Incendies en Gironde
Sud-Ouest du 15 juillet 2022
Incendies en Gironde : plus de 7 650 hectares brûlés, le feu se rapproche des Landes
Incendie Landiras Sud-Gironde. 15 juillet. Nuit très difficile. Plus de 1000 hectares grignotés au sud. 4200 ha au total. Village origne évacué en pleine nuit. 1300 personnes évacuées en Sud-Gironde depuis mardi. Le front du feu est très large et complique les opérations. pic.twitter.com/2UltE8CFtI
— Arnaud Dejeans "Sud Ouest" Sud-Gironde (@ArnaudDejeans) July 15, 2022
BFMTV du 15 juillet 2022
🚒 Feu fixé, maîtrisé, circonscrit…
— BFMTV (@BFMTV) July 15, 2022
➡ Éric Brocardi, porte-parole des sapeurs-pompiers explique les différentes phases d'un incendie pic.twitter.com/AnSxEY0Tpj
20minutes 15 juillet 2022
En Gironde, 7.300 hectares sont partis en fumée, près de 500 personnes évacuées cette nuit
FEUX La Gironde a été placée jeudi en vigilance rouge « feux de forêts » alors que les deux importants incendies qui y sévissent depuis mardi ont détruit 7.300 hectares de végétation
La Gironde a été placée jeudi en vigilance rouge « feux de forêts » alors que les deux importants incendies qui y sévissent depuis mardi ont détruit 7.300 hectares de végétation, dont 3.100 à La Teste-de-Buch où quelque 4.000 habitants du bourg de Cazaux ont dû évacuer en début d’après-midi de jeudi.
Selon Fabienne Buccio, la situation était « délicate » le 14 juillet sur le feu de La Teste mais il n’a pas touché le bourg de Cazaux et la base militaire (la BA 120), zone que 4.000 personnes ont évacuée de manière « préventive ». Mais dans un bilan livré ce vendredi matin, trois maisons et deux restaurants ont été détruits sur le secteur de Cazaux.
🔥 #FeuxDeForets 8h
— Préfète de Nouvelle-Aquitaine et Gironde (@PrefAquitaine33) July 15, 2022
➡️ La Teste : 3100ha brûlés. 3 maisons et 2 restaurants détruits secteur Cazaux
➡️ Landiras : 4200ha brûlés. Évacuation de 480 personnes cette nuit à Origne, Balizac et Louchats. Salles ouvertes à St Symphorien et Villandraut
👉 Situation toujours défavorable pic.twitter.com/Q1bb46zKHD
A Landiras, le bilan s’est en effet aussi aggravé au cours de la nuit. Ainsi, 4.200 hectares sont partis en fumée. Et au cours de la nuit, 480 personnes ont dû être évacuées à Origne, Balizac et Louchats. Des salles pour les accueillir ont été ouvertes à Saint-Symphorien et Villandraut. Selon un tweet de la préfecture de Gironde, « la situation est toujours défavorable ».
Ce placement en vigilance « très élevée » (niveau 4 sur 5) à compter de jeudi et « jusqu’à nouvel ordre », annoncé par la préfète Fabienne Buccio, a pour effet d’interdire la circulation des personnes et des véhicules en forêt entre 14h et 22h, de suspendre les activités d’exploitation et de travaux sylvicoles entre 14h et 22h et d’interdire les activités ludiques et sportives en forêt.
« Le feu malheureusement se rapproche de plus en plus des habitations de Cazaux, du fait du vent de nord-ouest assez conséquent », a indiqué le maire de La Teste, Patrick Davet, sur Facebook. « Les Cazalins ont respecté les consignes d’évacuation. Le travail sans relâche des pompiers nous donne beaucoup d’espoir pour la protection des biens. La police va régulièrement surveiller le village afin qu’il n’y ait aucune maison visitée. »
Un panache de fumée
Un énorme panache de fumée aux tons orangés a empli le secteur dans l’après-midi et des cendres flottent en suspension dans l’air, a constaté un journaliste de l’AFP. La priorité cette nuit pour les pompiers sera de protéger les biens et les maisons à Cazaux, a expliqué aux journalistes Marc Vermeulen, directeur du service d’incendie et secours de la Gironde (SIDS 33).
Le feu a pris mardi sur une route forestière dans cette vaste forêt de pins, difficile d’accès et très dense, qui jouxte la célèbre dune du Pilat, désormais fermée au public. Dans la nuit de mardi à mercredi, 6.000 personnes avaient dû être évacués de cinq campings proche de la dune. La plupart sont désormais rentrés chez elles et les campings demandent aux clients prévus pour arriver samedi de ne pas venir.
Quelque 2.200 hectares de pins sont également partis en fumée dans le second incendie, situé près de Landiras, à une quarantaine de kilomètres au sud de Bordeaux. Mais la situation semble moins compliquée qu’à La Teste. « L’objectif est de stabiliser le feu de Landiras pour mettre tous les moyens sur celui-ci », a expliqué à La Teste la préfète Fabienne Buccio. Près de 1.000 sapeurs-pompiers sont engagés sur ces deux feux ainsi que d’importants moyens aériens, avec au moins sept Canadair et deux Dash. Ces feux de forêt, qui n’ont pas fait de victime, se sont déclenchés au début de l’épisode de canicule qui touche la France depuis mardi, principalement dans l’ouest et le sud du pays.
300 hectares près d’Avignon
Au sud d’Avignon, vers Tarascon, un incendie parti vers 16h00 d’une ligne de chemin de fer régionale s’est propagé sur un petit massif calcaire recouvert principalement de pins et a rapidement parcouru environ 600 hectares, brûlant 300 hectares, ont indiqué les pompiers à l’AFP. Les 520 pompiers présents devaient être renforcés par 420 autres.
Le feu, « virulent » selon les secours, n’a touché aucune habitation et on ne dénombre aucun blessé. La fumée et les cendres arrivent jusqu’à Avignon, où le festival de théâtre bat son plein.
Sud-Ouest du 15 juillet 2022
Sud-Ouest du 15 juillet 2022
Les pompiers luttent aux portes de la ville de La Teste
Sur le bassin d’Arcachon, le vent et l’avancée de l’incendie de la forêt de La Teste ont transformé le quartier de Cazaux en une ville fantôme. Les flammes attaquaient hier soir les premières maisons et le port
Les voitures quittent Cazaux en file indienne. Un seul sens de circulation est ouvert. On évacue. FRANCK PERROGON/ «SUD OUEST»
Vers midi ce jeudi matin, devant la résidence d’Alain à Cazaux, le ciel bleu dominait. Le nuage gris du grand incendie de la forêt usagère était certes là, mais au loin, comme une menace imprécise sur ce lotissement de quelques maisons. Il y avait quand même de l’inquiétude dans le regard d’Alain. « Je ne suis pas rassuré », disait-il. Son intuition d’ancien pompier était bonne. À 16 h 30, le bleu azur a disparu. Le ciel s’est obscurci, avec une teinte orangée. L’air s’est réchauffé et la fumée est partout. Elle irrite les yeux, pique la gorge, imprègne les vêtements et la peau.
Devant la maison d’Alain, son fils est toujours là, dans la rue, un masque sur la bouche. « J’espère qu’on sauvera la maison », soupire-t-il. Son père est dans le jardin avec les pompiers. À quelques mètres de cette habitation en bordure de forêt dans laquelle il vit depuis six ans, les flammes sont bien là. Elles sont aussi hautes que les quelques chênes et pins à la lisière de la parcelle.
Deux maisons détruites
Ce jeudi, en fin d’après-midi, l’enfer est aux portes du quartier de Cazaux, au sud de La Teste. Les flammes menacent ensuite l’hypermarché à l’entrée de la commune, puis le vent pousse l’incendie au sud, vers le lac et le port où les pompiers luttent pour protéger des maisons et des bateaux. Deux maisons ont été détruites par les flammes.
La situation a basculé très vite dans ce quartier de Cazaux. Tout a commencé dans la nuit de mercredi à jeudi. À 3 heures du matin, Alain est réveillé par les policiers qui évacuent une soixantaine de personnes de ce lotissement. Les autorités craignent alors que les fumées n’intoxiquent ces quelques habitants proches de la forêt. Mais dans la matinée de jeudi, on leur annonce qu’ils peuvent rentrer chez eux. Vers midi, les pompiers constatent que le vent va tourner vers Cazaux et les autorités proposent alors d’alerter la population de Cazaux sur le risque d’intoxication.
Vers 14 heures, le vent se lève effectivement. Mais l’incendie a progressé bien plus vite que les combattants du feu ne le supposaient. La colonne de fumée a grossi. Elle est proche et intense. La décision d’évacuer le quartier de Cazaux est prise. « Cela devenait trop risqué. Il fallait le faire », explique le maire de La Teste, Patrick Davet. 4 000 personnes doivent partir. La décision est brutale. Elle est communiquée très vite aux habitants par tous les moyens possibles. La police municipale passe partout, mégaphone en main, pour demander de quitter les lieux. Les valises de Sonia étaient prêtes. Cela faisait deux jours qu’elle regardait ce nuage de fumée dans le ciel avec angoisse. Son départ, avec son mari, ne leur prend que quelques minutes. Ils vont s’installer chez des parents à Gujan-Mestras.
Tensions au barrage
La plupart des habitants de Cazaux ont d’ailleurs trouvé très vite une solution de relogement chez des amis, des proches. Mais le départ n’a pas toujours été facile. Une longue file d’attente de voitures s’est formée. La base aérienne, qui n’a pas été évacuée, est ouverte pour laisser passer les véhicules. Les policiers bloquent toutes les entrées.
À l’un de ces giratoires, la tension monte. Un jeune en scooter veut absolument passer et tente de forcer le barrage. Il est interpellé. Une mère de famille doit s’énerver pour qu’un policier accepte de l’accompagner dans Cazaux afin d’aller chercher son fils. Des bus sont dépêchés pour amener ceux qui n’ont pas de voitures. On s’occupe aussi d’aller chercher des animaux dans les prés, comme des chevaux.
De la fumée partout
En très peu de temps, Cazaux s’est vidé. Envahi par la fumée, éclairé par une lueur orangée de l’incendie de plus en plus proche, ce quartier de La Teste a des allures de fin du monde. Les Cazalins sont partis. Ceux qui n’ont pas trouvé de solutions de repli ont été accueillis au parc des expositions de La Teste, ouvert depuis mercredi matin pour les réfugiés des campings de la dune du Pilat.
Sur place, Patrick s’est arrêté sur le parking. Il ne fait que passer. Ce Cazalin d’origine a une petite cabane sur le port. « Je crois qu’elle a cramé. C’est une catastrophe pour la forêt cet incendie », dit-il, dépité. Dans la grande salle, des dizaines de personnes ont proposé leur aide pour ces réfugiés. La Ville d’Arcachon a aussi mis en place un numéro et une adresse pour se faire connaître. La solidarité s’est mise en place sur le Bassin.
Sud-Ouest du 15 juillet 2022
INCENDIES EN GIRONDE : « Avec des Canadair à proximité, nous n’en serions pas là »
Jean-Luc Gleyze, président du Département de la Gironde et du Service départemental d’incendie et de secours (Sdis), soulève la question des leviers de lutte contre le feu : un financement insuffisant et une absence de moyens aériens à demeure
Ces incendies, par leur ampleur, sont-ils déjà à ranger dans les plus grands sinistres connus en Gironde ?
Ce sont des incendies historiques. Nous le redoutions depuis quelques semaines. Cela fait écho à l’incendie de Cestas en 1949 ou en 2015 à Saint-Jean-d’Illac, qui était de moindre ampleur. On ne sait pas jusqu’où ira le feu. Il y en a pour plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Nous sommes face à une conjonction d’éléments défavorables : un sous-sol très sec après un printemps peu pluvieux, le feu qui rampe sous les fougères, les températures caniculaires et le vent. Les pompiers combattent un double feu, de nature différente. Ce qui pose la question de la capacité à intervenir partout.
Le Sdis de la Gironde est-il suffisamment dimensionné pour des interventions simultanées ?
Sur La Teste, ce n’est pas une question de moyens du Sdis de la Gironde, mais d’accessibilité. La forêt usagère n’est pas entretenue, on ne peut pas y accéder par la terre. La solution pour intervenir, c’est par les airs. Dans les Landes girondines, on a une autre configuration, on peut travailler au sol. Mais là, nous sommes face à un front de feu qui s’étend sur plusieurs kilomètres, face à un habitat plus diffus qui a été protégé en priorité. Les pompiers ont défendu maison par maison. Le Sdis Gironde, qui accomplit un travail exemplaire, est à niveau. Mais son financement est un sujet.
C’est-à-dire ?
Il est régi par une loi qui date de 2002, le financement est indexé sur la population de 2002. Or, depuis cette date, la Gironde a accueilli 400 000 habitants supplémentaires. Depuis que j’ai pris la présidence du Service départemental d’incendie et de secours en 2017, j’ai interpellé les ministres de l’Intérieur successifs et nos parlementaires pour faire évoluer cette loi sous-dimensionnée. Nos moyens ne correspondent pas à notre population. Les choses n’ont pas bougé. De notre côté, nous n’avons pas rien fait. Pour répondre aux besoins, j’ai sollicité la Métropole. Alain Juppé avait répondu favorablement pour participer au financement, sous forme de contribution volontaire. J’ai ensuite sollicité l’ensemble des communautés de communes de la Gironde qui, elles aussi, contribuent au financement du Sdis. Il doit bénéficier, par la loi, de financements conformes à sa population actuelle, non à celle d’il y a vingt ans.
Se pose aussi la question de moyens aériens à demeure, les appareils engagés arrivent de Nîmes…
Je tiens d’abord à saluer le travail de la préfète qui s’est démenée. Elle a fait tout ce qui était en son pouvoir pour obtenir les moyens aériens nécessaires. Dans un incendie, ce sont les premières minutes qui comptent. Nous avons le plus grand massif de résineux d’Europe, des essences sujettes à incendie. Je suis convaincu que si nous avions eu des Canadair à proximité, nous n’en serions pas là. Face au changement climatique, aux épisodes caniculaires, ces événements vont se multiplier. Notre massif est vulnérable. La Gironde doit avoir des moyens aériens antifeu à demeure, c’est une question de stratégie nationale.
Face à ces incendies, faut-il revoir les modèles, notamment la monoculture du pin dans les Landes girondines ?
Les Landes de Gascogne existent depuis Napoléon III. Traditionnellement, les parcelles sont délimitées par des réseaux de fossés, des remblais de limites de parcelles, des chemins vicinaux, des boisements diversifiés, comme le chêne qui sert de pare-feu et évite la monoculture. La Défense de la forêt contre les incendies (DFCI) fait un travail remarquable en entretenant le réseau de pistes de pare-feu. La question est de savoir comment on exploite la forêt et la mixité des cultures. Certains propriétaires, des groupes d’assurance par exemple, n’ont pas cette culture forestière. Des plantations ont mordu sur des chemins aujourd’hui disparus. Cette culture et ce savoir ne doivent pas se perdre.
Quid de la forêt usagère ?
C’est un statut particulier qui date du XVe siècle. Elle n’est volontairement pas entretenue, à la disposition des habitants. Je mesure l’importance que cela revêt. C’est un statut atypique, mais comme pour les Landes girondines, nous devons mener une réflexion. Quand on voit brûler cette forêt, c’est un crève-cœur. Nous devons acter collectivement comment nous la défendons. Dès la rentrée, nous lancerons les états généraux de la forêt girondine pour répondre à ces sujets.
Sud-Ouest du 15 juillet 2022
Sud-Gironde : à l’arrière, un défi logistique pour les pompiers
À Landiras, en Sud-Gironde, la salle polyvalente s’est transformée depuis mardi en camp de base pour gérer la lutte contre les flammes. Des dizaines d’habitants apportent leur aide aux pompiers et aux évacués
Vers 14 heures, ce jeudi, devant la salle polyvalente de Landiras, aménagée en base arrière, la colonne de l’Hérault décroche. Sous les bravos de leurs collègues girondins, 60 pompiers venus prêter main-forte rentrent à Montpellier. « Quand ce sera chez vous, vous pourrez compter sur nous », souffle un grand gaillard en tapant sur l’épaule d’un pompier portant le sigle « Sdis de l’Hérault ».
Sur la pelouse entourant la salle des fêtes, se croisent des pompiers issus d’à peu près toute la France : Val-de-Marne, Essonne, Bouches-du-Rhône, Corrèze… Beaucoup vont rester encore plusieurs jours. Ils viennent ici se restaurer ou prendre du repos en revenant du « chantier ». À quelques kilomètres, depuis mardi après midi, un feu géant a déjà ravagé 2 400 hectares de forêt.
Prisonniers des flammes
« On a sérieusement dégusté. Le pire, c’est la chaleur », confie, assis contre un muret, un pompier qui revient juste du feu, les traits tirés, encore à moitié en tenue d’intervention. « On arrive au moment critique. La chaleur attaque les organismes. Après trois jours les corps tiennent sur l’excitation. Pour un pompier, un feu de forêt est une mission qui suscite de la passion. Le risque est de ne pas prendre conscience de la fatigue et d’oublier de se reposer », explique un officier.
À Landiras peuvent se donner les premiers soins en cas de blessures. À ce jour, aucun blessé sérieux n’est à déplorer. Mais quelques coups de chaud et intoxications liées à la fumée nécessitent d’être placé quelques minutes sous oxygène. Ici se tiennent également les premiers « débriefs » en cas de coups durs. Il y en a déjà eu quelques-uns. Pendant la première nuit de l’incendie, la plus dantesque, deux pompiers ont perdu le contact avec leur colonne et ont erré pendant près de deux heures à pied dans la forêt où grondait l’incendie.
Camion renversé
Plus grave, et plus rare, un camion dédié aux feux de forêts s’est renversé dans un fossé à proximité des flammes. Les occupants s’en sont tirés in extremis et se sont réfugiés dans un autre véhicule. Celui-ci s’est embourbé à son tour et n’a pu éviter les flammes qui fondaient sur lui. À l’intérieur, les pompiers n’ont eu d’autre choix que d’activer le système d’autoprotection, le temps que le feu passe pardessus le camion.
« C’est l’une des situations les plus traumatisantes que peut connaître un pompier en forêt. Vous mettez les masques et dès que le feu lèche le capot, vous actionnez le système qui diffuse de l’eau autour de la cabine, un peu comme un brumisateur. Vous n’avez plus qu’à prier pour que le feu passe en moins de deux minutes, à peu près le temps d’épuiser la réserve d’eau », explique un pompier.
« Ces hommes ont fait preuve d’un très grand sang froid. Ils ont été choqués mais vont bien. C’est un évènement sur lequel il faudra faire le point », explique le commandant David Brunner, du Sdis de Gironde.
Ce type d’accident est rarement porté à la connaissance de la population. Nul besoin de cela d’ailleurs pour déclencher l’immense élan de solidarité qui s’est noué ces dernières heures autour des soldats du feu. Des dizaines de bénévoles ont spontanément apporté leur concours au défi logistique que représente la lutte contre les incendies qui ravagent la Gironde. « L’enjeu, à l’échelle du département, c’est de loger et nourrir environ un millier de pompiers », résume Delphine Balsa, directrice de cabinet de la préfète de Gironde.
Solidarité spontanée
« Chaque pompier en opération dispose de rations pour vingtquatre heures », explique le commandant Brunner. À Landiras, les habitants ont rapidement œuvré pour améliorer l’ordinaire. « Nous ne sommes pas des bénévoles, nous sommes des obligés », s’exclame Line Baraduc, adjointe au maire Landiras, au milieu d’une cinquantaine d’habitants du canton qui ont transformé la salle polyvalente en cantine. « On a demandé aux pompiers de quoi ils avaient besoin. Ils nous ont dit : beaucoup de fruits », explique l’élue. Les denrées arrivent par palettes issues de dons de collectivités, commerçants et grandes surfaces. « Jamais je n’avais vu un tel accueil », glisse, ému, un pompier héraultais.
« À Guillos, un boulanger fait du pain exprès pour les pompiers. Un pizzaïolo leur fait des pizzas. À Balizac, les denrées d’une fête de village annulée ont été données. Les dons arrivent de partout », relève encore Mylène Doreau, la mairesse du village à l’avant-poste de la lutte contre l’incendie.
Quant à l’hébergement, nombre de communes aux alentours ont mis à disposition les internats des collèges, lycées ou centres de formation comme à Langon ou la Brède.
Sud-Ouest du 15 juillet 2022
L’angoisse d’un ancien pompier : « Je n’en dors pas de la nuit »
Capitaine des pompiers à la retraite, Jean-Claude Fulon suit l’incendie de près, et prie pour qu’il épargne sa cabane familiale perdue au fond de la forêt usagère à La Teste-de-Buch
« Le feu, c’est toute ma vie. » Hier, l’ancien capitaine des pompiers de La Teste-de-Buch Jean-Claude Fulon, aujourd’hui à la retraite, est à nouveau confronté à son destin de flammes. La forêt, « sa » forêt, brûle depuis trois jours. Et au milieu, il y a sa cabane. Jean-Claude Fulon fait partie de cette centaine de familles qui habitent la forêt usagère, cette « exception dans le paysage forestier français », selon le ministère de l’Agriculture. Une forêt privée, avec des droits d’usage remontant au XVe siècle. Lui tient sa cabane de son père, un résinier qui l’habitait déjà dans les années 1950. Elle est perdue au bout d’une piste de sable qui serpente entre les fougères, à la lisière du grand brasier. Hier, Jean-Claude est venu tôt pour voir si sa cabane était toujours debout. « Je n’en dors pas de la nuit, j’y pense tout le temps », lâche-t-il. Au PC des pompiers, près de la route qui relie La Teste et Cazaux, il est comme chez lui, en tenue d’estivant au milieu des uniformes. Il trimbale aussi les journalistes venus « voir le feu », au volant de sa fourgonnette blanche. On s’enfonce avec lui vers l’incendie, qui n’est pas le plus virulent à cet endroit. Il y a un mélange de végétation verte et de pins en feu. L’instant d’après on traverse une zone où, au contraire, les flammes ont mangé jusqu’au sous-bois. Au débouché d’un virage, trois camions de pompiers en faction, et au milieu la cabane de Jean-Claude.
« Ils l’ont bien défendue ! »
Elle est là, elle n’a pas brûlé. « Ils l’ont bien défendue ! » dit-il, sourire aux lèvres. « Ils sont là pour défendre un point sensible, c’est comme ça que disent les pompiers. Ils protègent toujours le patrimoine, c’est une priorité. » L’instant d’après, les trois camions disparaissent, une autre cabane est menacée un peu plus loin sur la piste. Le feu ronge le sol, il descend la pente de la dune comme une coulée de lave, en direction de la maison. Plus haut, les flammes dévorent le pied d’un immense pin, qui finit par s’effondrer. Les pompiers arrosent sans relâche.
Combien de temps arriveront-ils à protéger ces maisons ancestrales, cernées par une forêt en surchauffe ? « Ça va être un travail de fou, on en a pour tout l’été. Les pins tombent par terre, le feu gagne les racines, il s’enterre pour ressortir un peu plus loin. Le vent tourne, le feu part ici, puis là, il saute, c’est impossible de prévoir ! Si on a un mois d’août pluvieux, ça peut nous sauver, sinon… Je me rappelle les vieux pompiers, ils disaient toujours ‘‘quand on aura un feu violent, avec une fournaise comme aujourd’hui, qui s’encastre dans cette forêt, ce sera très difficile de l’arrêter’’. Avec la grande chaleur, le feu s’engouffre et peut faire des sauts de 100 mètres. »
Jean-Claude se souvient aussi de son enfance dans la cabane. Il montre la pinède sèche qui borde la maison. « Autrefois, il y avait une prairie ici, oui, à cet endroit, avec des vaches, des chèvres… C’était propre. Depuis que les résiniers ont disparu, la forêt n’est plus entretenue. » Et le feu s’en régale.
Sud-Ouest du 15 juillet 2022
INCENDIE À LANDIRAS : L’évacuation des animaux
Les incendies font rage aux alentours de Landiras. Les propriétaires d’écuries et de chenils s’organisent pour éloigner leurs bêtes des flammes
Les riverains s’organisent pour évacuer les chevaux, après la demande des gendarmes de quitter les lieux à Manine, lieu dit de Landiras. Au même moment, les pompiers continuaient de lutter contre les flammes. M. J. ET LAURENT THEILLET / « SUD OUEST »
Hier, l’incendie de Landiras a redémarré de plus belle. Les gendarmes ont demandé l’évacuation de certaines habitations près de Manine, lieu-dit de Landiras. Jacques Lamy de La Chapelle, médecin éleveur de chiens et de chevaux destinés à la chasse à courre, voit la fumée se rapprocher de ses terrains, à un kilomètre de chez lui. Le ciel est voilé, gris. Pourtant, dès qu’un ami à lui, qui doit quitter sa maison à Manine, l’appelle pour l’aider à mettre ses chevaux en sécurité, Jacques, propriétaire lui-même de cinq chevaux et d’une soixantaine de chiens, part instantanément.
« C’est toute la vie de mes amis qui part en fumée », résume-t-il. Arrivé sur les lieux, Jacques console son ami démuni. Laure Lamy de La Chapelle, sa femme, s’engage sur le terrain, un licol à la main, à la recherche des chevaux à évacuer. Ils trouveront refuge à quelques kilomètres de là, sur le terrain d’une connaissance.
Solidarité sans faille
Pour être efficaces et solidaires dans les moments où le temps presse, il faut d’abord s’organiser en amont. Une anticipation qui permet de calmer les contrariétés. Au centre équestre de Val Tursan dans la matinée, la peur retombe pour Philippe. Il aurait besoin de deux heures pour évacuer les 45 équidés de son écurie, mais son inquiétude faiblit parce qu’il a trouvé des moyens de se rassurer. « Les autorités ont nos coordonnées pour nous prévenir si l’on doit partir », assure-t-il. « Ils veillent sur nous comme sur leurs propres enfants », estime Jacques Lamy de La Chapelle.
Philippe compte également sur l’aide de ses voisins de village qui se manifestent depuis le début de l’incendie à Landiras. Pas de faille dans la solidarité. « J’ai reçu beaucoup d’appels depuis le démarrage des incendies pour me proposer de l’aide si je dois évacuer mes chevaux », confie le propriétaire de l’écurie de Val Tursan. Des camions, des vans de transport pour chevaux… Tout peut être utile en cas de consigne de départ.
Précautions
Ludivine Guichon, propriétaire du poney club de La Voile, à Cabanac-et-Villagrains, fait tout ce qu’elle peut depuis mercredi pour accueillir des animaux sur son terrain et dans ses boxes. Elle a déjà recueilli dix chevaux, des ânes et des chèvres appartenant aux habitants des alentours, forcés d’évacuer. Ce jour-là, trois nouvelles chèvres s’installent dans un box, créé sur-mesure en direct. Quelques vis, des planches, du foin et de l’eau fraîche et les animaux peuvent s’installer. « Ludivine, c’est le Saint-Bernard du coin », s’amuse un riverain. Il vient d’aider à déposer les trois chèvres après les avoir hébergées quelque temps chez lui.
Une grande crainte pour tous ces aidants : ne pas être mis au courant assez rapidement d’une évacuation soudaine, qui empêcherait de mettre leurs compagnons sur pattes à l’abri. « Hier, les pompiers sont venus nous dire que nous devions partir en dix minutes ! » Cela laisse peu de temps pour organiser la transhumance. Les propriétaires d’animaux aimeraient être prévenus le plus tôt possible… Alors, en attendant des nouvelles des autorités, ils se préparent, en prenant toutes sortes de précautions.
Les yeux piquent quand on arrive au chenil de Clotilde et Régis Rebeyrol à Pouton, lieu-dit de Landiras. « On est enfumés depuis ce matin, alors que ce n’était pas du tout le cas hier », raconte Clotilde. Le couple garde plusieurs chiens en pension, prêts à se réfugier à l’arrière des voitures si cela se révèle nécessaire. « C’est anxiogène. Manine, c’est à deux kilomètres à vol d’oiseau et même si pour l’instant on ne risque rien, il faut penser à tout », indique-t-elle. Les affaires et les papiers importants sont prêts, Clotilde reste sur le qui-vive…
Plan d’évacuation
Même état d’esprit pour Ludivine Guichon. « C’est du vivant tout ça. Je suis prête à affronter toutes les situations. » Les vans de transport sont attelés aux voitures, les licols sont en train d’être attachés devant les prés de son écurie. Ludivine a établi un plan d’évacuation elle-même pour son poney club. Cela fait deux nuits qu’elle dort à peine quelques heures, parce qu’elle se dit que si elle n’est pas éveillée, elle ne pourra pas prendre de décisions…
Actu.fr du 14 juillet 2022
Incendies en Gironde : deux minutes de vidéo pour comprendre la tragédie qui se déroule dans nos forêts
Plus de 5.000 hectares sont d'ores et déjà partis en fumée à cause des deux incendies en Gironde, autour de Landiras et de La Teste-de-Buch.