Sapeurs-pompiers
Franceinfo du 29 mars 2020
Coronavirus : les pompiers mettent en garde contre les accidents domestiques, alors que leurs interventions sont compliquées par le Covid-19
A cause de l'épidémie de coronavirus, "on doit (...) mettre tout notre nécessaire de protection" lors des interventions, explique le porte-parole de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France.
Un camion de pompiers sur l'autoroute, à hauteur de Romainville (Seine-Saint-Denis), le 27 mars 2020. (HARRY FLEX / ONLY FRANCE / APF)
Multiprises surchargées, bricolage improvisé, enfants penchés au balcon à 20 heures... Les sapeurs-pompiers redoutent plus que jamais les accidents domestiques liés au confinement, au moment où le Covid-19 complique chaque intervention et crée un "stress permanent".
"L'activité diminue, notamment sur les accidents de la route, mais les interventions n'ont plus rien à voir avec d'habitude (...) et les pompiers sont aujourd'hui inquiets en permanence", explique Eric Brocardi, porte-parole de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France.
"D'habitude, si on va sur une foulure de la cheville ou du genou, on sait qu'on va poser une poche de glace, mettre une attelle et embarquer la victime aux urgences. Là, on doit enquêter sur la victime, mettre tout notre nécessaire de protection", détaille ce capitaine niçois. "Quand on rentre, le stress est là, on se demande si on a chopé quelque chose et on ne dort pas tranquille la nuit", dit-il.
Attention au bricolage, au jardinage...
S'ils restent peu significatifs selon les Services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) interrogés, quelques accidents domestiques ont eu lieu, liés à l'obligation de rester chez soi.
Trois jours après le début du confinement, les pompiers de Vendée ont signalé une série noire essentiellement due au bricolage ou au jardinage, beau temps oblige : "chutes de toit ou d'échelle, blessures provoquées par des tronçonneuses, tondeuses, taille-haies..."
"La prise en charge des victimes de ces accidents concourt à l'augmentation de l'activité du centre 15 [régulation médicale] et à une augmentation du nombre de personnes accueillies aux urgences alors que les mesures de confinement visent à limiter les regroupements", a mis en garde le SDIS 85 sur Facebook.
D'autres départements, comme la Drôme, ont interdit l'écobuage et le brûlage des déchets verts pour limiter les risques de départs de feux.
... et aux surcharges électriques
Le problème numéro un, reprend Eric Brocardi, est "la surcharge électrique liée à l'utilisation des téléphones ou des appareils nomades". A Nice, les pompiers sont intervenus la semaine écoulée pour un début d'incendie provoqué par une multiprise électrique surchargée, placée sur une terrasse.
"On a eu des gens qui se sont déplacés dans des maisons secondaires où ils avaient allumé la cheminée sans nettoyer le conduit", multipliant les risques d'incendie, signale Eric Brocardi.
"Quand la télévision et la radio sont allumées 10 heures par jour, ce n'est plus la même utilisation de la maison au quotidien", explique-t-il en insistant sur les mesures de prévention : "1) pas de téléphone dans les salles humides 2) éviter de tout surcharger en même temps 3) éviter les multiprises qui ne soient pas aux normes européennes, avec le vrai logo."
Franceinfo du 26 mars 2020
Coronavirus : "Peut-être qu'on fait tellement partie du paysage qu’on nous oublie", regrette la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France
Dans son allocution mercredi soir, Emmanuel Macron a oublié de mentionner les sapeurs-pompiers dans sa longue liste des personnels qui luttent contre l’épidémie de coronavirus. Un oubli qui n'est pas passé inaperçu.
Emmanuel Macron lors de son allocution depuis l'hôpital militaire de Mulhouse (Haut-Rhin), le 25 mars 2020. (MATHIEU CUGNOT / AFP)
Hugues Deregnaucourt, vice-président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF), directeur du SDIS de l’Ain, a expliqué jeudi 26 mars sur franceinfo que l’allocution du chef de l’État mercredi soir à Mulhouse "a suscité presque de la colère" chez les sapeurs-pompiers. En effet, Emmanuel Macron a oublié de les mentionner dans sa longue liste des personnels qui luttent contre l’épidémie de coronavirus.
"Peut-être qu’on fait partie tellement du paysage qu’on nous oublie", a-t-il dit. Pourtant, la situation est difficile pour certains services départementaux d’incendie et de secours (SDIS), notamment dans le Grand Est.
franceinfo : Comment avez-vous jugé l’intervention d’Emmanuel Macron ?
Hugues Deregnaucourt : L’intervention, hier soir, a suscité presque de la colère, de l’incompréhension. Et puis, ce matin, on est plutôt sur du sourire. On va dire que c’est un oubli. On va dire que c’est une erreur parce qu’on constate bien sur le terrain ce que font les sapeurs-pompiers, ce que la population attend, l’aide que nous apportons, par rapport à notre activité opérationnelle qui, aujourd’hui concerne, presque pour la moitié, des transports de suspicions de cas de Covid-19 ou de cas avérés. On dépanne les hôpitaux quand ils ont besoin de matériel, de circuits logistiques. On aide au niveau de la régulation médicale, souvent avec nos moyens de secours. Bref, on est des soldats du quotidien. On est les soldats maintenant de la santé. Alors peut-être qu’on fait partie tellement du paysage qu’on nous oublie.
On vous sent amer ?
Oui et non parce que la crise fait que l’on a autre chose à faire que de polémiquer. On est là sur le quotidien, mais c’est sûr qu’hier soir les réactions étaient très nombreuses. Quand on voit ce qui se passe dans certains hôpitaux, mais si on pouvait les aider plus, on le ferait. Ils sont dans des conditions bien plus difficiles qu’on ne le pense. Donc, l’heure n’est pas à la surenchère. Mais bien sûr, quand on voit nos sapeurs-pompiers, qui sont à 80 % volontaires, qui sont chez eux et qui sortent pour aller transporter des gens atteints du Covid-19, et quand ils rentrent, il y a toujours ce doute... Est-ce que j’ai été assez bien protégé ? Est-ce que je ne vais pas contaminer ma famille ? On peut se mettre à la place des sapeurs-pompiers.
Comment travaillent tous ces pompiers ?
Là aussi, on pourrait aussi polémiquer parce qu’on ne fait pas partie des circuits de distribution, des équipements de protection individuelle prioritaires, puisqu’il n’y en avait pas. Donc, il a fallu prioriser par rapport aux hôpitaux. Aujourd’hui, et peut-être jusqu’à la fin de la semaine, on peut équiper nos sapeurs-pompiers d’équipements de protection individuelle de façon à soit les protéger, soit protéger les personnes que l’on va secourir. On a un certain nombre de stocks. On a des pharmacies à usage interne chez nous. On a un service de santé, on a des circuits logistiques, donc on a fait ce ravitaillement. Mais une fois qu’on s’est entraidés tous les uns et les autres en fin de semaine, si, au niveau des stocks nationaux, les choses ne se débloquent pas, on ne pourra plus intervenir en sécurité.
Il y a des régions où la situation est plus difficile ?
Oui, on a des SDIS qui font des appels au secours à travers leurs préfectures, à travers leurs régions. Effectivement, il y a un travail qui se fait localement avec les préfectures, avec les conseils départementaux, avec les élus locaux, qui est remarquable. Mais malgré tout, il y a des SDIS qui commencent à appeler au secours. On est plutôt sur la région du Grand Est principalement. Plus de la moitié des interventions des SDIS, notamment celui du Haut-Rhin, concerne le Covid-19.