Champ captant
Sud-Ouest du 29 octobre 2021
Sud-Ouest du 29 octobre 2021
Projet de forage dans le Médoc : La Métropole veut éviter une guerre de l’eau
La concertation sur un projet de forage d’eau potable dans le Médoc vient d’être lancée. Les sylviculteurs craignent pour l’état de la forêt
Le projet prévoit 14 forages sur les communes du Temple et de Saumos, à l’ouest de Bordeaux. MARYSE MANO
C’est avec un mélange de mea culpa et de détermination forte qu’Alain Anziani, président de Bordeaux Métropole, a lancé hier la concertation publique sur le projet de champ captant d’eau potable dans le Sud Médoc, sur les communes du Temple et de Saumos. « Peut-être qu’on s’y est mal pris au début, la Métropole est arrivée avec beaucoup de certitudes. Il faut plus de concertation et de dialogue », a-t-il admis, tout en réaffirmant l’ardente nécessité de mener ce projet à son terme. Il sait la question sensible.
905 000 habitants
De quoi s’agit-il ? En Gironde, l’eau potable est puisée dans des nappes profondes, essentiellement celle dite de l’éocène. Or, cette nappe d’excellente qualité est aujourd’hui surexploitée, dans un département qui accueille 20 000 nouveaux habitants chaque année. Pour ne pas épuiser l’éocène, Bordeaux Métropole veut puiser de l’eau dans une autre nappe, dite de l’oligocène.
Cette nappe fournit une eau de très bonne qualité et elle se recharge plus rapidement que l’éocène. Les forages prévus seraient réalisés sur les communes de Saumos et du Temple, à l’ouest de Bordeaux. Ils devraient fournir une ressource de substitution pour 10 millions de m3 par an, sur une consommation totale de 320 millions de m3 par an en Gironde. Une canalisation enterrée de 30 km acheminerait cette eau jusqu’à Bordeaux, mais alimenterait aussi d’autres syndicats des eaux : Portes de l’Entre-deux-Mers, Carbon-Blanc, région de Bonnetan, Saucats, Léognan et Cadaujac, Médoc Estuaire, région de La Brède, sans oublier le campus de Bordeaux. Soit un peu plus de 905 000 habitants, près des deux tiers de la population de la Gironde. « Ce n’est pas de l’eau que pour la Métropole », insiste Alain Anziani.
La préfète soutient le projet
« La surexploitation de la nappe éocène comporte un risque, déclare la préfète Fabienne Buccio : la perte d’une ressource serait dommageable pour tout le département. » Même si l’agglomération de Bordeaux ne doit prélever que 60 % de cette nouvelle ressource, la Métropole est vue comme une prédatrice. Notamment par les sylviculteurs, qui craignent que les nouveaux forages n’entraînent un abaissement du niveau des eaux de surface fatal aux pins. Il est vrai que les premières études évoquaient un abaissement de plus d’un mètre…
Mais selon Guillaume Choisy, directeur de l’Agence de l’eau Adour Garonne, de nouvelles études font état d’abaissements bien moindres des nappes de surface, de l’ordre de 5 cm. « Il n’y aura aucune difficulté pour la sylviculture, ni de ralentissement de la croissance des pins », affirme-t-il. La préfète annonce la création d’un comité de suivi dédié à l’impact des forages sur la sylviculture.
Jusqu’au 8 décembre
La concertation présentée hier (elle est ouverte en réalité depuis le 26 octobre et jusqu’au 8 décembre) est placée sous l’égide de la Commission nationale du débat public (CNDP). Cette instance administrative indépendante a désigné deux garantes du débat public, qui vont suivre la concertation de bout en bout. « La CNDP défend le droit du public à participer à une décision, chaque citoyen peut peser. Nous allons veiller à ce que l’information sur le projet soit accessible à tous, compréhensible, pédagogique. Nous regardons aussi la qualité du dispositif participatif, que toutes les questions puissent être posées. C’est nous qui rédigerons le bilan de la concertation », explique Marianne Azario, l’une des deux garantes.
Concertés ou non, les sylviculteurs maintiennent leur opposition. « Les études ne sont pas claires sur la baisse du niveau des nappes de surface. On sacrifie la forêt pour les besoins d’eau potable. Si la forêt crève, on fait quoi ? », demande le sylviculteur Michel Robert. La première réunion publique doit se dérouler le 9 novembre à Lacanau.
« La plus pertinente »
Selon la préfète Fabienne Buccio, si la concertation débouche sur un refus du projet, « il faudra trouver un projet alternatif ». De son point de vue, la pression exercée sur la nappe éocène rend de toute façon impérative la recherche d’une solution de substitution. Celle défendue par la Métropole lui semble « la plus pertinente ».