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GIRONDE VIGILANTE
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31 mai 2022

Psychiatrie

Le Parisien du 30 mai 2022 

Le SOS des psychiatres lancé à la Première ministre

EXCLUSIF. 75 soignants lancent un appel à Élisabeth Borne, la nouvelle Première ministre, intitulé «Créons des postes pour éviter le naufrage !». Si rien n’est fait, disent-ils dans leur tribune que nous dévoilons, «un avenir très sombre nous attend».

2022 05 30 Le parisien

Ils sont psychiatres, internes, psychologues, infirmiers… Et tous lancent un cri d’alerte à la nouvelle Première ministre, Élisabeth Borne, dans une tribune « Créons des postes pour éviter le naufrage ! ». L’équation ne fonctionne plus. D’un côté, la pandémie de Covid-19 crée un afflux, sans précédent, des malades aux urgences psychiatriques : crises suicidaires, bouffées délirantes, dépressions. « Surtout chez les jeunes, sans repères, angoissés par l’avenir. Quand on perd l’espoir, on met beaucoup de temps à le retrouver », prévient Antoine Pelissolo, psychiatre à l’hôpital Henri-Mondor, à Créteil (Val-de-Marne). De l’autre, « 15 % des lits sont fermés dans les hôpitaux de l’AP-HP, faute d’infirmières », poursuit ce chef de service.

Certes, ces difficultés ne sont pas nouvelles mais elles s’aggravent, les conséquences sont « dramatiques ». Comble de cette tension, un dimanche d’avril, dans un hôpital de région parisienne, 18 patients, tous dans un état très grave, se sont retrouvés à attendre, alors qu’ils devaient être hospitalisés, en urgence. Pour les « accueillir, les rassurer, les surveiller », ce jour-là, seuls un psychiatre et un infirmier étaient là.

Les signataires de la tribune mettent en garde : « Ce débordement des capacités d’accueil se traduit par des heures et des jours d’attente sur un brancard ou une chaise dans un couloir, des fugues, des agitations, voire des bagarres, et forcément des professionnels débordés et épuisés, ne souhaitant qu’une chose : changer de poste, d’hôpital, voire de métier. Quel gâchis. ». Autre conséquence, selon Antoine Pelissolo : « Le recours à l’isolement et à la contention est en hausse car les soignants peuvent, parfois, être dépassés par la situation, ce qui ne devrait pas arriver ». Et face à l’afflux de demandes, les malades, une fois hospitalisés, d’après le psychiatre, sortent plus vite, « résultat, ils rechutent ».

Le texte de la tribune : «Créons des postes pour éviter le naufrage !»

« Un dimanche d’avril aux urgences d’un grand hôpital de la région parisienne, 18 patients attendent une prise en charge psychiatrique, tous dans des situations graves imposant une hospitalisation immédiate : crise suicidaire, bouffées délirantes avec agitation, états dépressifs extrêmes, etc. Pour accueillir, évaluer, rassurer, surveiller, soigner, contacter les familles et les hôpitaux pour ces 18 patients : un psychiatre et un infirmier, et des locaux insuffisants. Ce débordement des capacités d’accueil se traduit par des heures et des jours d’attente sur un brancard ou une chaise dans un couloir, des fugues, des agitations, voire des bagarres, et forcément des professionnels débordés et épuisés, ne souhaitant qu’une chose : changer de poste, d’hôpital, voire de métier. Quel gâchis !

La situation d’engorgement des urgences psychiatriques n’est pas nouvelle, elle s’aggrave d’année en année, en psychiatrie d’adultes comme en pédopsychiatrie. Mais, depuis la pandémie, nous vivons une accélération dramatique de cet engrenage. Deux raisons principalement : l’augmentation très forte des besoins de soins psychiatriques d’une part, et la fermeture de très nombreux lits dans les services spécialisés par pénurie de personnel soignant d’autre part.

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Pour nombre d’états psychiatriques aigus, et d’autant plus dans des contextes sociaux dégradés, le recours à l’hospitalisation est incontournable. Il est certes nécessaire d’intervenir en amont des crises et en ambulatoire, et ceci se fait de mieux en mieux. Mais il restera toujours des situations imposant un temps d’hospitalisation. Or, le travail en unités de soins psychiatriques, notamment les plus intensives, est particulièrement éprouvant et stressant. Il s’agit d’un travail d’équipe qui peut être passionnant mais qui demande de passer un temps long auprès des patients et de les accompagner dans leurs souffrances.

Beaucoup de soignants ont heureusement cette vocation et cette compétence, et grâce à eux de très bons résultats thérapeutiques peuvent être obtenus. Mais hélas tout est fait aujourd’hui pour les dissuader de s’y investir et d’y trouver du sens : on leur demande de faire toujours plus vite, avec moins de personnels et moins de moyens, et pèsent sur eux de plus en plus de charges administratives. Les effectifs sont calculés au plus juste, sans tenir compte souvent des spécificités des soins psychiatriques et des aléas des absences et des situations difficiles (pics de patients, crises diverses, etc.).

Cette perte de sens et cette pression du temps et des économies à réaliser génèrent un cercle vicieux de la pénurie. Pas assez nombreux à la base (même quand tous les postes sont occupés), les soignants quittent nos hôpitaux ou sont absents pour des raisons de santé, ce qui réduit encore plus les effectifs disponibles. On demande alors aux personnels de se remplacer d’un service à l’autre, de faire des heures supplémentaires, et de changer d’horaires en permanence. Cela les incite encore plus à quitter le navire, avec un effet dominos sur l’ensemble des services de psychiatrie et d’urgence où la charge de travail augmente. Le principal motif de découragement des personnels n’est pas le montant des rémunérations mais les conditions de travail, le stress, le sentiment d’épuisement et d’insécurité, et le décalage entre les aspirations professionnelles et la réalité du travail imposé.

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Alors que nous manquons de candidats, il pourrait paraître illusoire de fixer des objectifs de personnels à la hausse. Mais ne pas afficher de telles ambitions normales ne fait que nourrir la pénurie : les postes ne sont pas attractifs quand les candidats constatent que, de toute façon, ils seront en nombre insuffisant pour soigner correctement. La définition de ratios minimaux de soignants par service est une nécessité vitale, réclamée par tous ceux qui s’inquiètent de l’avenir de nos hôpitaux (rapport du Sénat en 2022, contrôleur général des lieux de privation de liberté, etc.). Les autorités s’y refusent, craignant de ne pas avoir les moyens de financer de telles mesures, mais cette abstention risque de coûter beaucoup plus cher à notre société très rapidement.

La fermeture de services, voire d’hôpitaux, ne peut conduire qu’à des drames humains par absence de soins, avec des conséquences économiques évidentes : chômage, arrêts de travail, complications sociales, etc. Il faut continuer à développer les soins ambulatoires, la prévention des crises et les pratiques orientées vers le rétablissement mais, tant qu’elles sont nécessaires, maintenir des équipes d’hospitalisation en effectifs suffisants pour éviter toute maltraitance.

La solution existe donc. Qui pourra prendre enfin cette décision courageuse de desserrer le carcan qui contraint sans cesse les effectifs hospitaliers et nous mène au naufrage ? Les directions hospitalières se doivent d’équilibrer leurs budgets et de respecter des plafonds d’emploi, et les ARS ne peuvent accorder des budgets qu’elles n’ont pas. Le ministre de la Santé ne semble pas avoir ce pouvoir, l’engagement doit venir de plus haut. Quoi qu’il en soit, et quoi qu’il en coûte, si rien n’est fait dans ce sens, un avenir très sombre nous attend. »

Les signataires

1. AKOUAKOU Laura, éducatrice spécialisée, Cergy

2. BARRETEAU Sylvie, pédopsychiatre, Asnières-sur-Seine

3. BENYAMINA Amine, professeur de psychiatrie, université Paris-Saclay

4. BIZARD Sarah, psychiatre hospitalier, Argenteuil

5. BONHOURE Adriana, assistance spécialiste, Villejuif

6. BONNOT Olivier, professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, Nantes

7. BORWELL Baptiste, psychiatre hospitalier, Marseille

8. BOUAZIZ Noomane, psychiatre hospitalier, Neuilly-sur-Marne

9. BOUCHER Morgane, psychiatre hospitalier, Créteil

10. BRAGEOT Mathilde, praticien hospitalier, psychiatre addictologue, Paris XXe

11. CANCEIL Olivier, psychiatre hospitalier, Hôpitaux de Saint-Maurice

12. CANTERO Alain, psychiatre, chef de pôle, Hôpitaux de Saint-Maurice

13. CARRET Vincent, psychiatre, Marseille

14. CHENE Margaux, interne en psychiatrie, Paris

15. CLAVEL Estelle, psychiatre hospitalier, Villejuif

16. CLÉMENT Judith, médiatrice de santé paire, Paris

17. COHEN David, professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, Paris

18. CONDEMINE Marie, psychologue, Paris

19. CONSOLI Angèle, professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, Paris

20. CORTÈS Marie-José, présidente du Syndicat des psychiatres des hôpitaux, Mantes-la-Jolie

21. CRAVERO Cora, pédopsychiatre, praticien hospitalier, Paris

22. DEMERY Malika, psychiatre, Briançon

23. DUBERTRET Caroline, professeur de psychiatrie, chef de service AP-HP, Colombes

24. DURANTÉ Étienne, interne en psychiatrie, Villejuif

25. DZIERZYNSKI Nathalie, responsable médicale unité de psychiatrie, Hôpital Tenon, Paris

26. FOGLIA Noémie, éducatrice spécialisée, Argenteuil

27. FOLIGNÉ Marine, psychiatre, praticien hospitalier, Paris

28. FOND Guillaume, psychiatre hospitalier, Marseille

29. GORIOT Élisabeth, ancienne cadre supérieure de santé, La Ville-du-Bois

30. GOUSSET Robin, psychiatre praticien hospitalier, Clamart

31. GRANGER Bernard, professeur de psychiatrie, Hôpital Cochin, Paris

32. GRAU Léa, psychiatre, Argenteuil

33. GUEZ Laurence, attachée de psychiatrie, hôpital Tenon, Paris

34. HIRSCH Raphaëlle, psychiatre hospitalier, Marseille

35. HUMBAIRE Camille, Psychiatre hospitalier, Villejuif

36. HUPPERT Thomas, pédopsychiatre, Argenteuil

37. IAMANDI Alexandra, psychiatre hospitalier, Villejuif

38. JANUEL Dominique, professeur de psychiatrie, EPS Ville Evrard, Neuilly-sur-Marne

39. JEAN-FRANÇOIS Paul, psychiatre hospitalier, Villejuif

40. KORCHIA Theo, chef de clinique, Marseille

41. LAIDI Charles, psychiatre hospitalier, Créteil

42. LAMISSE Christophe, chef de pôle de psychiatrie et santé mentale, Argenteuil

43. LANÇON Christophe, professeur de psychiatrie, CHU de Marseille, Marseille

44. LE BLANC Ève, psychiatre hospitalier, cheffe de service, Paris

45. LE GUEN Emmanuel, psychiatre hospitalier, Paris

46. LECONTE Dominique, pair aidante familiale, Garches

47. LEGUAY Denis, psychiatre, président de Santé mentale France, Angers

48. LIEVRE Bertrand, psychiatre hospitalier, Joinville-le-Pont

49. LLORCA Pierre-Michel, chef de Service, CHU Clermont-Ferrand

50. LOPEZ Ofelia, psychologue, Saint-Maurice

51. LORIC Marie, psychiatre, Créteil

52. MAKSOUDIAN Azad, psychiatre hospitalier, Paris

53. MALBOS Éric, psychiatre hospitalier, Marseille

54. MALLET Luc, professeur de psychiatrie, CHU Henri-Mondor, Créteil

55. MARULAZ Laurent, psychiatre hospitalier, Villejuif

56. MIFORT Béatrice, infirmière de liaison Psyado, Argenteuil

57. MONSONEGO Hélène, cheffe de service, Clamart

58. MONTAGNIER Delphine, psychiatre hospitalier, Paris

59. MOREAU Elsa, psychologue, Paris

60. NKAM Irène, psychiatre hospitalier, Créteil

61. NUEVO Julia, psychologue, Vanves

62. OTMANI Ouardia, psychiatre hospitalier, cheffe de pôle, hôpital Paul-Guiraud, Clamart

63. PAQUIS Jean, psychiatre hospitalier, Saint-Claude

64. PELISSOLO Antoine, professeur de psychiatrie, CHU Henri-Mondor, Créteil

65. PÉRISSE Didier, pédopsychiatre, Paris

66. PIGNON Baptiste, psychiatre hospitalier, Créteil

67. RAFFIN Marie, psychiatre hospitalier, Paris

68. RICHIERI Raphaëlle, professeur de psychiatrie, Marseille

69. SAYOUS Romain, psychiatre hospitalier, Créteil

70. SPINU Ramona, praticien hospitalier, Argenteuil

71. TASTEVIN Maud, cheffe de clinique, Marseille

72. TEPES SIMWAMI RODICA, praticien hospitalier, Argenteuil

73. VALENTIN Marie, psychiatre, Argenteuil

74. VIDAL Camille, praticien hospitalier 94G17 groupe hospitalier Paul-Guiraud, Thiais

75. ZHENG Monique, praticien hospitalier, Clamart

 

 

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