Gestion des forêts publiques
Sud-Ouest du 12 novembre 2018
«L’industrialisation de la forêt doit cesser»
ONF Syndicalistes et ONG se sont rassemblés fin octobre dans l’Allier pour publier un manifeste sur la gestion des forêts publiques
Le 25 octobre, quelque 1 200 personnes se sont rassemblées au pied de la chênaie de Tronçais, dans l’Allier, pour dénoncer les méthodes industrielles d’exploitation de la forêt publique française et la «privatisation en cours» des activités de l’Office national des forêts (ONF). Cette initiative regroupait à la fois des syndicalistes de l’ONF et des associations de protection de la nature comme France Nature Environnement, la LPO et Greenpeace. Explications avec Philippe Berger, le secrétaire national du Syndicat national unifié des personnels des forêts et de l’espace naturel (Snupfen ).
« Sud Ouest » L’ONF a rétorqué qu’aucun projet de privatisation n’était en cours. Maintenez-vous l’accusation ?
Philippe Berger L’ONF joue sur les mots. Il ne perdra pas son statut d’établissement public industriel et commercial. Mais il arrête de recruter des fonctionnaires pour les remplacer par du personnel sous contrat de droit privé. Ceci entrave les missions régaliennes de l’Office puisque ces personnels ne peuvent plus assurer les missions de police qui sont l’apanage des fonctionnaires: la surveillance du domaine, l’application du code de l’environnement et du code forestier.
L’ONF vous oppose aussi que les prélèvements en bois sont stables dans les forêts domaniales…
Sur les dernières années, peut-être. Mais l’augmentation de la récolte en forêt publique est sensible sur le long terme. On le voit bien dans la gestion des plantations. Auparavant, on laissait le pin maritime sur pied jusqu’à 70/80 ans. Aujourd’hui, c’est 35 ans. L’évolution est similaire sur le sapin pectiné ou le chêne, qui a été ramené de 180 à 120 ans. Il peut y avoir des évolutions dictées par les changements climatiques, mais on sait très bien que les forêts anciennes sont les plus riches en biodiversité. Comme les forêts mélangées. Or on pratique de plus en plus de monoculture, par exemple pour le Douglas et l’épicéa. Ce faisant, on affaiblit les sols.
Quels seraient les motifs de cette évolution ?
Transformer l’ONF en très grosse coopérative forestière dans une perspective de rendement. Nous n’avons pas en France de problème de déforestation, mais nous avons bel et bien un problème de «malforestation». Nous avons toujours, à l’ONF, des personnels indépendants qui luttent contre cette logique d’industrialisation. Elle doit cesser. Des générations de forestiers ont résisté à l’enrésinement des massifs réclamé par les marchands de bois. Cet enrésinement est aujourd’hui manifeste, par exemple avec le Douglas dans le Morvan.
Quelle suite comptez-vous apporter au mouvement ?
Ce lien entre lutte syndicale et combat pour la biodiversité avec le monde associatif est assez inédit. Nous avons publié un manifeste que nous soumettons aux politiques. Nous souhaitons que les citoyens se l’approprient.
Recueilli par Jean-Denis Renard