais, il vous faudra d’abord prendre votre éventuel mal de gorge en patience. « Ils vont attendre une heure ou deux, et quand ce sera leur tour, on fermera », commente un peu blasé le vigile en faction. Au-delà de ces sites de dépistage mobiles et de leurs longues files indiennes, c’est d’abord et surtout dans les 3 300 laboratoires d’analyses médicales du pays que sont aujourd’hui assumés 90 % des tests Covid. Où l’on se bouscule là aussi au portillon, dès potron-minet. 

Comme à Saint-Médard-en-Jalles (Gironde), dans l’une des 14 officines de la société Biolab 33. « Cette fois, les gens viennent de tout le département, l’augmentation est faramineuse depuis une semaine », souffle Frédéric Laurent, son biologiste de président. «Sur l’ensemble de nos sites girondins, nous dépassons désormais les 1 500 dépistages quotidiens, trois fois plus que ce que l’on faisait il y a quelques jours seulement. Certains matins, nous nous sommes retrouvés avec les trottoirs et la rue adjacente bouchés, le parking saturé et notre portail fracassé. C’est effrayant.» 

La nature humaine ayant horreur du vide, il aura donc fallu appeler la police municipale à la rescousse pour fluidifier le trafic et les humeurs emportées par la foule. « Estimant qu’ils devaient passer avant les autres, certains en sont venus aux mains. Des gens rongés par le stress comme par un sentiment d’urgence devant l’augmentation de la positivité.» 

Face à cet engorgement croissant, consigne a donc été donnée aux laboratoires de «prioriser» l’accueil des candidats : sur ordonnance, symptomatiques ou cas contacts. « Très bien, mais lorsque 300 personnes frappent à votre porte, vous faites comment pour les renvoyer chez elles ? » s’agace quelque peu Frédéric Laurent. La rançon d’un succès bâti sur des délais encore ici garantis dans les 24heures chrono, contre souvent deux à trois jours ailleurs, et même plus du double en région parisienne. « Notre standard téléphonique a sauté, l’informatique comme le personnel tirent la langue, mais nous tenons…» 

Le remède du test salivaire? 

Pour combien de temps encore, sachant que les stocks de réactifs – indispensables pour mettre en évidence la présence du virus – sont eux aussi au bord de la rupture ? Grippée par ces diagnostics aux retards exponentiels, la stratégie massive du «dépistage-traçage-isolement» vacille (lire par ailleurs). 

Sur le point d’être enfin validé, le test salivaire serait le remède miracle pour faire sauter le dernier gros bouchon de l’été. «Sauf que cela ne changera pas grand-chose à l’engorgement», doute le biologiste. «Qu’il soit PCR (nasal, NDLR) ou salivaire, réaliser un test ne prend pas beaucoup de temps en soi. Encore une fois, c’est tout le reste de la prise en charge administrative et médicale qui nous plombe.» D’un point de vue strictement financier, notons enfin les sueurs froides de l’Assurance maladie. En coulisses, ses argentiers auraient ainsi chiffré le coût de la prise en charge actuelle à plus de 60 millions d’euros hebdomadaires. 

Vers des tests plus accessibles? 

Le ministre de la Santé, Olivier Véran, a affirmé samedi que l’accès aux tests du Covid-19 allait s’améliorer d’ici «deux à trois semaines», alors que les délais pour les prélèvements et les résultats se sont nettement allongés dans les laboratoires. «Il y a un délai d’accès aux laboratoires pour se faire tester, des files d’attente à Paris ou ailleurs et actuellement il faut en moyenne 3,5 jours pour se faire tester», a reconnu le ministre. «Que les Français se rassurent, d’ici deux, trois semaines au plus tard, l’accès aux tests sera facilité», a-t-il promis, les délais actuels étant imputables, selon lui, aux nombreuses personnes qui se font tester à leur retour de vacances. 

Le ministre, lui-même testé négatif vendredi, a par ailleurs affirmé que 80% des personnes qui se font tester avaient un résultat dans les 36heures, et a rappelé que la priorité avait été donnée aux porteurs de symptômes et aux cas contacts. «Il y a des milliers de laboratoires qui sont actifs, des dizaines de milliers de personnes qui y travaillent et qui sont à fond semaine après semaine», a-t-il également expliqué, disant ne pas pouvoir «aller au-delà de ce qu’(il) leur demande en termes de rapidité»