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14 août 2021

Incendies en Grèce

Marianne du 13 août 2021 

Incendies : la situation en Grèce est aussi le résultat d'une décennie d'austérité

2021 08 13 Marianne

Confrontée depuis deux semaines à de gigantesques incendies qui ont déjà ravagé plus de 100 000 hectares, la Grèce fait face à « plus grande catastrophe écologique depuis des décennies » selon son Premier ministre. Derrière le saccage écologique, la Grèce paye aussi des années d'austérité et de privatisations qui ont handicapé sa capacité à répondre à la situation.

« La plus grande catastrophe écologique depuis des décennies » : c'est ainsi que le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis a qualifié les incendies qui ravagent la Grèce depuis le début du mois. Pendant une conférence de presse de deux heures, ce jeudi 12 août, il a répété cette formule à plusieurs reprises, comme pour désamorcer les critiques qui se font de plus en plus entendre dans le pays. Signe que l'heure est grave, le gouvernement monte au front médiatique pour marteler ses éléments de langage. Ainsi, Kyriakos Mitsotakis a pris deux fois la parole en quatre jours, et le vice-ministre de la Protection civile, Nikos Hardalias, a accordé une longue conférence de presse pour répondre aux questions sur la gestion des incendies.

« Catastrophe écologique » est le terme adéquat. Cette série d'incendies s'est produite sur un terrain d'une extrême sécheresse, à l'heure où la Grèce subissait sa deuxième vague caniculaire de l'été. C'est d'abord l'arrière-pays de Patras, dans la péninsule du Péloponnèse, au sud du pays, qui a brûlé. Puis, pendant plusieurs jours, les forêts du Mont Parnès, à une trentaine de kilomètres d'Athènes, ont été la proie des flammes. Désormais, ce poumon vert de la capitale et de l'Attique, la région environnante, ressemble à un champ de ruines, où sont alignés les troncs d'arbres calcinés et où un tapis de cendres recouvre le sol. À l'heure où ces lignes sont écrites, le nord de l'île d'Eubée, à deux heures de route de la capitale, est toujours en feu. Dans le Péloponnèse, l'arrière-pays d'Olympie brûle encore et un incendie s'est déclenché dans la banlieue sud-ouest d'Athènes, près des raffineries. Près de 110 000 hectares de pinèdes, forêts et oliveraies ont d'ores et déjà brûlé en Grèce, selon le Système européen d'information sur les feux de forêts (EFFIS).

PRIVATISATION ET AUSTÉRITÉ

Comment un tel désastre a-t-il pu se produire ? Sur l'île d'Eubée, la deuxième plus grande du pays, une première réponse fuse. « Les pompiers sont arrivés trop tard, et pas assez nombreux », affirme Yannis Kanellopoulos, membre du conseil municipal du petit village de Prokopi, au nord de cette longue bande de terre étalée dans la mer Egée. Dans l'arrière-pays de Patras, le président du Conseil régional du département d'Aigion, Dinos Georgios s'indigne : « L'eau manquait, ce n'est pas normal ! » Il y voit une conséquence des privatisations mises en place dans le pays pendant les années d'austérité. DEI, la compagnie publique jusque dans les années 2010, a été vendue à des investisseurs privés. « DEI a pris la décision de couper l'électricité pour amortir les dégâts sur son réseau. Du coup, les réserves d'eau, qui sont commandées électriquement, ne pouvaient plus fonctionner », déplore Dinos Georgios.

L'austérité a également eu des conséquences sur les moyens dont disposent les pompiers professionnels comme bénévoles. Nikos Apostolou, chef des pompiers bénévoles d'Eubée, est aussi en colère. « Nous devons acheter nous-mêmes notre matériel, fournir nous-mêmes l'argent pour l'essence des véhicules… », explique-t-il. Quant à Dimitris Stathopoulos, à la tête de la fédération des pompiers professionnels, il reconnaît que ses troupes ont souffert d'une décennie de baisses des dépenses publiques. Sur les 36 avions bombardiers d'eau dont dispose la Grèce, neuf sont trop vieux et ne peuvent pas décoller quand la température dépasse les 38° !

Sur ce terrain de sécheresse, de canicule, et de manques de moyens, il ne manquait plus que des retards dans les décisions d'intervention. Zoe Konstantopoulou, ex-présidente du parlement grec et avocate de renom, souligne que « pendant sept jours, l'incendie a pu se propager alors qu'il n'y avait pas de vent ! Les interventions adéquates, aériennes notamment, n'ont pas eu lieu. Même les forces de pompiers terrestres n'étaient pas suffisantes ». Pour elle, « le seul plan était de sauver des vies – c'est nécessaire – mais ils ont abandonné les animaux, les forêts. Bref, la patrie ».

« NOUS SOMMES DES MORTS-VIVANTS »

Or, cet « abandon » risque de provoquer une véritable crise économique et sociale. Dans un pays où l'assurance habitation n'est pas obligatoire, plus de 1 300 maisons sont endommagées, dont 300 complètement détruites. Au moins 3 000 habitants auraient été évacués et nombre d'entre eux ne pourraient pas regagner leur domicile. Agriculteur sur l'île d'Eubée, Dimitris prend son café avec quelques collègues à Pili, un petit village côtier. Leur discussion est animée. Le sujet ? Les incendies. Dimitris explique : « Nous tirons l'essentiel de ces forêts qui fournissent la résine utilisée dans l'alimentation et par l'industrie pharmaceutique. Nous produisons également du miel de pin… Ces arbres ont disparu ! Nous sommes des morts-vivants »

À LIRE AUSSI : Grèce : la bétonnisation de l'Acropole d'Athènes cristallise les débats

À ses côtés, un autre agriculteur explique : « Des collègues ont perdu tout leur cheptel. Autour des villages brûlés, c'est un spectacle de désolation. » Zoe Konstantopoulou rappelle que l'île produisait plus de 60 % du miel de pin de Grèce et que le nombre d'animaux tués par les flammes est immense. « Dans le village de Limni, 12 000 bêtes ont péri, 5 000 ont été sauvées », précise-t-elle. Consciente des effets en chaîne, elle a décidé d'entamer une démarche pour « l'ouverture d'une enquête criminelle et d'une enquête pour défaillance des autorités ».

« EUBÉE, C'EST FINI ! »

Elle sait qu'un autre pilier de l'économie de l'île comme du pays va aussi être touché. Des hôtels et centres ont déjà été évacués. Les habitants craignent que l'envie de revenir à Eubée s'estompe pour quelques années. Or, en Grèce, le tourisme a un poids surdimensionné dans l'économie : il était d'environ 25 % du PIB en 2019. Certes, il s'est déjà effondré avec la pandémie de coronavirus. Mais il était au cœur du plan de relance du gouvernement.

Les perspectives ne sont donc guère réjouissantes, d'autant que l'économie est déjà mal en point avec une dette, publique et privée, qui a explosé notamment pendant les confinements. Le 10 août, le gouvernement grec s'est engagé à dépenser 500 millions d'euros, soit 0,3 % du PIB nominal, pour l'indemnisation, la restauration et la reconstruction.

Mais, comme le rappelle l'agence de notation Moody's dans une note sur la catastrophe en Grèce, les incendies de forêt dévastateurs de 2007, qui avaient dévasté 270 000 hectares, avaient déjà entraîné à l'époque près de 3 milliards d'euros de dommages, soit 1,3 % du PIB nominal. Où les populations qui ont tout perdu vont-elles pouvoir aller ? Quels métiers vont-elles pouvoir occuper ? « Il faut des années pour retrouver une si belle forêt », poursuit Dimitris. Pour lui, « l'enfer ne fait que commencer. Les prochains orages vont provoquer une autre catastrophe : des inondations. Eubée, c'est fini ! »

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