Coronavirus
Sud-Ouest du 26 février 2020
"Il faut éviter l’ostracisme, la suspicion et la stigmatisation"
CORONAVIRUS Hier soir, « Sud Ouest » et le CHU de Bordeaux organisaient un débat public
Le professeur Malvy, hier soir, à Bordeaux, avant la réunion publique. PHOTO STÉPHANE LARTIGUE/« SO »
Et en plus, ils ont ri. La première réunion publique en France, sur la crise épidémique qui a surpris le monde entier mi-janvier, était organisée, hier soir, à Bordeaux, à l’initiative du CHU et de «Sud Ouest». Près de 300 personnes sont venues au pôle juridique de la faculté de Pey-Berland pour écouter et questionner le directeur du CHU, Yann Bubien, celui de l’Agence régionale de santé, Michel Laforcade, et le professeur Denis Malvy, infectiologue, expert mondial des épidémies émergentes et chef du service des maladies tropicales et du voyageur au CHU.
Et s’ils ont ri, c’est parce qu’en plus de son expertise, le scientifique ne manque pas d’humour. Après un état des lieux indispensable, les trois protagonistes ont été interrogés par Stéphane Vacchiani de «Sud Ouest», puis par le public. En préambule le professeur Malvy a lancé un message de bon sens : «Nous sommes préparés et nous adaptons nos scénarios, nous surveillons, soignons, cherchons et communiquons. Ce virus émergent n’a ni vaccin, ni médicament. Une chose est sûre, vous êtes, vous citoyens, acteurs de la santé. Se protéger et protéger les autres par des gestes simples s’impose.»
«On s’apprête à recevoir des Italiens chez nous, samedi. On fait comment ?»
«Accueillez-les, ils iront faire du surf à Lacanau, découvrir le printemps en Dordogne. Confinez-les avec convivialité. Il faut éviter l’ostracisme, la suspicion et la stigmatisation.» (Denis Malvy)
«Mon fils va se marier le 30 mai avec une Cambodgienne et nous allons recevoir sa famille et ses amis. Doit-on annuler ?
« Le Cambodge n’est pas dans une zone épidémique et d’ici le mois de mai, nous aurons appris beaucoup sur ce nouveau virus. Ne décommandez pas.» (Denis Malvy)
«Quelle est la capacité d’accueil du CHU en cas de grosse affluence de malades de coronavirus ?
Comment gérer alors qu’on est déjà à flux tendu? (Une infirmière du CHU) «Nous avons un capital de 25 lits et la possibilité de multiplier par trois en cas de mauvais scénario. Aujourd’hui, tous les cas suspects que nous recevons, entre 10 et 20 par jour, sont testés et repartent chez eux. Nous sommes prêts.» (Yann Bubien)
«Nous dirigeons une école d’hôtellerie et recevons des étudiants internationaux. Vous revendiquez une attitude citoyenne. Laquelle ?»
«Nous avons, à l’ARS, été sollicités par une grande administration, où des collaborateurs arrivaient d’Italie. Et voilà notre réponse : ‘‘S’ils ne sont pas malades, pas de rhume, rien, ils peuvent travailler dans un bureau personnel, sans prendre l’ascenseur, ni déjeuner à la cantine, pendant quatorze jours. Ou alors le télétravail.’’ Nous sommes adultes.» (Michel Laforcade)
« Le civisme, c’est aussi ne pas parler trop longtemps lorsqu’on téléphone au 15. Aujourd’hui, il y avait 50mn d’attente.» (Un médecin généraliste dans la salle)
«J’ai une maladie qui provoque un déficit immunitaire, j’ai voulu acheter des masques et la pharmacie m’en a proposé 25 pour 1 000 euros.»
«Je pense qu’il s’agit d’un gag. Le CHU s’est approvisionné en milliers de masques pour les personnes à risques, les soignants et les personnes-contact, vous pourrez en bénéficier.» (Denis Malvy)
Je ne savais pas qu’il existait un marché noir des masques chirurgicaux !» (Michel Laforcade)
«Moi, j’ai peur quand je prends le tram ou le train, l’air est confiné et n’est pas renouvelé. Peut-on encore prendre les transports en commun ?»
«Nous avons eu quatorze cas confirmés en France, je pense qu’on peut monter dans un tram ou un train sans avoir la trouille.» (Michel Laforcade)
«Que risquent les soignants du CHU ?»
«Ils sont informés, formés, vaccinés contre la grippe et cette vaccination est un acteur majeur de défense contre le coronavirus. Les soignants ne sont pas mal placés, ils ont des barrières de protection optimisées. Les soignants chinois ont payé un lourd tribut parce que l’épidémie n’était pas repérée. » (Denis Malvy)