Utilisation des écrans par la jeunesse
Sud-Ouest du 15 décembre 2019
Propos recueillis par Philippe Minard/ALP
"« Sud Ouest Dimanche » Vous écrivez dans votre livre (1) que le temps d’écran n’est pas seulement excessif, mais qu’il est extravagant. Pourquoi ?
Michel Desmurget Les journées n’ont que 24 heures. Si vous enlevez à un enfant de 2 ans, qui dort 14 heures par jour, l’interaction du temps de manger, d’être lavé, changé, promené, il ne lui reste que très peu de «temps libre»… Or, en France, différents travaux montrent qu’entre 2 et 6 ans, les plus jeunes frisent les trois heures d’écran par jour: cela fait plus de 1 000heures par an, soit plus d’une année scolaire. Il y a eu des campagnes indiquant qu’il ne fallait pas utiliser d’écran avant 3 ans. C’est un seuil. Mais les gens ont retenu, bien aidés par des publicités pour certains produits, qu’il n’y avait plus de risque à partir de cet âge-là, et qu’on pouvait y aller sans problème. L’étude française Esteban indique, par ailleurs, que l’utilisation des écrans entre 6 et 17 ans est en moyenne de 4 h 15 par jour, et de 5 heures entre 8 et 15ans. Quand ils sortent de la petite enfance, les gamins commencent à perdre du temps de sommeil. Or, il s’avère que toutes ces minutes « gagnées » est phagocyté par du temps d’écran.
Cette pratique est ancrée dans nos sociétés.
On ne reviendra pas en arrière… C’est un problème majeur, essentiel, fondamental de santé publique ! Mais on nous ressert le même baratin que pour le tabac ou le réchauffement climatique, en affirmant qu’aucune étude ne prouve ces faits, que celles qui existent se contredisent et que l’on crée une panique alarmiste… La formule magique consiste à dire : « Cela dépend des usages.» Mais les études citées ne sont pas des critiques technophobes et stupides du numérique. Évidemment qu’il y a des effets positifs au numérique. Le problème, ce n’est pas l’usage sympathique et fantasmé que l’on peut en faire, c’est ce que les jeunes en font réellement…"...