Massif des Landes de Gascogne
Sud-Ouest du 26 janvier 2020
La forêt va gérer sa soif
LANDES DE GASCOGNE La sixième édition du colloque Klaus – la tempête de 2009 – à Sabres (40) a porté sur les conséquences de la raréfaction de l’eau
Organisée par le Parc naturel régional des Landes de Gascogne – 27 communes en Gironde, 24 dans les Landes – la sixième édition du colloque Klaus s’est tenue le week-end dernier à Sabres (40). Onze ans après la tempête dévastatrice qui a donné son nom à ce rendez-vous annuel, on a parlé d’eau à l’Écomusée de Marquèze.
On ne peut pas dire que la forêt en manque, cette année. Des précipitations records ont été relevées en novembre et en décembre en de nombreux points. La nappe de surface a plutôt tendance à déborder. Ce que le pin maritime n’apprécie pas plus que la pénurie. « L’excès d’eau provoque l’asphyxie des racines », indique Cécile Maris, ingénieure au CRPF (Centre régional de la propriété forestière) Nouvelle-Aquitaine.
Les changements climatiques en cours devraient éprouver le massif, qui couvre environ un million d’hectares sur trois départements (Landes, Gironde, Lot-et-Garonne). On s’achemine vers une diminution des pluies en été et une augmentation en hiver, selon Bruno Leménager, le délégué Atlantique-Dordogne de l’Agence de l’eau Adour Garonne.
Avec, au final, un appauvrissement très net de la ressource à l’horizon 2050, soit demain dans la vie d’un arbre. «Le territoire sera particulièrement fragile. L’inflammabilité de la forêt sera élevée », avertit-il.
«L’essence de la situation»
Or le pin maritime est un gros consommateur d’eau. Un spécimen âgé de 35 ans « transpire » 50 à 80 litres d’eau par jour en été, soit 90 % du volume qui circule dans les vaisseaux du tronc. On estime qu’il faut 250 tonnes d’eau pour produire un mètre cube de bois.
Le sol est un facteur aggravant en cas de déficit de pluie. Majoritairement composé de sable grossier, il retient mal l’eau en surface. Sur la lande humide – les terrains marécageux avant l’apparition de la forêt cultivée – le système racinaire des pins est inférieur à un mètre de profondeur.
Malgré ces limites, le pin maritime reste «l’essence de la situation» pour le présent et pour l’avenir (prévisible), selon Cécile Maris. Le massif landais correspond pour l’heure au nord de son aire de répartition autour de la Méditerranée. «Il sait résister au stress hydrique tout en produisant du bois », ajoute-t-elle. Mais peut-être faudra-t-il adapter la forêt de rendement aux nouvelles conditions climatiques en croisant le pin des Landes avec des sous-variétés de pin maritime plus familiarisées avec les épisodes de sécheresse et de forte chaleur.
Le débroussaillage qui fâche
Les discordes surgissent dès qu’on parle optimisation des usages de l’eau. Pour nombre de sylviculteurs, le meilleur moyen d’étancher la soif des pins consiste à les préserver de la concurrence en débroussaillant le sol. La pratique est assez peu raccord avec le maintien de la biodiversité, quels que soient les discours rassurants qui l’accompagnent. « On parle de contrôle du sous-bois, pas de sa destruction», nuance le CRPF.
Le calibrage des fossés et autres « crastes » est un sujet tout aussi sensible. En bref, il faut qu’ils soient assez profonds pour évacuer l’eau des parcelles en hiver et garantir le bon état des pistes d’accès. Mais pas trop profonds non plus, de façon à ne pas abaisser la nappe phréatique et assécher la forêt en été. Où placer le curseur ?
Il y a une trentaine d’années, on n’y allait pas avec le dos de la cuillère quand il s’agissait de creuser les rigoles. La pratique est révolue selon Pierre Macé, le directeur de la DFCI (Défense des forêts contre l’incendie) Aquitaine. « Aujourd’hui, on ne dépasse pas 80cm de profondeur», promet-il.