Sud-Ouest du 30 mars 2022

2022 03 30 SO Reportage en Ehpad

 

Sud-Ouest du 30 mars 2022 

Quand trois inspectrices font un contrôle surprise dans un Ehpad 

Depuis le scandale Orpea, certains départements ont renforcé leurs dispositifs de contrôle des Ehpad. Reportage en Gironde lors d’une visite inopinée dans une maison de retraite privée

2022 03 30 ehpadC’est l’heure du goûter loto à l’Ehpad du Bourg de Martignas en Gironde, les enquêtrices de la Gironde observent, notent. I. C./ «SUD OUEST » 

Elles tiennent dans leurs mains, stylos, dossier de prises de notes, fiches d’évaluation. Toutes les trois sont des agents territoriaux rattachées au département de la Gironde, médecin-gériatre, administrative en charge du suivi des établissements de santé, et la directrice autonomie. La Gironde a choisi de renforcer son dispositif de contrôles des Ehpad, suite aux dérives observées chez Orpea. Ce lundi après-midi, c’est au tour de l’Ehpad du Bourg de Martignas-sur-Jalle, de subir un « contrôle-flash ». « Il existe deux sortes d’inspection, commente la directrice autonomie : certaines sont directement liées à un signalement, celle que nous faisons aujourd’hui ne fait suite à aucune alerte, il s’agit d’un contrôle inopiné d’un Ehpad privé lucratif. »

2022 03 30 ehpad2

Pris au hasard sur la liste, donc. « Les contrôles-flash sont pratiqués dans l’unique but de lever un doute, ils ne durent que quelques heures et la direction de l’Ehpad n’est pas avertie de notre venue, nous en organiserons une cinquantaine par an, au hasard. » À l’entrée de l’Ehpad, personne ne tique et le directeur, Mathieu Solleau se présente souriant, masquant une légère inquiétude. L’agent départemental médecin-gériatre part consulter le projet d’accompagnement personnalisé, le planning des aides-soignantes, l’organisation des rythmes de vie des résidents avec l’équipe soignante, dans le secret médical d’une pièce fermée. Pendant ce temps, blocnotes en main les inspectrices mènent l’enquête. 

On ouvre toutes les portes 

Rien n’est secret, ni planqué, ni camouflé. Mathieu Solleau tient son trousseau de clés, c’est la première fois qu’il subit une inspection. « Je travaille en transparence, mais cet établissement est en cours de mutation, tout n’est pas terminé, donc… » Donc, il serre un peu les dents. 

Dans un couloir, l’équipe croise Anne-Sophie Demagny, ergothérapeute. Quand intervient-elle, comment ? Les questions sont directes, sans chichi. On entend dans les couloirs l’écho d’un jeu de loto, des numéros annoncés, un cri joyeux « quine ! » « Désolé, fait le directeur, le loto ils adorent ça. » « Toctoc », ici la chambre de Gabrielle, seule devant sa fenêtre. « Toctoc », celle de Paulina et Domingo, en couple depuis 66 ans. Les inspectrices se présentent, discutent : « Comment vous sentez-vous ici ? » Nous voilà face à une porte fermée à clés, un local à stockage. « Ouvrez ! » 

Le directeur explique, les cartons, ce qu’ils contiennent, combien de fois les produits sont renouvelés, le nom du prestataire, des serviettes, des protections hygiéniques. L’inspectrice, compte les paquets, questionne : « Pour combien de résidents ? Quels stocks ? » À côté, le placard à balais : « Ouvrez ! » Nickel, tous les outils de nettoyage sont au garde-à-vous, impeccablement propres. Corinne la lingère est longuement interrogée. « La lingerie est un lieu stratégique, note la directrice autonomie de la Gironde. Les flux de linge sale et de linge propre doivent être distincts, pour éviter les contaminations. Une mesure sanitaire basique, pas forcément respectée partout. » 

Ce n’est pas connaître Corinne : « Elle obtient chaque année 19,5/20 lors de nos enquêtes de satisfaction notées par les familles », précise Mathieu Solleau. 

Des menus « cousus main » 

Retour avec les joueurs de loto dans la grande salle ensoleillée ouverte sur le jardin. Monique Becavin est à côté de sa mère, résidente en unité protégée depuis deux ans. Elle est la représentante des familles au conseil de vie sociale. Du pain béni pour les enquêtrices : « Quand quelque chose ne va pas ici, on nous écoute, déclare-t-elle tout de go. En ce moment, les résidents sont plus marqués par la guerre en Ukraine que par le scandale Orpea… » 

On monte un étage, on en descend un, et nous voilà aux cuisines où le chef Jean-Philippe Guaglio prépare le repas du soir : « Faire plaisir, c’est mon truc, dit-il. Ils aiment les frites, les œufs mimosa, les rôtis de bœuf. Après il faut juste être vigilant sur les textures, les menus sont cousus main, avec une diététicienne. » 

Le contrôle-flash s’achève autour de 20 heures, lorsque tous les résidents sont couchés. Les registres ont été lus, étudiés, commentés, l’équipe dans son intégralité questionnée. « Les points forts se situent dans les conditions d’accueil, les locaux, les repas, les animations et la cohésion d’équipe centrée sur la qualité de la prise en charge, conclut la directrice autonomie. Reste à améliorer l’organisation de la présence du personnel au moment du coucher, la formation sur la prise en charge. Ces points sont reconnus par la direction, qui déjà travaille dessus. »

2022 03 30 SO Il fallait aller chercher des sous dans la poche des patients

2022 03 30 SO Il fallait aller chercher des sous dans la poche des patients2

2022 03 30 SO Il fallait aller chercher des sous dans la poche des patients3

2022 03 30 SO Des spécialistes et des moyens pour un meilleur suivi

2022 03 30 SO Des spécialistes et des moyens pour un meilleur suivi2

2022 03 30 SO Des spécialistes et des moyens pour un meilleur suivi3