Plus de formation dans les services d'urgence
Sud-Ouest du 11 mai 2018
Mort de Naomi Musenga : "Il faut plus de formation" dans les services d’urgence
Nicolas Brugère : « Le système fonctionne, même s’il n’est évidemment pas parfait. » PHOTO F. COTTEREAU
Médecin libéral bordelais, Nicolas Brugère répond depuis 1987 aux appels d’urgence. Il livre son diagnostic sur le drame de Strasbourg.
Médecin libéral à Bordeaux, Nicolas Brugère est également adjoint au maire de Bordeaux, en charge de la santé et des seniors.
« Sud Ouest » Comment en êtes-vous venu à faire de la régulation médicale au téléphone ?
Nicolas Brugère La loi de 1986 sur l’aide médicale d’urgence a autorisé les médecins libéraux à rentrer dans les centres de régulation médicale, gérés par les Samu. À Bordeaux, nous avons été quelques médecins à nous regrouper au sein de l’Assum 33 (Association des soins et services d’urgence médicale) parce que nous voulions participer à une expérimentation qui était lancée dans plusieurs départements.
Mais, à l’époque, les conditions étaient beaucoup trop rigides. Il fallait par exemple être présent 24 heures sur 24. Nous avons proposé de débuter par six heures de permanence, puis huit et enfin, 24 heures à partir de 2004. Aujourd’hui, nous sommes cinquante médecins libéraux à participer à cette régulation. C’est-à-dire que si vous composez le 15, vous parlez avec un ARM (Auxiliaire de régulation médicale) qui, selon la gravité de ce dont vous souffrez, vous oriente soit vers le Samu en cas d’urgence vitale ou grave, soit vers les médecins libéraux pour un cas de médecine générale."...
..."chaque année, il y a en France près de 30 millions d’appels dont on n’entend heureusement pas parler. En Gironde, nous en sommes à plus de 330 000 appels dont une grosse moitié pour les médecins libéraux. Pour mémoire, nous en étions à 12 000 appels en 1991 et 250 000 en 2015."...
..."Ce drame s’est déroulé le 29 décembre avec une forte épidémie de grippe en France, doublée d’une épidémie de gastro-entérite. Je me souviens qu’ici à Bordeaux, à cette même date, nous étions submergés d’appels et j’avais d’ailleurs alerté l’ARS (Agence régionale de santé) parce qu’il y avait plus de vingt appels en attente auxquels nous ne pouvions pas répondre."...
..."Qu’est-ce qui peut être fait pour améliorer le système ?
En dehors de la formation que j’ai évoquée, il faut encore mieux faire connaître le 15. J’ai la conviction absolue que c’est le meilleur moyen de décongestionner les urgences où les gens se rendent presque automatiquement lorsqu’ils ont un problème, alors que ce dernier ne le mérite pas la plupart du temps.
Au début des années 2000, les médecins ne voulaient plus faire de garde parce qu’ils avaient trop d’appels et désormais, ils ne veulent plus les faire parce qu’il n’y a plus assez d’appels. Même s’il y a des millions d’appels chaque année, je pense que beaucoup de Français ne connaissent pas assez le 15, et surtout qu’ils ignorent qu’on peut leur livrer un diagnostic qui leur évitera de se rendre aux urgences."
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