Coronavirus
Sud-Ouest du 12 juin 2020
Sud-Ouest du 12 juin 2020
Le front uni des cliniques privées
POST COVID-19 La clinique Bordeaux-Nord a été considérée pendant la crise sanitaire « niveau 1 bis », juste derrière le CHU, en termes de recours et d’efficacité. Les efforts ont été colossaux
Philippe Cruette directeur et l’équipe en blanc de BordeauxNord, notamment les docteurs Pujol et Donca. PHOTO FABIEN COTTEREAU
C’était son premier poste. Louise, 25 ans, venait tout juste d’intégrer l’équipe de la clinique Bordeaux-Nord, son diplôme d’infirmière tout frais. Le Covid l’a directement mise au pas. «Au lieu de commencer sur mon lieu d’affectation, en chirurgie vasculaire, j’ai travaillé dans la nouvelle unité 19, créée spécialement pour l’épidémie. Une unité d’hospitalisation coronavirus. J’ai foncé. C’est une expérience incroyable, formatrice, et je me suis sentie totalement encadrée.» Romain Girardot, cardiologue, a monté cette unité d’hospitalisation spécial Covid, à l’interface des urgences et de la réanimation.
« Toute la communauté médicale de la clinique Bordeaux-Nord, et même plus, du Groupe Bordeaux-Nord, commente-t-il, s’est mobilisée dès l’annonce de l’épidémie. Le plan blanc bloquant les interventions classiques, le volontariat a fonctionné. On s’est fédéré, et on a mis nos compétences croisées en commun pour prendre en charge les patients Covid.» La clinique a monté une tente devant les urgences, un poste médical avancé dès le début du confinement, 1 115 personnes y ont été reçues, parmi elles 125 ont été hospitalisées dans l’unité 19 et 29 ont été soignées en réanimation. Sans oublier, les sept patients débarqués de Paris et de Mulhouse, en surcharge.
«C’est une logique de service public, ajoute le docteur Wilfried Pujol du service réanimation. Notre taux de mortalité a été de 17%, c’est toujours trop, mais c’est bien moins que le niveau national en réanimation. Pourquoi ? Je pense qu’on a anticipé en doublant le nombre de lits. On a été très réactif, et on a vu arriver des anciens infirmiers, aides-soignants venus donner un coup de main.»
Une médecine de catastrophe
Dehors, le Poste médical avancé est encore dressé, mais il ne sert plus à grand-chose. La clinique Bordeaux-Nord ne compte plus qu’un seul patient soigné pour le Covid. La tension de l’épidémie est retombée, ne reste que les gestes barrières, le port du masque obligatoire et la manie désormais ancrée de se frotter les mains avec du gel hydroalcoolique. «Aux urgences, pendant quinze jours, nous n’avons reçu que des patients Covid, ou suspectés Covid. Sur la quarantaine de soignants, médecins compris, personne n’a toussé, remarque le docteur Fabrice Donca, médecin coordonnateur aux urgences. Et pourtant nous avons connu certains jours compliqués, avec beaucoup d’entrées. Nous étions en première ligne bis, juste après le CHU. Et les autorités sanitaires nous reconnaissent à ce niveau-là aujourd’hui. Nous avons mené une médecine de catastrophe, grâce à une solidarité inédite. Je veux signaler que toutes nos initiatives pour répondre à l’épidémie ont obtenu une réponse rapide, l’administration a été d’une efficacité incroyable.» Quitterie, infirmière en réanimation, rappelle que nombre collègues sont venus les rejoindre et ont appris les gestes essentiels «là, en quelques jours ».
La communauté du groupe
Philippe Cruette, qui dirige la clinique Bordeaux-Nord, vaisseau amiral du groupe éponyme, où sont intégrées les cliniques Rive Droite, Bel-Air et celle des Pins-Francs à Caudéran entre autres, ne cache pas sa fierté. « On n’a pas à rougir, souffle-t-il. La clinique Bordeaux-Droite n’a pas démérité non plus, ils ont soigné 55 personnes Covid, accueilli en urgence 500 malades Covid. Et la clinique de Pins-Francs consacrée à la gériatrie a soigné 30 personnes âgées, touchées par le Covid. Nous avons appris hier, que les soignants des cliniques privées qui ont été concernés par l’épidémie, auraient droit à la prime Macron, de la même manière que les hospitaliers. Ouf. Ce n’était pas gagné.»
Là encore, médecins et infirmières rappellent combien l’entente avec le CHU a été fonctionnelle, utile. « On se parlait tous les jours avec nos confrères. Nous étions tous en lien pour réévaluer en temps réel, les consignes, les protocoles, en fonction de la connaissance du virus », relate le docteur Girardot. Aucune victime du Covid parmi les soignants du groupe. Philippe Cruette fait les comptes aujourd’hui, les cliniques mises en plan blanc ont souffert (voir par ailleurs): «On a soulevé des montagnes, je ne suis pas sûr que les pouvoirs publics s’en soient rendu compte.»