Coronavirus
Sud-Ouest du 22 avril 2020
Nette décrue en réanimation
BILAN QUOTIDIEN Le nombre de malades Covid-19 hospitalisés en réanimation a baissé de 4,4 % hier, ce qui s’est traduit par un solde négatif de 250 patients. Encourageant
Hier soir lors de son point quotidien, Jérôme Salomon, le directeur général de la Santé, n’a pas utilisé le terme de « plateau » pour qualifier l’épidémie. C’est la première fois qu’il s’abstenait depuis le début de la lente décrue observée dans les services de soins intensifs et de réanimation du pays. Il y a une raison encourageante à la disparition de ce terme. Pour le treizième jour consécutif de baisse, le décrochage semble assez franc: 250 patients de moins en réanimation en l’espace de 24 heures (-4,4%) pour aboutir au total de 5 433 personnes, dont 182 en Nouvelle-Aquitaine (9 de moins que la veille).
Ce chiffre témoigne encore d’une « forte tension » selon Jérôme Salomon. Avant le début de la crise sanitaire, le nombre de lits de réanimation ne dépassait pas 5000 en métropole. C’est en poussant les murs et en déprogrammant les actes de chirurgie non urgente que la France a pu doubler ses capacités en quelques semaines.
À ce stade, la situation tient toujours de l’anomalie. «Nous ne pouvons pas rester indéfiniment à 10 000 places en réanimation», insiste-t-on au ministère de la Santé.
Un autre indicateur laisse perplexe. Les malades qui bénéficient de soins en réanimation pour d’autres raisons que le Covid-19 sont beaucoup moins nombreux qu’avant la crise : un peu plus de 2400 en France alors qu’ils étaient entre 4 000 et 4 500 auparavant. Comme les accidents vasculaires cérébraux ou les infarctus ne se sont pas subitement mis en grève, on peut s’interroger sur d’éventuelles pertes de chance (de survie) chez des personnes qui souffrent de ce type de pathologies.
Près de 20 800 décès
Le reflux de l’épidémie est également perceptible, même s’il est moins marqué, dans les hospitalisations (pas seulement en réanimation ou en soins intensifs). Le solde était négatif de 478 lits hier soir en France, de 15 dans les établissements de Nouvelle-Aquitaine. Même constat dans les services hospitaliers d’urgences et à SOS Médecins où le Covid-19 a représenté 8 % de l’activité ce mardi. Début avril, on se situait plutôt aux alentours de 20%.
Malgré ces signes convergents, la mortalité continue mécaniquement à enfler. En tenant compte des hôpitaux et des établissements pour personnes âgées (Ehpad), la France déplore 20 796 décès, soit 531 de plus que lundi soir. 266 décès ont été comptabilisés dans les hôpitaux de Nouvelle-Aquitaine.
L’évidente surmortalité
Ces chiffres ne recouvrent pas l’entière réalité puisqu’ils ne comprennent pas la mortalité Covid-19 en ville, au domicile. C’est par l’entremise des statistiques de l’état-civil qu’on peut l’approcher. Par rapport au nombre habituel de décès à cette période de l’année, la surmortalité en France est estimée à +17% dans la semaine du 16 au 22 mars, +35 % dans la semaine du 23 au 29 mars, +61% dans la semaine du 30 mars au 5 avril et + 47% dans la semaine du 6 au 12 avril.
Les premières estimations pour la semaine passée sont également inquiétantes. Notamment en Ile-de-France et en Bourgogne Franche-Comté, les deux régions les plus exposées.
Sud-Ouest du 22 avril 2020
Ils portent le virus mais n’ont pas de symptomes
DÉCRYTPAGE Combien sont-ils ? À quel point sont-ils contagieux ? Comment les détecter ? Nombre d’interrogations concernant les porteurs asymptomatiques de Covid-19 subsistent. Le point
Avec moins de 6% des Français infectés par le coronavirus, selon des estimations publiées hier par l’Institut Pasteur (lire page 5), les 70% d’infections requis pour atteindre l’immunité collective semblent bien loin. De quoi faire craindre une seconde vague de Covid-19 lors du déconfinement, qui doit débuter progressivement le 11 mai.
D’autant qu’une partie des porteurs du virus est asymptomatique, ce qui fait craindre une résurgence souterraine de la maladie. Malgré leur importance dans l’équation du déconfinement, beaucoup d’inconnues demeurent.
1 Combien de porteurs asymptomatiques?
Le Sars-NcoV-2, le virus responsable du Covid-19, étant un coronavirus, les chercheurs ont d’abord pensé qu’il se comportait comme celui du Sras, dont les symptômes apparaissaient très tôt et dont les malades étaient très symptomatiques, donc faciles à repérer et isoler. Mais au fil des études, il a commencé à apparaître que finalement, une grande proportion des porteurs du Covid19 ne présente pas ou peu de symptômes et ne se sent pas malade. Quelle proportion exactement ?
Difficile à dire puisque ces personnes ne sont en général pas testées. La Chine, berceau de la pandémie, n’a par exemple décidé de les comptabiliser qu’à partir du début du mois d’avril. Bilan, les premières 24 heures, sur 136 malades enregistrés par la Commission de santé nationale chinoise, 130 étaient asymptomatiques, soit une proportion de 78%, un chiffre qui est ensuite tombé à 66% le lendemain. Pour l’heure, ce taux est toujours assez variable et il faudra certainement plusieurs semaines pour avoir une estimation fiable des cas asymptomatiques dans le pays.
En attendant, les données les plus complètes sur la question viennent d’Islande, championne du monde du dépistage avec 10% de sa population testée depuis fin janvier. Et justement, selon une étude publiée mi-avril, 43 % des porteurs du virus comptabilisés dans le pays n’avaient pas de symptômes (ou pas encore), preuve que ces porteurs asymptomatiques et présymptomatiques sont bel et bien nombreux.
2 Contagieux, mais à quel point?
Nombreux et contagieux. Selon une étude publiée le 16 mars dans la revue Science, les porteurs asymptomatiques sont certes moins infectieux que les porteurs avec symptômes (environ moitié moins), mais leur faculté à transmettre le virus reste tout de même importante. Comment ? Probablement en parlant.
On ignore pour l’heure quelle est quantité minimale de virus à laquelle il faut être exposé pour attraper le Covid-19. Mais certaines études avancent que postillonner de manière invisible suffirait. D’autant que la charge virale n’est pas nécessairement liée à l’intensité de la maladie. On peut donc être contagieux sans être très malade, voire, en n’étant pas malade du tout. Suffisamment, en tout cas, pour que l’étude publiée dans Science impute aux porteurs asymptomatiques ou présymptomatiques 86% des contaminations durant la période préconfinement en Chine.
3 Des tests massifs en prévision?
Quelle que soit sa proportion exacte, c’est bien cette propagation souterraine qui a poussé nombre de pays, dont la France, à adopter des mesures strictes de confinement. Mais si cela a permis d’écrêter le pic», l’épidémie «reste à un niveau qui est élevé», a reconnu hier matin le ministre de la Santé, Olivier Véran. Et assouplir ce confinement alors que plus de 90% des Français n’ont pas été infectés et ne sont donc pas immunisés, revient à prendre le risque de voir la maladie rebondir. Surtout si le nombre de porteurs asymptomatiques est si grand que le laissent présager les études.
C’est pourquoi le gouvernement veut lancer un dépistage massif (500 000 tests par semaine). Il s’agirait de tester tous ceux qui présentent des symptômes ainsi que tous ceux qui ont eu un contact «avéré» avec un malade. En cas de test positif, avec ou sans symptôme, les «porteurs du virus » seront invités à rester isolés.
Mais même comme cela, un retour à la normale est clairement exclu tant qu’il n’existe ni remède ni vaccin. La vie des Français, qui vont vraisemblablement devoir apprendre à vivre avec un masque dans certaines situations, restera donc bouleversée un très long moment. D’autant que des doutes subsistent sur l’immunité acquise -ou non- par les personnes déjà infectées, en particulier sur sa durée.
Sud-Ouest du 22 avril 2020
«On ne peut pas parler de sous-dotation de l’hôpital»
Directeur d’hôpital et auteur de nombreux ouvrages et articles sur le sujet, Robert Holcman déplore le paradoxe hospitalier français. Les dépenses y sont parmi les plus élevées au monde mais, selon lui, l’affectation des moyens est défaillante
«Sud Ouest » Vous faites entendre une voix quelque peu différente. Pour vous, la crise de l’hôpital public n’est en rien liée à un manque de moyens?
Robert Holcman On ne peut pas parler de sous-dotation. Comparée aux principaux pays industrialisés, la France est l’un des pays au monde qui attribue le plus de moyens à son système hospitalier. Seuls les États-Unis consacrent une part plus importante de leur Produit intérieur brut aux dépenses hospitalières. Quand on rapporte les personnels hospitaliers à la population active, seuls le Japon, la Corée du Sud et la Finlande ont davantage d’hôpitaux par habitant (1). Les situations de pénurie dénoncées sont bien réelles. Mais elles relèvent avant toute chose d’une affectation défaillante des moyens et de l’existence d’un trop grand nombre d’hôpitaux.
Trop d’hôpitaux?
Oui, trop d’hôpitaux ont encore vocation à dispenser la totalité des soins aigus alors qu’ils n’atteignent pas la masse critique d’activités nécessaires au maintien de leurs compétences. Ce n’est pas là un propos de gestionnaire mais le constat établi par des médecins dans plusieurs rapports, comme le rapport Vallancien. Cette dispersion est non seulement coûteuse mais elle pénalise l’investissement. Il y a deux fois moins de scanners par million d’habitants en France qu’en Italie ou en Allemagne. Il faut rationaliser l’offre de soins. C’est-à-dire transformer un certain nombre d’hôpitaux en structures de proximité prenant en charge les soins de premier recours, en lien avec un réseau de professionnels de santé.
Plus de 100 000 lits ont été supprimés depuis vingt-cinq ans alors que la population et donc la demande de soins augmentent. La potion est quand même sévère?
Rappelons d’abord que sur cette période, le financement des hôpitaux est passé du système dit « au prix de journée », qui adossait les recettes au nombre de lits occupés, à la dotation globale, puis à la tarification à l’activité, ce qui a un impact sur le nombre total de lits. Le virage vers l’ambulatoire a été pris. Les patients restent moins longtemps à l’hôpital et sont donc moins exposés au risque d’infection nosocomiale. Cela étant dit, la question ne doit pas être esquivée. Bien avant la pandémie actuelle, la saturation des services d’urgence était aussi provoquée par la raréfaction des lits d’hospitalisation. Il faudra sans aucun doute y réfléchir.
Réfléchir aussi à l’équilibre public-privé. L’hôpital public n’assume-t-il pas les opérations les plus lourdes et les moins lucratives?
Il n’existe pas qu’un secteur privé commercial. L’hospitalisation privée peut être aussi à but non lucratif. C’est par ailleurs une image dépassée. Les cliniques commerciales sont nombreuses à réaliser des interventions lourdes et complexes. De son côté, l’hôpital public a aussi une activité courante. Il reste que les cliniques privées sont des entreprises. Elles se doivent d’être rentables.
Rentable. Le mot hérisse les soignants et les praticiens du public qui dénoncent la primauté de l’économique sur le médical?
La tarification à l’activité n’incite pas les hôpitaux publics à la rentabilité mais à la productivité. L’optimisation n’est pas incompatible avec l’activité soignante ni avec le service public hospitalier – bien au contraire. Qu’un bloc opératoire accueille dix interventions au lieu de six dans une journée, avec les mêmes conditions de qualité et de sécurité, cela aboutit au final à réduire les délais de rendez-vous pour les autres patients et optimise les moyens. La tarification à l’activité, (la T2A), a été beaucoup critiquée. Je dirais que c’est le pire système à l’exclusion de tous les autres.
Auparavant, la dotation globale allouée à chaque établissement gelait les situations, et pénalisait l’innovation: toute dépense nouvelle venait grever une enveloppe budgétaire fermée, fixée en début d’année. La T2A a créé un langage commun entre directions et équipes médicales. Désormais, quand un praticien hospitalier propose un projet innovant, générateur d’activité, la direction l’écoute, souvent l’encourage parce que cette activité nouvelle suscitera des recettes nouvelles.
Le gouvernement envisage pourtant d’abaisser la part de la T2A, à qui beaucoup reprochent de favoriser la multiplication d’actes inutiles et de survaloriser la technicité?
Tout mode de rémunération est évidemment susceptible d’évoluer. Certaines pathologies et diverses interventions s’y prêtent. Leur prise en charge pourrait être forfaitisée partiellement ou en totalité, notamment dans le cadre de parcours de soins. Mais de là à ce que disparaisse la tarification à l’activité ? Elle est à l’origine d’une plus grande efficacité de l’activité hospitalière, et rappelons qu’elle s’est généralisée dans tous les pays de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE).
Mais elle est aussi à l’origine de la souffrance des soignants…
J’ai une admiration sans borne pour ceux qui exercent ces métiers éprouvants. Les personnels paramédicaux – infirmiers et aides-soignants notamment – sont en permanence au contact de la douleur, de l’angoisse, du désespoir et parfois de la mort. Ils sont soumis à une pression intense, aux exigences des malades, à la violence quelquefois de leurs familles. L’organisation du travail peut avoir des effets incontestables sur le niveau de stress. Mais la première cause de leur souffrance, ce n’est pas le manque de moyens, c’est le soin lui-même.
Le soin, c’est-à-dire?
L’acte de soigner est épuisant en lui-même. Les soignants hospitaliers – je ne parle là pas des médecins qui entretiennent avec leurs patients un rapport plus scientifique et plus technicisé – sont confrontés, tout au long de leur carrière, à des situations destructrices psychologiquement. Au fil des années, ils subissent l’effet délétère de la proximité avec la maladie, la dégradation. Leur capacité à maintenir une relation distanciée avec le patient s’effrite. Or la nature même de leur métier n’est jamais interrogée. Reconnaître que le soin fait souffrir permettrait d’aménager le déroulement des carrières des soignants pour prendre en compte ce facteur. Malheureusement, la souffrance du soignant dans sa relation au soin reste une question taboue.
(1) Il existe en France un peu plus de 3 000 établissements de santé, dont 45 % d’hôpitaux publics qui regroupent un peu plus de 60 % des 400 000 lits existants.
Sud-Ouest du 22 avril 2020
Réouverture des écoles : d'abord en primaire
EDUCATION : Jean-Michel Blanquer a dévoilé hier ses « pistes de travail » pour l’organisation de la rentrée, le 11 mai
Dans les écoles, comme ici au Plan de Grasse, dans le Var, on prépare la rentrée. PHOTO MAXPPP
"Auditionné hier matin par la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale, Jean-Michel Blanquer a présenté les contours de l’opération délicate qui s’annonce à partir du 11 mai : la réouverture progressive des écoles, collèges, lycées, dans un contexte sanitaire incertain. Il s’agit de « pistes de travail», a-t-il précisé. Il est peu probable, à moins de trois semaines de l’échéance, que ces grandes lignes varient.
1 Une rentrée prévue en trois étapes
La reprise devrait s’étaler sur trois semaines. D’abord, du 11 au 17 mai, les élèves de grande section de maternelle, de CP et de CM2. Des classes considérées comme charnière dans le parcours scolaire. Puis à partir du 18, ceux de sixième, troisième, première et terminale. Enfin, à partir du 25, l’ensemble des écoliers, collégiens, lycéens.
Les enfants ne rentreront a priori pas dès le lundi 11: une journée de prérentrée est envisagée pour les enseignants. « Pour les petites et moyennes sections de maternelle, l’objectif est que toutes les classes soient rentrées en juin», a précisé le ministre."...
2020_04_22_SO_Réouverture_des_écoles_d'abord_en_primaire
Sud-Ouest du 22 avril 2020
« Pour l’instant, dans les mairies, on tâtonne »
ÉCOLES Responsables des locaux, les municipalités demandent davantage de précisions pour s’organiser
"«La réouverture des écoles est une mesure forte. La mesure symbolique du début du déconfinement», écrit le socialiste Jean-François Débat, maire de Bourg-enBresse (Ain), dans une tribune publiée par le «Huffington Post». «Il a raison: quand les enfants auront repris les cours, ce sera le signe que la société redémarre », commentait, hier après-midi, Christophe Duprat, maire de Saint-Aubin-de-Médoc (33) et trésorier de l’Association des maires de la Gironde.
L’élu se dit «en colère» après les premières annonces du ministre: «Nous, les maires, apprenons ces décisions par la presse, alors que nous serons en première ligne… » Rappelons que si l’organisation du travail scolaire, les programmes, la pédagogie relèvent des prérogatives de l’État, les communes sont propriétaires et responsables des écoles. « Même si quelques maires ont exprimé des réticences sur ce calendrier, on va globalement tout faire pour que cela se passe au mieux. Nous sommes légitimistes. Mais nous sommes inquiets, il nous faut un cadre beaucoup plus précis. S’il y a un problème dans une école, c’est le maire qui sera tenu responsable par ses administrés et devra rendre des comptes… Pour l’instant, on tâtonne.»"...
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