Sud-Ouest du 9 mai 2022

2022 05 09 SO Déserts médicaux ils ont le remède

 

2022 05 09 SO Les déserts médicaux dans la région

 

Sud-Ouest du 9 mai 2022 

Comment les zones rurales remédient aux déserts médicaux 

La Chalosse, au sud, et le cœur des Landes sont en manque criant de généralistes. Pourtant à Samadet, une maison de santé fait de la résistance et attire même les jeunes toubibs

2022 05 09 désertsUne partie de l’équipe de la maison de santé de Samadet, avec, à gauche, le docteur Marco Romero et, à droite, la dernière recrue, Morgan Rovira. PHILIPPE SALVAT/« SUD OUEST » 

Dans les Landes à la lisière de la Chalosse et du Tursan, la terre est lourde. Pas de pins hérissés sur le bleu de l’océan, mais des coteaux à perte de vue, des champs, des silos, de peinards troupeaux de vaches et des bouquets d’arums qui fleurissent les devants de porte. Ici, en cas de crise d’appendicite du petit dernier, il faudra rouler vite : 35 kilomètres pour trouver un hôpital à Mont-deMarsan. Pour une gastro, il faudra se contenter d’une recette de grand-mère plutôt qu’espérer la visite du docteur. Parce qu’entre Hagetmau et Samadet, des docteurs, il y en a moins que des fleurs d’arum…

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 Classée zone d’intervention prioritaire par l’Agence régionale de santé (ARS), ce cœur des Landes est considéré comme un véritable désert médical. Les derniers médecins de famille ont vécu, sacoche en bandoulière, sillonnant les routes d’une maison à l’autre, de jour comme de nuit. Yves, la soixantaine, assis dans la salle d’attente de la maison de santé de Samadet s’en souvient : « Il est à l’Ehpad notre vieux docteur, le pauvre, on allait frapper à sa porte n’importe quand. Dimanche compris. Je ne sais pas si c’était mieux, sûrement pas pour lui. On appelait moins le toubib : on attendait que ça passe. » 

Pas d’abattage 

Nombre de Landais ont attendu que ça passe. Et ce, pendant des années. Il fallait alors une semaine pour obtenir un rendez-vous avec un médecin généraliste et ce jusqu’à l’installation, en 2012, de la maison de santé à Samadet. Créée sous l’impulsion du docteur Catherine Tauzin, elle compte désormais une dizaine de soignants, médecins généralistes et paramédicaux, et prévoit une extension à la fin de l’année. La providentielle maison de santé est plantée au milieu du village, pas loin de l’église, à un jet de pierre des arènes couvertes, entre la pharmacie et la station-service. Le docteur Marco Romero est l’un des premiers médecins recruté par le docteur Tauzin en 2012, il avait 29 ans. 

« J’avais envie d’être médecin de campagne, mais sans me résoudre à tirer un trait sur une vie sociale et familiale, se souvient-il. Lors d’un remplacement à Samadet, le projet de cette maison de santé m’a séduit. Un médecin de ma promo nous a rejoints, le docteur Brice Aimé. Nous étions donc trois généralistes, jamais le coin n’en avait vu autant. Notre idée ? Partager tous les patients et nos honoraires. Et la qualité du travail, pas d’abattage, prendre le temps, jamais plus de 25 consultations par jour, la pluriprofessionnalité. » Et aussi, des weekends, des jours fériés, des horaires compatibles avec une vie de famille possible. « On discute des cas complexes, on déjeune ensemble tous les midis. Solidaires, en cas d’urgence, un arrêt cardiaque par exemple, on est tous formés à l’utilisation d’un défibrillateur, et on n’est jamais seuls, on part à plusieurs. » 

Sous densité médicale 

Dans la salle d’attente, une poignée de patients masqués papotent. Renouvellement d’ordonnance, consultation de routine, virose saisonnière, test Covid. Béatrice tient sa carte Vitale à la main : « Le jour et la nuit, admet-elle. Pendant des années, nous étions sans docteur, il fallait se rendre dans les villages voisins pour en trouver un, quelle angoisse ! Voyez, là, j’ai appelé hier et j’ai eu un rendez-vous aujourd’hui. Depuis deux ans, on peut avoir de l’attente, mais avec les jeunes internes il y a toujours quelqu’un pour nous recevoir, même le dimanche. » Les docteurs Aimé et Romero sont tous deux « maîtres de stage » et donc, ils forment des internes en fin de cursus universitaire, lesquels assurent six mois de présence à leurs côtés. Un appel d’air considérable. 

Audrey Meyrignac vient justement d’arriver, en quelques jours elle a découvert « le projet de Samadet ». « De la vraie médecine généraliste, hypervariée. Une prise en charge globalisée des patients, y compris sur l’aspect psychologique, témoigne-t-elle. On travaille en équipe, on a des jours de repos dans la semaine. C’est la médecine que j’ai envie d’exercer : de la pédiatrie, de la gériatrie, de l’infectiologie, de la psychologie, de la psychiatrie et même de la petite chirurgie. Cette semaine, on a reçu en urgence une fillette qui s’était mis un caillou dans le nez, une dame en suspicion de phlébite, du suivi d’addiction… » Pour autant, le docteur Romero tempère, le secteur reste en tension, 53 % des Landes sont encore en sous-densité médicale : « Les aides de l’ARS ne suffisent pas à attirer les jeunes médecins en milieu rural. Contraindre est une mauvaise idée qui dévalorise la spécialité. Il faut faire rêver, donner envie. »

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2022 05 09 SO Les secteurs classés prioritaires sont une réponse au manque de généralistes

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