Sud-Ouest du 1er juillet 2021

2021 07 01 SO 50 degrés ici aussi ça pourrait arriver

Sud-Ouest du 1er juillet 2021 

La canicule meurtrière au Canada est possible en France 

L’ouest du Canada et le nord-ouest des États-Unis sont écrasés par une canicule qui pulvérise les records de température. Dans un climat qui se réchauffe, le même type de phénomène peut survenir en France

2021 07 01 50 degrésTout est bon pour se rafraîchir à Richmond, en Colombie Britannique, où une chaleur féroce malmène la population et les écosystèmes. DON MACKINNON/AFP 

Comme en France en août 2003, c’est sûrement en observant la courbe des décès que l’ouest du Canada et le nord-ouest des États-Unis prendront, d’ici quelques semaines, la mesure de la catastrophe météorologique qui s’abat sur eux depuis plusieurs jours. S’il s’agissait de la vitesse des vents, on parlerait d’ouragan. Là, c’est une tempête de chaleur qui dévaste des régions entières. Et qui met au supplice la population, la végétation et les animaux – on ne compte plus les vidéos postées sur lesquelles des ours prennent d’assaut des piscines privées. 

Les records de température tombent de part et d’autre de la frontière américano-canadienne. Jusqu’à l’invraisemblable cote de 49,6 °C enregistrée à Lytton, une modeste commune de Colombie-Britannique. Les spécialistes expliquent cette anomalie par un « dôme de chaleur », une bulle d’air chaud bloquée qui occupe tout l’espace, de la surface du sol aux hautes altitudes. Puissamment arrimée au Nord-Ouest du continent américain, elle écarte les perturbations et les vents à sa périphérie en leur faisant décrire une circulation semblable à la lettre grecque oméga. 

Plus fréquentes et intenses 

« Ce phénomène est bien documenté. Ce sont les valeurs de température complètement inédites qui lui donnent un caractère exceptionnel », relève Aurélien Ribes, qui travaille au CNRM, le Centre national de recherches météorologiques (Météo France/CNRS) à Toulouse. Inédites, mais pas illogiques selon le chercheur : « De nombreux résultats montrent que les vagues de chaleur sont sous influence du réchauffement climatique global. Chaque fraction de degré supplémentaire en accroît l’intensité et la fréquence. Il est trop tôt pour attribuer cette vague de chaleur à la tendance de fond, il y aura ce qu’on appelle une étude d’attribution pour le confirmer. Mais on peut déjà dire que ce qui se passe là-bas est conforme au tableau clinique du réchauffement. » 

À 50 degrés de latitude nord, Lytton est peu ou prou à la latitude de Lille. À Portland, dans l’État américain de l’Oregon, où il a fait 46,1 °C le 28 juin, on est à la latitude de Périgueux. Dès lors, pourrait-on subir un jour une telle déferlante caniculaire ? « La réponse est oui. Ce type de vague de chaleur par blocage atmosphérique correspond au schéma que nous avons connu en août 2003. Il survient de loin en loin en France, comme en Europe », répond Aurélien Ribes. Toutefois, il est impossible d’annoncer des pics de température proches de 50 °C à l’horizon des cinq ans, des dix ou même des vingt ans. Seule certitude : plus on continue à émettre des gaz à effet de serre, plus les risques augmentent. 

L’événement en cours l’illustre, les températures peuvent totalement sortir de la fourchette statistique. Au Canada et aux États-Unis, les records ne sont pas simplement battus de quelques dixièmes de degré, la norme dans un climat stable. Ils sont écrabouillés. De cuisants et récents souvenirs renvoient à une réalité similaire dans l’Hexagone. En juin 2019, un pic de chaleur aussi bref que féroce a balayé le record absolu de chaleur : 46 °C à Vérargues, dans l’Hérault, contre 44,1 °C à Conqueyrac, dans le Gard, en août 2003. Le différentiel était conséquent. 

Records battus en 2019 

« À l’époque, la station de Montpellier a battu son record de 5,5 °C. C’est ce genre d’écart que l’on enregistre ces jours-ci au Canada », note Aurélien Ribes. Directeur du CNRM, Samuel Morin confirme que « battre des records de température avec une telle marge, c’est possible en France. On ne peut pas exclure une vague de chaleur qui viendrait tangenter les 50 °C », souligne-t-il. 

En juin 2019, le pic des températures n’a pas été causé par un « dôme de chaleur » et une circulation en oméga similaire à celle qui prévaut au Canada. C’est cette situation, celle d’août 2003, qui est pourtant la plus préoccupante : la bulle d’air chaud est stable, elle dure et elle rend chaque journée (et chaque nuit) plus pénible que la précédente. Elle est d’autant plus meurtrière qu’elle fond sur des sociétés dépourvues de parades. Au Sud des États-Unis, accoutumé aux fortes chaleurs, la climatisation est partout. Pas à Seattle au Nord-ouest, ni dans les communes rurales du Canada. 

« Certaines localités endurent des températures qui sont plus de 20 °C au-dessus des moyennes de saison. C’est cet écart qui compte. Il détermine ce qu’un système socio-économique et un écosystème peuvent supporter. Des températures aussi extrêmes ont beaucoup plus d’impacts sanitaires au Canada que dans la péninsule arabique », conclut Samuel Morin.

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