Sud-Ouest du 8 novembre 2021

2021 11 08 SO Manque de soignants Malaise à l'hôpital

Sud-Ouest du 8 novembre 2021 

Quel remède pour la crise hospitalière en panne de soignants ? 

L’enquête assurant que 20 % des lits dans les hôpitaux publics seraient fermés faute de soignants est un pavé dans la mare. Le point sur cette situation dans la région

2021 11 08 tensionAu CHU de Bordeaux, infirmiers et aides-soignants viennent à manquer. THIERRY DAVID/« SUD OUEST »

Vingt lits ont fermé la semaine dernière à l’hôpital Saint-André du CHU de Bordeaux. Motif : cluster Covid. Tout un service a été touché, 16 soignants et neuf patients en unité de médecine interne. Branle-bas de combat, il a fallu boucler l’unité, en interdire l’accès et placer en quarantaine les soignants chez eux, les patients dans d’autres chambres isolées. 

Tandis qu’une opération de testing généralisé se mettait en place, le virus Covid incriminé était envoyé au séquençage pour en connaître l’origine. « Étant donné son incroyable contagiosité, il y a fort à penser qu’il s’agit d’un variant de type Delta, a prétendu le directeur de Saint-André, Nicolas Tachon. Le cluster a été circonscrit, en attestent les résultats des derniers tests, mais la prudence s’impose. » Et le casse-tête commence. Trouver des lits pour compenser ceux qui ont fermé, dans un contexte global hospitalier en crise. 

« Les agents sont épuisés » 

En effet, dans son dernier avis d’octobre, le Conseil scientifique Covid-19, présidé par le professeur Jean-François Delfraissy, évoquait une situation à l’hôpital public plus que tendue. Suite à une enquête flash, réalisée par le président auprès de tous les CHU et centres hospitaliers régionaux, il y dénonce qu’un manque de soignants a généré la fermeture de 20 % des lits dans les hôpitaux. 

Pourtant, ce constat destiné à souligner la nécessité de maintenir une politique de vigilance a mis le feu aux poudres. À Bordeaux, la fermeture des 20 lits de Saint-André a déclenché au sein du CHU une nouvelle vague de stress, à laquelle les syndicats ne pouvaient que réagir. Ainsi, FO a envoyé à la direction sa énième motion en un seul mois. 

« Les agents sont épuisés, l’hôpital n’arrive plus à fixer le personnel soignant. Mais en plus de la fermeture des lits, qui n’est que la conséquence de la désaffection des soignants, plus personne ne veut travailler la nuit. Donc la direction impose des tours de garde, et ça creuse encore plus la désaffection, c’est une hécatombe », déplore Pascal Gaubert, secrétaire de FO. 

Souffrance qui existait déjà 

Manque de ressources humaines, accuse l’autre syndicat, Sud Santé, qui signale 9 % d’absentéisme aujourd’hui : « Sur 14 000 personnes, ça fait du monde en arrêt maladie, remarque Gilbert Mouden. Le Covid a mis au jour la souffrance des soignants qui existait avant. » Les agents multiplient les arrêts maladie, d’autres se mettent en disponibilité pour changer de vie, beaucoup claquent la porte de l’hôpital public pour s’installer en libéral, planter des légumes, prendre soin d’eux.

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Aujourd’hui, les infirmiers et aides-soignants manquent à l’appel. Ceux qui restent sont condamnés à compenser au détriment de leur vie privée. L’hôpital n’a qu’une réponse : la fermeture des lits. Un sur cinq, selon l’état des lieux de Delfraissy. « Pour fidéliser les soignants, il faudrait valoriser les postes, sachant que ça coince particulièrement la nuit. L’indemnité de nuit n’a pas bougé depuis vingt ans, 1,07 €/heure. La cinquième vague du Covid risque d’être plus grave que les précédentes, parce que l’hôpital ne répondra plus », constate Gilbert Mouden. 

« On a du mal à recruter » 

Les urgences pédiatriques du CHU de Bordeaux sont en surchauffe, n’arrivent plus à contenir la poussée de fièvre de l’épidémie de bronchiolite. Idem aux urgences adultes qui accusent 250 passages par jour au lieu de 210. Les brancards, les boxes de consultation, les lits, les salles d’attente sont bondées et les patients sont « triés » en fonction de leur état d’urgence. Cet état des lieux, Yann Bubien, directeur de l’établissement, ne le conteste pas. Il travaille dessus. « Impossible de nier la vérité, admet-il. Même constat partout en France. On a du mal à recruter et à fidéliser. Au CHU, la fermeture de lits tourne plutôt autour de 10 %. Ce qui est beaucoup trop. » 

L’attractivité est le mot magique pour sauver l’hôpital public. La campagne annuelle de recrutement des paramédicaux du mois de septembre a fait chou blanc. Encore un mauvais signal. « Nous avons des postes vacants à l’issue de cette campagne, ce qui n’est jamais arrivé, remarque Yann Bubien. Il faut agir vite. Nous lançons un plan de recrutement attractif lors du salon Santexpo, qui se tient cette semaine à Paris (du 8 au 10 novembre, NDLR), où le CHU aura un stand. Et nos propositions seront alléchantes : finies les périodes de stagiairisation pour les infirmiers, qui désormais seront engagés directement en CDI. Nous offrons une prime aux étudiants infirmiers pour les engager à travailler en CHU. Des facilités pour les places en crèche, les logements. Quant aux infirmiers de nuit, le taux horaire sera revalorisé. »

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