Covid-19
Sud-Ouest du 3 septembre 2020
Sud-Ouest du 3 septembre 2020
« On ne revivra pas le printemps 2020 »
Le professeur Denis Malvy, chef du service maladies infectieuses au CHU de Bordeaux, membre du conseil scientifique, a répondu à nos questions et celles envoyées par les lecteurs
Ce jour-là, le professeur Denis Malvy, chef du service maladies infectieuses au CHU de Bordeaux, courait d’un bureau à une réunion, en passant par un point avec son secrétariat, une interview ou deux. Il faut encore se réunir avec l’équipe médicale, observer les patients, accompagner les familles.
1er septembre 2020. Le masque verrouillé sur le visage, comme nous. L’été a été clément, mais depuis la dernière semaine d’août, la hausse exceptionnelle du taux de circulation du virus a remis les pendules à l’heure.
« Sud Ouest » Quelle est la situation au CHU ?
Denis Malvy Nous avons, en ce moment, dix patients Covid en réanimation dont un est décédé hier (lundi) et autant en hospitalisation. Au plus fort de l’épidémie, en avril-mai, nous étions à 35 hospitalisés. On a encore de la marge. Mais, en juillet et début août, nous n’avions aucun malade, ici. Entre-temps, à la faveur de l’été et du tourisme, des rencontres familiales, le réservoir viral s’est reconstitué chez des populations « jeunes » qui petit à petit ont contaminé des gens plus vulnérables.
Jean (Bordeaux) D’après les chiffres de Santé publique France, l’épidémie en Nouvelle-Aquitaine est en hausse. Sommes-nous en train d’assister à une vraie première vague dans la région ?
Denis Malvy Disons que nous sommes encore dans la première vague. Nous vivons la fin de la première vague en ce moment. Le nombre de cas positifs exponentiel rend compte du fait que le virus circule beaucoup plus, en raison du relâchement des gestes barrières lors de regroupements festifs et familiaux.
« Sud Ouest » Pourtant, malgré ce taux d’incidence élevé, on parle de 6,5 % de personnes positives en Gironde, le nombre d’hospitalisations reste bas. Pourquoi ?
Denis Malvy En effet, étant donné le nombre de cas positifs, il devrait y avoir plus de monde hospitalisé, si l’on se réfère au mois d’avril dernier, par exemple. Mais entre-temps, nous avons appris beaucoup. Les personnes vulnérables savent se protéger, du coup, la morbidité sévère n’a pas augmenté au même rythme que la contamination. Mais, c’est en train de basculer, le relâchement des gestes barrières commence à générer des hospitalisations…
Pak (Libourne) Tout le monde prédit une deuxième vague, alors que le nombre de décès reste bas. Que faut-il penser ?
Denis Malvy On saura mi-octobre si, oui ou non, nous aurons à faire avec une deuxième vague. Jusque-là, nous devons contenir la propagation du virus, en maintenant au maximum les gestes barrières. Le nombre de malades est resté bas, tant que le réservoir communautaire du virus n’était pas constitué. Quoi qu’il en soit, le virus n’a pas disparu avec l’été, comme on aurait pu l’espérer. Il faut continuer à vivre avec, en le contrôlant le plus possible. Dans l’hémisphère sud, en Australie, à La Réunion, on assiste à une deuxième vague.
« Sud Ouest » Quel est notre scénario en cas de deuxième vague ?
Denis Malvy On ne revivra pas le printemps 2020. Il n’y aura pas de confinement généralisé, mais comme à Marseille en ce moment, si le taux d’incidence continue de monter, il faudra prendre de nouvelles mesures contraignantes : la fermeture de certains établissements à des heures fixes, des petits confinements de groupes ou d’activités. Aujourd’hui, nous sommes plus armés, on a fait des progrès notables dans la prise en charge des patients, le taux de survie en réanimation est amélioré. On soigne mieux, avec des anticoagulants et de la corticothérapie.
Nicolas (Floirac) Assiste-t-on à une mutation du virus ? Il serait plus contagieux mais moins dangereux ?
Denis Malvy Des études, en effet, ont montré que le virus serait plus contagieux et, peut-être, moins virulent, mais sur le terrain nous ne voyons pas cela. Nous sommes face au même virus qui nous en apprend tous les jours. Nous découvrons, par exemple, que des personnes qui l’ont déjà contracté, peuvent rechuter. Le temps d’immunité est plus court, mais la maladie présente une forme atténuée. Non, il n’a pas muté.
Caroline (Bordeaux) Va-t-on arriver à une immunité collective, compte tenu de l’explosion des contaminations ?
Denis Malvy On ne peut pas compter sur l’immunité collective. La Suède se débat avec, en vain. L’immunité de troupeau ne fonctionne qu’à partir de 50 à 60 % de la population contaminée, on est à peine à 10 %.
Daniel (Biscarrosse) Comment les malades asymptomatiques peuvent-ils transmettre le virus, s’ils ne toussent pas et n’ont aucun signe visible ?
Denis Malvy Par le toucher, les doigts. Le virus se transmet par les gouttelettes de salive, d’où l’intérêt de la distanciation physique et du port du masque, mais il se transmet aussi par les mains. Donc vous avez le virus, sans symptôme, vous vous touchez la bouche, les doigts dans le nez et vous transmettez le virus. Le lavage des mains réguliers avec du gel ou du savon est donc indispensable.
Abdel (Bègles) Le port du masque est-il utile et efficace en extérieur ?
Denis Malvy Il est indispensable en lieu clos, mais il doit être porté dans tous les endroits extérieurs où la distanciation physique n’est pas opérationnelle : rue Sainte-Catherine à Bordeaux, les marchés publics, les quais…
Séverine (Parempuyre) Une fois testé positif, pendant combien de temps sommes nous contagieux ?
Denis Malvy Le virus infectant disparaît assez rapidement. Chez les gens qui ne font pas de forme sévère, on peut dire dix jours.
Mélissa (Saint-Ciers-d’Abzac) et Allison (Bordeaux) Qu’en estil de la transmission du virus pour les enfants de moins de 11 ans ?
Denis Malvy Des cas ont été étudiés qui montrent que les enfants de cette tranche d’âge (moins de 11 ans) transmettent moins le virus qu’on ne le craignait.
« Sud Ouest » Quels sont les progrès à venir dans la façon de tester, dans les traitements ? Quid du vaccin ?
Denis Malvy Je suis plutôt optimiste. Le temps de la science a sa propre respiration, mais aujourd’hui je peux livrer des messages d’espoir. Sous peu, très vite même, les tests salivaires vont arriver sur le marché. Plus simples, rapides et moins contraignants pour les laboratoires. Nous avons des propositions de traitements prometteurs qui vont permettre de bloquer l’aggravation de la maladie au sixième jour. Quant au vaccin, actuellement six sont en phase 3, c’est-à-dire phase d’évaluation. On progresse très vite.
Sud-Ouest du 3 septembre 2020
Une rentrée «sereine» malgré des cas de Covid
GIRONDE Bien qu’une vingtaine d’établissements scolaires soient concernés par des cas avérés ou des suspicions de Covid-19, ce mardi 1er septembre s’est bien passé
Alors que les derniers ajustements d’ouvertures de classes auront lieu demain, François Coux, le directeur académique des services de l’Éducation nationale (Dasen) de la Gironde, balaie les principaux dossiers de la rentrée, au premier rang desquels, la Covid-19 qui n’épargne pas les établissements scolaires girondins.
« Sud Ouest » Comment s’est passée la rentrée en Gironde ?
François Coux Très bien. La relance du système dans les conditions sanitaires actuelles se passe bien.
Où en sommes-nous des cas de Covid-19 ?
Inévitablement, la liste du nombre d’établissements concernés par une suspicion ou un cas de Covid s’allonge. Quand vous faites rentrer 290 000 élèves dans les classes et que vous avez 15 000 professeurs en Gironde, cela fait quand même circuler plus de 300 000 personnes. Au regard de la zone rouge dans laquelle est situé le département, c’est bien naturel qu’on en ait dans les écoles.
S’agit-il de cas avérés ou de suspicions ?
Nous avons des cas avérés, des suspicions et des cas contacts de cas avérés dans une vingtaine d’établissements, écoles, collèges et lycées. L’Agence régionale de Santé (ARS) et l’Assurance maladie prennent très vite le relais pour organiser les tests et maintenir en septaine ou quatorzaine les personnes – élèves, agents ou enseignants – concernées. Le plus important, c’est la réactivité.
Des établissements sont-ils fermés ?
À part l’établissement Notre-Dame, il n’y en a pas. Et il a fermé avant la rentrée scolaire sur une décision du chef d’établissement. Aujourd’hui, nous ne sommes plus sur cette procédure. S’il doit y avoir fermeture d’établissement, on est dans une logique où on se parle, où on réfléchit et c’est la préfète qui décide.
Des dépistages massifs sont-ils prévus ?
Non, nous sommes dans une logique de dépistage de cas contacts, pas de dépistage massif. Cela n’aurait pas de sens. C’est à l’école qu’on est le plus en sécurité, ou au travail. Mais dès qu’on entre dans le champ privé, c’est plus compliqué, on fait moins attention. La plupart des situations que nous avons à traiter, ce sont des collègues qui sont allés manger ensemble, qui se sont retrouvés en dehors du travail pour préparer la rentrer. Les gestes barrières sont moins bien respectés. Au lycée Eiffel, nous avons plus de 20 personnes à tester car elles se sont retrouvées entre elles. Dans une école de Mérignac, nous avons eu six enseignants, qui avaient mangé ensemble, qui n’ont pas fait la rentrée. Ils vont être testés et il y a neuf chances sur dix pour qu’ils reviennent dans le circuit très vite. En attendant, nous avons mis des remplaçants.
Nous avons une approche très tranquille car nous avons eu le temps de se préparer. Mais, il faut qu’on soit tous très rigoureux et qu’on tienne le cap collectivement. Tout le monde est coresponsable de la situation.
Est-ce que vous avez augmenté le nombre de remplaçants pour faire face à une éventuelle hausse des absences ?
Cela ne fonctionne pas comme ça. On peut le faire mais sur le long terme. Mais nous sommes très bien dotés en remplaçants en Gironde. Ce pôle a bien augmenté ces cinq-six dernières années. On s’était dit qu’on pourrait puiser dedans pour plutôt les mettre en classe. Vu le contexte, on ne va pas le faire. Nous avons un effet masse qui nous laisse des marges.
Quid de la carte scolaire ?
La Gironde bénéficie de nombreux postes d’enseignants depuis cinq ou six ans. Cela a permis de rattraper un retard qui existait, surtout vis-à-vis des écoles maternelles et de mettre en œuvre un certain nombre de priorités ministérielles. Toutes les classes de CP et CE1 du réseau prioritaire ont été dédoublées. Le plafonnement des grandes sections de maternelle, CP et CE1 est en cours pendant les trois prochaines années, pour tous. Nous sommes au-dessus des 50 % car nous avons eu une dotation très confortable. On accueille un peu moins de 500 élèves supplémentaires dans le premier degré et on a eu l’ouverture de 106 postes.
Les syndicats regrettent que le second degré soit moins bien doté…
C’est parfaitement assumé car jusqu’à présent on avait un second degré mieux doté. On veut désormais retrouver des équilibres et mettre le paquet là où l’enjeu est le plus fort. Il ne faut plus qu’on ait des élèves ne sachant pas lire, écrire, compter. Il faut qu’ils aient des relations sociales normales.
Quelles nouveautés sont à noter en cette rentrée ?
Le dispositif Devoirs faits mis en place il y a deux ans monte en puissance. Nous avons observé une explosion des officines privées mais qui n’étaient pas accessibles aux plus fragiles. Là, c’est accessible à tous. Les dotations augmentent pour faire plus et mieux en l’étendant aux CM1 et CM2.
Autre dotation, des heures supplémentaires pour accompagner les élèves qui ont rencontré des difficultés dans le cadre du confinement. 10 000 heures sont octroyées à tous les collèges girondins en septembre et octobre.