Covid-19
Sud-Ouest du 2 avril 2021
Sud-Ouest du 2 avril 2021
Une journée houleuse pour Castex
Ce jeudi, à l’Assemblée et au Sénat, les oppositions ont boycotté le vote des nouvelles mesures sanitaires. Ambiance
Jean Castex a rappelé les annonces faites par Emmanuel Macron mercredi 31 mars. THOMAS COEX / AFP
Rude journée, jeudi, pour Jean Castex et son gouvernement. Au lendemain de l’annonce par Emmanuel Macron d’un nouveau tour de vis pour endiguer la montée de l’épidémie, les députés et les sénateurs étaient appelés à voter ces dernières dispositions : extension des mesures de freinage à tout le pays, fermeture des écoles pour quatre semaines, interdiction de la consommation d’alcool sur la voie publique…
Or, l’exercice, débuté à l’Assemblée, a vu les oppositions de gauche et de droite faire feu de tout bois contre l’exécutif dénonçant, tour à tour, une « mascarade ». La palme de cette mise au pilori revenant, sans conteste, à Jean-Luc Mélenchon. Ajoutant le geste à la parole, le chef de file des Insoumis a rappelé qu’il restait un tribun hors pair, jamais à court de formules assassines : « Cette réunion est une honte pour le Parlement français, elle ne sert à rien, attaque-t-il. Nous ne sommes invités qu’à venir vous acclamer. Vous vous en passerez ! » Et de poursuivre : « Le monarque présidentiel, meilleur virologue de France paraît-il, et meilleur ami de la modestie, a tout décidé tout seul. Le président a tout annoncé à la télévision et vous venez nous le répéter. Nous ne pouvons rien amender, rien proposer. Le vote n’aura aucune conséquence. La responsabilité du gouvernement n’est pas engagée. »
« Mépris »
André Chassaigne, le président du groupe GDR, poursuivra dans la même veine : « Cette convocation au lendemain des annonces du président de la République est la marque du mépris le plus absolu du monarque pour le Parlement et à l’endroit du peuple. » À la tribune, il étrillera, lui aussi, les choix du gouvernement et du chef de l’État depuis un an : « Après l’épisode calamiteux des masques et celui non moins funeste des tests, l’échec de votre stratégie vaccinale est patent. Vous avez tout misé sur la vaccination, mais que dire des plus de 75 ans encore dans l’impossibilité de prendre rendez-vous, que dire des commandes de vaccins pas encore honorées… » Et d’ironiser : « L’acte de foi du Roi-Soleil n’a pas suffi à briser la courbe des contaminations. »
« Sur la bonne voie »
Damien Abad, le patron des Républicains, ne sera pas plus tendre : « Vous nous aviez promis de vacciner matin, midi et soir, mais en vérité, vous nous confinez printemps, automne et hiver. » Ajoutant, sur sa lancée : « Vous nous aviez promis d’endiguer la première vague mais en réalité vous ne faites que subir la deuxième et encaisser la troisième. Vous ne faites que gérer la pénurie de doses disponibles en reculant toujours plus cette campagne de vaccination de masse. » Marine Le Pen, la présidente du RN, dénoncera, elle, un « chaos sanitaire et économique ».
« Y a qu’à, faut qu’on »
Dans ce contexte, Christophe Castaner, le président du groupe macroniste, se chargera de la riposte, dénonçant les « commentateurs de la crise », « les héros d’opérette des plateaux télés » et les « fanatiques de la théorie du complot qui font croire que le Conseil de défense dirigerait la France dans le plus grand des secrets ». L’ancien ministre de l’Intérieur l’a rappelé : « Nous avons vacciné près de 8,5 millions de Français. En juin, près de la moitié de la population française sera vaccinée. À la fin de l’été, tous les adultes qui le souhaitent devraient avoir pu être vaccinés. Nous sommes en bonne voie. »
En conclusion, Jean Castex fustigera, lui, les « y a qu’à, faut qu’on » qui « n’apportent pas grand-chose… » Ambiance, donc. Mais ces nouvelles restrictions ont largement été adoptées par 348 voix pour et 9 contre, les groupes d’opposition ayant décidé de boycotter le vote.
« Autosatisfaction »
Toutefois, la journée était encore loin d’être finie pour Jean Castex. Dans l’après-midi, le Premier ministre a pris la direction du Palais du Luxembourg où la même scène s’est répétée. 90 % des sénateurs ont en effet choisi de ne pas prendre part à ce vote. Bruno Retailleau, le chef de file des LR, le parti majoritaire, dénonçant, à son tour, un pouvoir « concentré dans une seule main, celle d’Emmanuel Macron qui décide de tout ». Une critique partagée par les parlementaires socialistes, communistes et écologistes de la haute assemblée.
Ainsi, Patrick Kanner, le patron du groupe PS, a également épinglé le chef de l’État : « Il ne peut pas seul décider pour tout le monde dans le bunker du Conseil de défense, ce n’est plus possible. Cette forme d’autosatisfaction permanente, de captation du pouvoir par un seul homme est contraire au bon fonctionnement de notre démocratie. » Ce jeudi, Jean Castex a pleinement rempli son rôle de… paratonnerre.