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GIRONDE VIGILANTE
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13 septembre 2022

Conséquences des incendies en Gironde

Sud-Ouest du 13 septembre 2022

2022 09 13 SO Dix-sept ans de sylviculture perdus

Incendies : Pour les forestiers, la difficile heure des comptes 

Les premiers contrats entre propriétaires forestiers et acheteurs de bois ont été signés, avec une baisse globale de 30 à 40 % des prix pour les pins de plus de 25 ans. Trop chers à exploiter, les arbres les plus jeunes seront broyés sur place

2022 09 13 sylviculture

Les abatteuses par dizaines ont commencé à grignoter le massif incendié cet été en Sud-Gironde. Au rythme moyen d’un hectare par jour et par machine, de larges trouées apparaissent déjà de Guillos à Landiras, de Louchats à Balizac. Laissant deviner le paysage de lande nue qui s’offrira dans quelques semaines aux regards des habitants. Mais l’heure n’est plus aux larmes pour les forestiers. Seule compte désormais l’exploitation des pins brûlés qui ont encore un peu de valeur. 

Des premiers retours de terrain, il apparaît que les pins de plus de 15 ou 20 ans sont en grande partie exploitables, en bois de trituration pour les plus jeunes qui prendront la direction de l’usine Smurfit Kappa de Facture, et en bois d’œuvre dans les scieries pour les spécimens les plus âgés. En dessous de 15 ans, les pins passeront en pure perte.

2022 09 13 sylviculture2

 « Un massacre » 

À la tête d’une exploitation familiale de 150 hectares de pins dont moins d’une trentaine a été épargnée par les flammes, Didier Dupouy n’en revient toujours pas de cet été en enfer. « Jamais je n’aurais imaginé que le massif d’une commune entière puisse brûler. À Guillos, 90 % des 1800 hectares boisés ont été détruits. C’est impensable. » Ancien pompier professionnel, aujourd’hui président de la Défense incendie contre les feux de forêt (DFCI) du village de Guillos, le forestier sait qu’il va perdre beaucoup d’argent. 

Devant lui, une de ses parcelles de pins de 25 ans vient d’être coupée en moins de deux jours. Des arbres qui auraient dû atteindre leur maturité dans une quinzaine d’années, avec des troncs trois fois plus larges. « C’est un massacre. Dans quinze ans, ça aurait été du bois magnifique », souffle le forestier. 

Seul soulagement, le feu qui a noirci l’écorce n’a pas touché l’aubier. « À part certains arbres où il est noirci. Mais globalement, il y a encore de la résine, ce qui veut dire que le bois est de valeur. » Pour autant, il n’y a pas le choix. Les pins encore debout sont morts. Brûlés à la racine, prêts à tomber au moindre coup de vent. Il faut exploiter de toute urgence. 

Exploiter, mais à quel prix ? Christian Ribes, président de l’interprofession Fibois Nouvelle-Aquitaine, a annoncé à « Sud Ouest » une baisse de 30 à 40 % sur le bois de plus de 25 ans dont on peut encore sortir des planches. Cette décote s’explique par l’augmentation soudaine des volumes mis sur le marché avec 2,37 millions de mètres cubes de bois incendiés cet été en Gironde, mais aussi par la qualité aléatoire du matériau. 

Pour Didier Dupouy, la décote est plus proche des 40 %. « C’est ce que m’a proposé mon acheteur Alliance Forêts Bois, qui est aussi mon gestionnaire. J’ai fait marcher la concurrence, j’ai vu trois acheteurs pour être sûr que les cours étaient conformes. Mais ils n’ont pas intérêt à enfoncer les propriétaires. Au contraire, je pense qu’ils ont essayé de tirer les prix au maximum vers le haut. » Un avis que ne partage pas un autre forestier qui a perdu une trentaine d’hectares sur Guillos et SaintSymphorien et préfère préserver son anonymat avant de lâcher : « Les acheteurs sont partout dans la forêt, comme des prédateurs. Ils en proposent le moins cher possible. Ce n’est plus la forêt, c’est la jungle. » 

La simple baisse du prix n’est pas la seule perte pour les forestiers. Désormais, les grumes sont négociées à la tonne et non plus au stère. Or, plus le bois sèche, moins il pèse pour un même volume. L’autre grande perte, c’est celle du temps qui ne se rattrape jamais. Celle que les forestiers appellent « la perte d’avenir », lorsque le volume attendu n’est pas là. Cette perte dans le temps touche tous les pins qui ne sont pas arrivés à maturité. Les arbres de plus de 25 ans qui allaient donner leur plein rendement dans quelques années, comme les plus jeunes, replantés au lendemain de la tempête Klaus en 2009. Eux n’ont plus aucune valeur. 

« Ça coûterait trop cher à exploiter, même en bois-énergie. On va devoir les broyer sur place. En moyenne, avec ce feu, on a perdu dix-sept ans de sylviculture », calcule le forestier de Guillos. 

« Courage et énergie » 

Sur le massif, seulement un quart des 1 500 propriétaires sinistrés en Gironde sont assurés. Des assurances qui ne couvrent pas les pertes mais indemnisent les travaux de replantation à hauteur de 1 000 à 1 500 euros par hectare. 

« Il va falloir beaucoup de courage et d’énergie pour repartir », confie la propriétaire forestière Nathalie Morlot, qui a perdu 135 hectares cet été à Origne. « J’avais une coupe prévue en octobre. Le contrat devait être signé deux jours après le départ du feu, les prix étaient au plus haut. Avec une baisse de 30 %, il est certain que je ne vais pas faire de bénéfice. »

2022 09 13 SO Le bois est en train de mourir

2022 09 13 SO Le bois est en train de mourir2

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