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3 janvier 2020

Incendies en Australie

Sud-Ouest du 1er janvier 2020 

Incendies gigantesques en Australie : le pays dans le feu de ses contradictions

le pays dans le feuCes images de pompiers australiens luttant contre des feux incontrôlables ont fait le tour de la planète. Ici, Jerrawangala 
à l’ouest de Canberra, la capitale de l’île-continent. PHOTO PETER PARKS/AFP 

L’île-continent est en proie depuis des mois à des incendies gigantesques qui menacent ses zones les plus peuplées. Ses dirigeants persistent pourtant dans le déni du danger climatique.  

Comme à l’accoutumée dans la baie de Sydney, le feu d’artifice du Nouvel an a tutoyé l’excellence pyrotechnique. Mais cette fois-ci, les couleurs écarlates et orangées qui ont nimbé la célèbre silhouette métallique du Harbour Bridge n’avaient pas l’éclat de la fête pour tout le monde.

Dans le sud-est du pays, sur une large bande littorale qui plonge dans l’arrière-pays sauvage et escarpé, elles sont synonymes d’effroi. Cette même nuit de la Saint-Sylvestre, des milliers d’Australiens ont veillé sur les plages, acculés au bord du Pacifique par les incendies incontrôlables qui dévorent la végétation et enserrent les stations balnéaires dans leurs mâchoires de feu. On dénombre au moins huit morts depuis le début de la semaine et des centaines de logements détruits. 

Les flammes qui galopent à travers le bush – la forêt et la broussaille – n’ont pas cessé depuis le mois d’août, à la fin de l’hiver austral. Au moindre éclair d’un orage sec, elles jaillissent de la paillasse qui couvre le sol brûlé par une sécheresse et une canicule impitoyables. Elles se déplacent sur un front supérieur à un millier de kilomètres du nord au sud, des forêts – normalement – humides de l’État du Queensland jusqu’à l’État – normalement – tempéré de Victoria, en creusant d’immenses sillons calcinés sur toute la zone côtière de la Nouvelle-Galles du Sud, l’État le plus peuplé.

le pays dans le feu 2

Cinq fois le massif landais 

Les autorités estiment que plus de 5 millions d’hectares sont partis en fumée ces derniers mois. C’est cinq fois la superficie totale du massif forestier des Landes de Gascogne. On déplore au moins dix-sept morts depuis septembre. Ce n’est pas fini. On n’espère pas de pluies significatives avant la fin janvier. Et les vagues de chaleur n’en finissent plus de déferler. 

Il y a dix jours, le pays a enregistré un nouveau record absolu de température moyenne maximale (la moyenne des maximales relevées sur l’ensemble du territoire) avec 41,9 °C. En affichant 49,9 °C le 19 décembre, la station de Nullarbor a battu un record mondial de chaleur pour le mois. Les réseaux sociaux n’en finissent plus de montrer de malheureux koalas têtant avidement des bouteilles d’eau tendues par des passants compatissants. 

L’Australie a déjà vécu des étés de feu par le passé. La très longue saison des incendies en 2000–2001 a laissé de douloureux souvenirs. En février 2009, l’État de Victoria a connu une tragédie sans précédent avec plus de 150 morts lors de son « samedi noir » de triste mémoire. Mais rien n’égale la précocité et la goinfrerie des incendies cette année. Ils ont supplicié des joyaux : les Blue Mountains, à l’ouest de Sydney, et les forêts tropicales humides du Gondwana, entre Nouvelle-Galles du Sud et Queensland. 

Une urgence de santé publique 

Au-delà des destructions et des évacuations, l’urgence sanitaire s’impose dans bien des villes enveloppées par la fumée. Des organisations de médecins ont appelé le gouvernement à agir. « Cette situation dure depuis plus de deux mois. Au début, le soleil était comme voilé par des nuages. Et puis la fumée nous a entourés, elle s’est installée quasiment un jour sur deux. Je ne sais pas si c’est à cause d’elle mais maintenant je tousse », témoigne Léo Garcia, un jeune Bordelais qui séjourne depuis un an en Nouvelle-Galles du Sud. 

Moniteur de surf au Mojo Surf Camp d’Arrawarra, une localité sur la côte entre Sydney et Brisbane, il a vu le vent ramener des feuilles calcinées pendant des semaines. Avant que le « liberation trail fire », un monstre qui a craché des braises sur 130 000 hectares, n’éclaire l’horizon de sa lueur menaçante. Avec son amie Lola, il a dû déserter son domicile de Woolgoolga deux nuits d’affilée, de peur que les flammes ne sautent les ultimes défenses.

le pays dans le feu 3

Les autorités estiment que plus de 5 millions d’hectares sont partis en fumée ces derniers mois. CRÉDIT PHOTO : SAEED KHAN AFP OR LICENSORS 

« Ils sont vraiment inquiets » 

« C’est un problème très important pour tout le monde. Les agriculteurs, qui manquent déjà d’eau, ont peur de tout perdre avec les incendies. Le sujet revient sans cesse dans les conversations. Les gens sont vraiment inquiets », constate Léo Garcia. 

Ils sont également divisés. Le désastre en cours clive un pays qui s’interroge sur son modèle économique, fondé sur la prospérité de l’industrie minière et sur l’exploitation à grande échelle du charbon. À plusieurs reprises, des dizaines de milliers de jeunes et de moins jeunes sont descendues dans la rue pour réclamer une politique climatique digne de ce nom. L’Australie figure dans le peloton de tête des pays les plus émetteurs de gaz à effet de serre par habitant. Elle ne tiendra pas ses engagements – timides – pris à la faveur de l’Accord de Paris sur le climat, en décembre 2015.

Au printemps dernier, ceci n’a pas empêché les électeurs de reconduire au pouvoir la coalition libérale du Premier ministre Scott Morrison, un climatosceptique décomplexé dont les déclarations publiques se sont récemment teintées d’une certaine prudence. Ce n’est pas le cas de son vice-Premier ministre, Michael McCormack, qui estimait en novembre que le changement climatique était un souci pour les seuls « gauchistes délirants des centres urbains ». 

Le consensus scientifique est pourtant établi. Le réchauffement climatique aggrave les incendies. « Il est quasiment certain que les vagues de chaleur et les feux vont augmenter en intensité et en fréquence » : la phrase figure à la page 509 du rapport 2007 du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), en introduction au chapitre consacré à l’Australie et à la Nouvelle-Zélande. 2007, il y a treize ans. Qui peut prétendre être pris par surprise « down under » ?

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