Sud-Ouest du 17 mai 2021 

Fibromyalgie : soigner la douleur invisible 

La maladie touche d’abord les femmes. Longtemps considérée comme une pathologie « psychosomatique », la fibromyalgie est désormais reconnue et mieux accompagnée

2021 05 17 fibromyaliieSe mettre en mouvement méditatif est l’une des clés pour traiter la fibromyalgie. JEAN-CHRISTOPHE SOUNALET / “SUD OUEST" 

Il y a une vingtaine d’années, le professeur Gérard Ostermann prenait en charge ses premières patientes souffrant de « mal partout », une pathologie invisible et sans traitement : la fibromyalgie. Pourquoi lui, à Bordeaux ? « Parce que j’ai été assez vite considéré comme l’un des premiers soignants à m’intéresser à la douleur, après avoir écrit un livre, « Le médecin, le malade et la douleur », qui a bien marché en 2020. Avant d’être thérapeute, j’ai travaillé en réanimation cardiaque puis j’ai été spécialiste de médecine interne, après avoir suivi dix ans de psychanalyse et m’être intéressé aux nouvelles méthodes de thérapies, l’hypnose notamment. » 

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Le professeur Ostermann accompagne aujourd’hui une cohorte de patients, tous touchés par cette pathologie qu’il traite par ses techniques d’hypnose et d’autohypnose, d’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing) et de thérapie narrative. 

Souffrance invalidante 

« Mettre la souffrance en récit est désormais considéré comme une approche formidable, résume-t-il. Nous avons affaire à des patientes, des femmes pour la plupart, dont la souffrance a longtemps été niée. Aujourd’hui la science nous a confortés dans la réalité de cette pathologie. » 

Une vraie maladie donc, et non une pathologie inventée pour un quelconque dessein commercial. La fibromyalgie est diagnostiquée, après que d’autres suspicions de pathologies inflammatoires ou neurologiques ont été écartées, suite aux plaintes répétées des patients. Une douleur diffuse dans les membres, les organes que rien n’a l’air de calmer, une souffrance invalidante qui nuit à une vie normale. 

« En 1990, l’Organisation mondiale de la santé a reconnu cette pathologie, rappelle le professeur Ostermann, mais il faudra attendre encore dix ans, et une étude de l’Inserm pour qu’elle soit enfin répertoriée et confirmée. » 

Trois formes de douleur 

Douleurs nociplastiques. Tel est le terme qui définit les symptômes de la fibromyalgie. « Il existe trois formes de douleur, reprend le médecin : la douleur nociceptive, liée à un choc, un traumatisme, une brûlure, une fracture ; la douleur neuropathique, celle que l’on ressent avec un zona, une sciatique, une lésion d’un nerf et donc, la douleur nociplastique. Il n’y a pas de lésion, ni de choc, mais une douleur réelle, observée via une IRM fonctionnelle. » 

En gros, chez ces patients, le thermostat de la douleur dans le cerveau est déréglé. Ces malades souffrent d’une forme d’hypersensibilité. C’est dans la tête, mais pas psy. Et nombre de médecins se trouvent face à ces patients dans l’ombre d’un doute : a-t-il vraiment mal, autant mal qu’il le dit ? 

Apprendre à gérer les crises 

Le professeur Ostermann déplore l’absence de traitement à ce jour. Aujourd’hui, plus de 680 000 personnes en France sont atteintes de fibromyalgie. 

En revanche, il prône la pratique de nouvelles thérapies, comme l’autohypnose ou l’EMDR, ou la thérapie narrative qui permettent aux patients de trouver en eux-mêmes leurs ressources, pour aller mieux. « Évidemment, les antalgiques font partie de la vie des personnes souffrant de fibromyalgies, pourtant le premier traitement n’est pas le médicament, reprend le médecin, mais plutôt la remise en mouvement. Aujourd’hui, les thérapies visent à accompagner cette remise en mouvement, sans oublier que le fait de légitimer la souffrance marque une avancée pour chaque patient. Dans mon cabinet, on travaille sur la régulation des émotions, du stress afin d’aider à mieux gérer les crises. » 

Sur dix patients atteints de fibromyalgie, huit sont des femmes. Ce qui interroge sur la nature de cette pathologie mystérieuse, trop longtemps associée à la tristement célèbre « hystérie féminine ». « Les connaissances scientifiques nous apprennent qu’il peut y avoir une sensibilité d’ordre hormonal certes, qui fragiliserait davantage les femmes. Par ailleurs, les femmes expriment plus facilement leurs douleurs, consultent davantage. » 

Yoga, vélo, marche... 

Le yoga, le taï-chi, le chi-gong, le vélo, la marche constituent de bons appuis pour aider les patients à mieux gérer leurs douleurs. « Mouvement méditatif », préconise le professeur Ostermann qui ajoute : « La fibromyalgie est une pathologie spécifique, qui demande une prise en charge globale du patient, car elle ne peut être dissociée de la douleur physique et d’une souffrance morale. Une éducation thérapeutique et un soutien social complètent les thérapies pour aider le patient à mieux gérer ses symptômes et ainsi redevenir acteur de sa vie. » 

Des associations de malades existent qui permettent un échange de bonnes pratiques, d’expériences et de parcours de soins : fibromyalgie.sos et fibromyalgie-france.org