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12 février 2020

Système de santé

Sud-Ouest du 12 février 2020 

«Souffrir est devenu archaïque » 

Barbara Stiegler, philosophe à l’Université de Bordeaux, dénonce le néolibéralisme qui met en danger le système de santé et l’éducation

souffrir est devenu archaïque

Aux urgences, « les files d’attentes sont sélectionnées selon des critères flous, le degré de gravité voire le retour sur investissement », souligne la philosophe Barbara Stiegler. ILLUSTRATION QUENTIN TOP

"Les médias parisiens se l’arrachent. Barbara Stiegler a jeté un pavé dans la mare de la macronie, l’année dernière, en publiant « Il faut s’adapter» (éd. Gallimard), une critique virulente et documentée du néolibéralisme. Professeure de philosophie politique à l’Université Michel-Montaigne de Bordeaux, où elle dirige le master «Soin, éthique et santé», elle se positionne, sans concession, dans un pays en pleine crise sociale, considérant que l’origine du mal rongeant la santé, l’éducation ou la retraite, est née de cette politique d’adaptation aux marchés."...

..."Qu’est-ce qui a changé dans la manière de soigner ? 

En santé, on valorise l’innovation, au détriment des actes de soin et on produit un patient seul, acteur de sa propre santé, à qui l’on demande d’être performant, d’être un agent d’optimisation du système sanitaire à travers ses compétences. Il doit se gérer de manière optimale, moduler ses conduites à risque, et, idéalement, ne pas tomber malade. Et si jamais il a la malchance d’avoir une maladie chronique, il doit devenir producteur de santé, expert de sa pathologie. 

Le bon patient est celui qui a le mieux géré sa balance bénéfices-risques et s’insère dans le système de santé avant de tomber malade. Au fond, le bon patient est celui qui n’est pas malade. 

Le patient est donc un individu en bonne santé, qui a appris à maîtriser ses propres risques. Mais pour ceux qui sont malades, que se passe-t-il ? 

Le système de santé estime que le modèle de la médecine clinique, qui s’attache à la souffrance du patient, est archaïque. À l’origine de la création de notre beau système de santé, l’idée était de protéger la vulnérabilité via des institutions et une prise en charge collective. Ce modèle est décrété obsolète. On qualifie désormais ce modèle de «médecine réactive», en opposition à une médecine du futur «proactive», qui a le fantasme d’éliminer toute forme de souffrance ou de maladie. 

La crise hospitalière, qui mobilise les médecins, les infirmiers et globalement tous les soignants, trouve-t-elle son origine dans ce constat ? 

Assurément. Ce qui touche à la prise en charge concrète et collective des souffrances est attaqué, mis à mal et donc, en situation de pénurie de ressources. Ce qui fait rage dans les hôpitaux, c’est que l’on met en compétition les différents services et les différentes souffrances des malades, via un système de classement des souffrances.

On fait du tri. Les files d’attentes sont sélectionnées selon des critères flous, le degré d’urgence ou de gravité voire le retour sur investissement. Tout ça génère de la souffrance au travail chez les soignants."... 

2020_02_12_SO_Souffrir_est_devenu_archaïque

 

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