Prévention feux de forêt
France Bleu du 7 août 2015
Le feu de Saint-Jean-d'Illac aurait-il pu être évité ?
Dix jours après l'incendie qui a détruit 580 hectares de forêt à Saint Jean d'Illac, le patron du département de Gironde Jean-Luc Gleyze relance la polémique sur le pré-positionnement des canadairs à Mérignac. Le matin de l'incendie, ils avaient mis presque 2 heures à venir de leur base d'attache Marignane.
Photo M. Dubreuil/Radio France
Canadairs pré positionnés à Mérignac
La gestion des canadairs en France est-elle efficace ? Dix jours après l'incendie de Saint Jean d'Illac, qui a détruit 580 hectares de forêt, le président du conseil départemental de Gironde Jean Luc Gleyze se pose la question et va même plus loin.
"Si les moyens aériens avaient été à proximité, on en serait probablement jamais arrivé là."
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Jean Luc Gleyze
Autrement dit : si les canadairs n'avaient pas mis près de 2 heures à arriver de Marignane, leur base d'attache, le feu n'aurait sans doute pas pris ces proportions.
Actuellement, deux canadairs sont pré-positionnés chez nous à Mérignac mais uniquement pendant les périodes considérées comme sensibles, et le matin du feu de Saint-Jean-d'Illac, le risque n'était pas considéré comme sévère. Le préfet de Gironde Pierre Dartout ne considère pas pour autant qu'il y ait une faille dans le système.
"Compte tenu des contraintes en terme de moyens et de la taille du massif forestier qui couvre presque tout le Sud de la France, il faut une gestion serrée et la réponse pour la feu de Saint Jean d'Illac a été conforme a cette double exigence".
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Pierre Dartout
Le risque sévère d'incendie est évalué en fonction de plusieurs critères et notamment la température, le vent ou encore la proximité d'activités humaines.
La Croix.fr du 26 juillet 2015
Incendies de forêt : les limites du système de prévention
Un feu, d’origine humaine, a brûlé 550 hectares de pinède à Saint-Jean-d’Illac, dans l’agglomération bordelaise, entraînant l’évacuation de 500 habitants et la mobilisation de 650 pompiers.
550 hectares de pinède ont déja été détruits par l’incendie qui ravage la Gironde depuis vendredi.
La Gironde cherche de nouvelles ressources pour maintenir un système de prévention financièrement à bout de souffle.
« C’est la première fois en vingt ans que nous sommes confrontés à un incendie aussi angoissant », s’inquiète Jean-Marie Darmian, vice-président du conseil général de Gironde et administrateur au Sdis (Service départemental d’incendie et de secours) Gironde.
En moins de vingt-quatre heures, le feu qui s’est déclenché vendredi vers 14 h 30 en bordure de la RD 211 à Saint-Jean-d’Illac, une commune de 7 159 habitants à une vingtaine de kilomètres au sud-ouest de Bordeaux, a dévasté 320 hectares de pinède.
Le vent a attisé le feu samedi après-midi, qui a alors repris sa progression. Au total, il a détruit près de 600 hectares entre Saint-Jean-d’Illac et Pessac et conduit les autorités à évacuer 500 personnes, par précaution.
Pour l’heure, aucune maison n’a été touchée par les flammes grâce aux efforts de près de 650 pompiers, dont plusieurs renforts venus de toute la France, épaulés par cinq avions bombardiers d’eau.
Le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, est venu sur place dimanche matin saluer leur travail. Hier après-midi, le feu était stabilisé, mais la menace d’une reprise de l’incendie n’était pas écartée.
LE MASSIF FORESTIER FRAGILISÉ PAR LES TEMPÊTES DE 1999 ET 2009
Cet été s’annonce comme l’un des plus difficiles pour la forêt des Landes de Gascogne, la plus grande d’Europe occidentale. La sécheresse accroît les risques. Et ce massif forestier, qui abrite un million d’hectares de pins, a été fragilisé par deux grandes tempêtes en 1999 et en 2009.
Depuis, des milliers d’arbres ont été replantés, mais ils sont bien plus vulnérables face au feu. Il faut remonter à avril 2002 pour trouver un sinistre d’une plus grande ampleur.
À l’époque, 1 500 hectares de forêt étaient partis en fumée à Carcans et Hourtin. Fort heureusement, depuis août 1949, où un gigantesque feu avait fait 83 victimes, aucune personne n’a péri dans un incendie.
« L’incendie de Saint-Jean-d’Illac est révélateur de nos problèmes », lâche Jean-Marie Darmian, vice-président du conseil général de Gironde, en charge des finances. L’élu socialiste pointe « l’étalement urbain, avec des habitations de plus en plus proches de la forêt, et de jeunes arbres plantés ici à deux mètres de la route par les propriétaires privés pour une meilleure rentabilité, au lieu des six mètres prévus par la loi ».
Résultat, « la Gironde détient le triste record de nombre de départs de feu en Europe : 150 depuis le début de l’année », déplore Jean-Luc Gleyze, le président du conseil général.
LES MOYENS MANQUENT POUR LUTTER CONTRE LES INCENDIES
Or, les pouvoirs publics manquent de moyens pour tenter de prévenir ces incendies. La DFCI (Défense de la forêt contre les incendies) Aquitaine ne compte qu’une dizaine de permanents. « Il nous faudrait au moins trois personnes supplémentaires », souffle son coordinateur, Jean-Marc Billac, qui dispose d’un budget annuel de 4 millions d’euros.
Il s’appuie aussi sur un réseau de 800 volontaires – de plus en plus difficile à renouveler – pour identifier les chemins d’accès aux pompiers en mauvais état, les aider à débroussailler, installer des points d’eau…
« La prévention, c’est une course sans fin pour rattraper le manque d’entretien de la forêt par les propriétaires privés en France », déplore Jean-Marie Darmian. Or, « à l’horizon 2017, le département n’aura plus les moyens de financer 55 % des moyens du Sdis 33 comme il le fait aujourd’hui », prévient-il.
L’HOMME, PREMIER PRÉDATEUR DU PATRIMOINE FORESTIER
Pourtant, la forêt des Landes de Gascogne, représente une formidable richesse économique, avec 35 000 emplois directs et 2,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires en Aquitaine.
Un patrimoine dont le premier prédateur est l’homme lui-même : 86 % des départs de feu sont d’origine humaine. À Saint-Jean-d’Illac, c’est l’hypothèse d’un acte criminel qui est privilégiée par les enquêteurs.
Or la lutte contre les pyromanes est particulièrement difficile. « Nous ne pouvons pas mettre en place un système de surveillance comme si tout le monde était une menace sur un massif d’un million d’hectares », rappelle Christian Pinaudeau, secrétaire général du syndicat des sylviculteurs du Sud-Ouest.
Nicolas CÉSAR (à Bordeaux)