Monoculture et mécanisation favorisent les risques d'incendie et d'invasions d'insectes ravageurs
Ouest-France du 22 août 2019
TRIBUNE. Bocage et climat : « On ne peut plus en rester à une simple prise de conscience »
Le retour au développement des haies passe par la saine gestion des arbres à maturité et le renouvellement naturel, favorisant la diversification des classes d'âge. | EDDY LEMAISTRE
Suite de notre série consacrée au rôle de l'arbre dans la lutte contre le réchauffement climatique. Nous publions aujourd'hui une tribune de Jean-Yves Morel, président de L'Arbre indispensable. Cette association bretonne de militants et fins connaisseurs de l'arbre dans le bocage, appelle à un passage à l'action pour la restauration des haies et le bon usage des bois de qualité qu'elles peuvent produire.
En réintroduisant l'arbre sous des climats hostiles et en voie de désertification, on peut inverser la tendance en spirale positive : plus d'arbres amènent un climat meilleur et un milieu plus propice à toute végétation (1) .
L'arbre est présenté par tous les scientifiques comme le principal moyen pour diminuer les effets du réchauffement climatique. Mais on ne peut plus en rester à une simple prise de conscience. Les solutions sont là et l'arbre hors forêt pourrait grandement compenser les 21 % de gaz à effet de serre, émis par l'agriculture par exemple.
Dans une région telle que la Bretagne, les alertes ont été maintes fois émises depuis de très nombreuses années par les scientifiques et les associations de protection de l’environnement.
« Un désastre annoncé dès 1992 »
Déjà en 1992, en pleine opération de remembrement, après un survol en avion de la commune de Plélan-le-Grand, l’ingénieur horticole Joël Lebourdelès et le botaniste Joseph Pelhatre, deux grands spécialistes de l'arbre, annonçaient le désastre à venir.
Ils rappelaient que « le bocage remplissait un rôle essentiel de régulation de l'eau au niveau du sol ». Et que, dans ce remembrement, il fallait également voir un saccage culturel. Car à terme, les plus menacés étaient les agriculteurs eux-mêmes, puisqu’ils allaient connaître un appauvrissement des sols, une raréfaction de l’eau et qu'à terme on allait certainement vers une disparition du monde agricole (déjà évoqué dans un article de Sciences et Vie de… juillet 1992 ).
En faisant de l’arbre et de l'eau une obstruction à son développement, en quelques décennies, le modèle agricole breton a réussi à scier la branche sur laquelle il était assis.
« 80 % des haies perdues »
Avec les algues vertes toxiques sur les plages, est-il nécessaire de rappeler que depuis les sources jusqu’à la mer, le bilan est désastreux. Que nos paysages de bocage ont perdu 80 % des haies. Que les dernières zones humides sont encore victimes de destructions. Que le réseau hydrographique a été réduit à sa plus simple expression...
Pourtant les destructions de haies n'ont pas cessé, surtout en Ille-et-Vilaine, où la qualité des eaux est la plus dégradée de Bretagne, avec seulement 7 % des masses d'eau déclarées de bonne qualité au regard des objectifs annoncés.
Le milieu forestier n'est pas épargné, avec des dérives similaires de monoculture et de mécanisation à outrance. Ces pratiques favorisent gravement les risques d'incendies et d’invasions d'insectes ravageurs.
« Un kilomètre de haie vaut un hectare de forêt »"...
..."Le retour de l'arbre et de la haie sont indispensables pour rompre le cycle infernal des pollutions, inondations et sécheresses.
Un kilomètre de haie équivaut à 1 hectare de forêt. La pousse des arbres y est 40 % plus rapide. Ils disposent de plus d'eau, d'azote, de lumière et les sols y sont plus profonds qu'en forêt. « L'arbre sur la haie paye largement son loyer » (Gilles Pichard). Il faudra bien reconnecter le paysage de bocage à sa fonction de régulation de l’eau et repenser les nouvelles plantations à l'échelle d'un bassin versant ou d'un territoire pour plus d'efficacité et cohérence.
La haie régule les flux d'eau de pluie, délimite et enrichit les parcelles et produit un bois d'oeuvre de qualité, lorsqu'elle est bien menée. | LAURENCE LIGNEAU.
« Assurer le renouvellement »
Il faudra également et obligatoirement retrouver les classes d’âge des arbres par espèces pour assurer leur renouvellement.
Cet exercice s'avère difficile ; il faudra se servir au mieux de la régénération naturelle spontanée ou la favoriser, car c’est cette technique qui semble la plus sûre pour la pérennisation des plantations (et sans doute aussi la plus économique)."...
..."« Indispensables pour l'homme, les animaux, les insectes »"...
..."L'arbre est tout aussi indispensable pour ses productions alimentaires et fruitières, à la fois pour les hommes, les animaux, les insectes, l'implantation de nouveaux vergers et les cheminements de glanage."...
..."Un film de 26 mn de Ch. Beuchet « Toucher du bois repenser le bocage » a été réalisé en partenariat avec la Chambre d'Agriculture d’Ille-et-Vilaine pour aider les agriculteurs à monter des plans de gestion sur leurs exploitations. Nous partons de loin, mais nous n'avons plus le choix pour les générations futures."...