Sud-Ouest du 23 février 2021
Sud-Ouest du 23 février 2021
Ce Covid, qui enflamme Nice, a régressé en Nouvelle-Aquitaine
Tandis que les Alpes-Maritimes reconfinent partiellement le week-end, les indicateurs épidémiques de la région Nouvelle-Aquitaine affichent une insolente baisse
Pique-nique au soleil sur la place Gambetta à Bordeaux, le 19 février. JEAN-MAURICE CHACUN / “SUD OUEST”
«Réjouissons-nous », applaudit Laurent Filleul, docteur en épidémiologie à Santé Publique France en Nouvelle-Aquitaine. « Les indicateurs de la région diminuent depuis deux semaines, on en a fini avec le plateau, et la descente est… massive. » Alors que les Alpes-Maritimes font face, depuis trop longtemps, à une explosion de l’épidémie de Covid, saturant le système hospitalier, les autorités, en accord avec le gouvernement, ont décidé lundi, non sans mal, à mettre en place de nouvelles mesures restrictives, venant s’ajouter aux précédentes.
Ainsi, les week-ends dans les Alpes-Maritimes seront confinés, sur le modèle du confinement sec du printemps dernier en France : déplacements interdits sauf dérogation (courses, rendez-vous chez le médecin, promenades limitées à une heure dans un rayon de 5 km autour du domicile…) du vendredi soir à 18 heures au lundi matin à 6 heures.
Avec des taux d’incidence à la hausse, l’Île-de-France, La Réunion, la Moselle et le Nord pourraient être les prochains sur la liste. Dans le même temps, l’annonce de Santé Publique France sur les chiffres en baisse pour la Nouvelle-Aquitaine apparaît presque arrogante. « Et presque inexplicable, convient l’épidémiologiste bordelais. Tous les indicateurs baissent : le taux d’incidence, le taux de positivité, le taux de reproduction qui est aujourd’hui à - 1, le niveau d’hospitalisation, toujours très haut, mais en légère décrue, l’activité aux urgences et chez SOS Médecins… Cette situation de décrue est repérée dans tous les départements, y compris les plus touchés, comme les Landes, la Dordogne, la Creuse et les Charentes qui ont vécu il y a quelques semaines une quasi-troisième vague. »
C’était les vacances
Christophe Adam, médecin généraliste à Bordeaux dans un groupement médical avec trois confrères, remarque également cette décrue. « Depuis quinze jours, c’est le calme plat. On a vu il y a trois semaines une famille touchée par le variant anglais, tout est rentré dans l’ordre rapidement. Aucun cas positif la semaine dernière par exemple. Avec mes confrères, notre consultation spécialisée Covid n’a pas de succès. Mais bon… c’était les vacances. » Jeudi 18 février, le ministre de la Santé, Olivier Véran a convié lors d’une conférence de presse Vittoria Colizza, directrice de recherche à l’Inserm, qui a noté l’impact des couvre-feux anticipés sur le recul de la souche historique du Covid, mais craignait un emballement au mois de mars en raison des variants.
La Nouvelle-Aquitaine, qui n’a pas échappé aux variants, a évité l’incendie annoncé. Pourquoi ? Laurent Filleul hoche la tête. « Tout le monde en France annonce ce taux de transmission très élevé des variants, alors que nos indicateurs diminuent. Comme explication, nous n’avons que des hypothèses, la principale étant que la population, tellement inquiète face à la perspective d’un nouveau confinement, aurait été encore plus prudente. Le soir après le couvre-feu, les rues sont vidées. L’Angleterre a fait a connu la flambée suite aux variants, mais n’a pas connu des restrictions aussi précoces et drastiques que la France. »
Semaines décisives
Malgré cet optimiste, l’épidémiologiste, tout comme Christophe Adam, le médecin généraliste, émettent quelques réserves. Le premier signale que le nombre dépistages a baissé pendant les vacances, le second, lui, remarque dans son agenda que les créneaux Covid de la semaine prochaine sont déjà… remplis. « Les personnes présentant des symptômes Covid reviennent, admet-il. Tous ne sont pas forcément positifs, mais on est à l’abri de rien. »
Tous deux s’accordent sur un point : les deux prochaines semaines seront décisives. Santé Publique France annonce depuis deux jours une reprise de l’épidémie au plan national. « En effet, dit Laurent Filleul. Et pourtant, force est de constater que la Nouvelle-Aquitaine a été globalement moins impactée que d’autres régions en France, depuis le début de la pandémie, sans qu’une explication ne se détache. La science devra l’étudier. Même si cette décrue est de courte durée, réjouissons-nous et ne lâchons rien sur les mesures de prévention. »
Sud-Ouest du 23 février 2021
Confinements localisés : comment le gouvernement a fini par céder
Pourquoi, après l’avoir longtemps refusé, le pouvoir s’est résolu aux confinements locaux
Jean Castex aurait-il oublié qu’il avait aussi été nommé pour renouer le lien avec les collectivités locales ? Leur faire confiance, décentraliser la décision, ou au minimum les associer ? Une première expérience menée en septembre avait tourné court. À la sortie de l’été, l’épidémie reprend de la vigueur dans une région jusque-là épargnée : les Bouches-du-Rhône. Le gouvernement décide alors de fermer plus tôt les bars et les restaurants. Tollé sur la Canebière et le Vieux Port, où l’on a tôt fait de dénoncer une décision de Parisiens et de voir une nouvelle preuve de la stigmatisation des Marseillais. Les élus, toutes tendances confondues, se plaignent de ne pas avoir été consultés. Ils déposent des recours – tout en espérant en privé qu’ils seront rejetés. Car ils connaissent la gravité de la situation, mais ne veulent pas se désolidariser de la population.
Le couvre-feu différencié
À la fin du second confinement, début décembre, Jean Castex ne cachait pas que cette expérience l’avait vacciné, si l’on ose dire… Pour le gouvernement, pas question de donner suite, en début d’année, aux réclamations de maires et du président Jean Castex aurait-il oublié qu’il avait aussi été nommé pour renouer le lien avec les collectivités locales ? Leur faire confiance, décentraliser la décision, ou au minimum les associer ? Une première expérience menée en septembre avait tourné court. À la sortie de l’été, l’épidémie reprend de la vigueur dans une région jusque-là épargnée : les Bouches-du-Rhône. Le gouvernement décide alors de fermer plus tôt les bars et les restaurants. Tollé sur la Canebière et le Vieux Port, où l’on a tôt fait de dénoncer une décision de Parisiens et de voir une nouvelle preuve de la stigmatisation des (LR) de la région Grand-Est, de reconfinements locaux. Pourtant, c’est à ce moment-là qu’il tente le couvre-feu différencié d’un département à l’autre. Le 2 janvier, 15 départements passent en couvre-feu dès 18 heures – ils seront 25 deux semaines plus tard – quand le reste de la France est toujours libre jusqu’à 20 heures. L’expérience ne durera guère : mi-janvier, tout le pays passe sous cloche à 18 heures. Trop de déplacements d’un département à l’autre pour que la mesure soit lisible et respectée.
Sur son bureau, Jean Castex a un tableau qui montre combien ce virus est capricieux. À Dunkerque et dans le Var, le taux du variant anglais était identique il y a deux semaines : 52 et 53 %. Mais le taux d’incidence est reparti à la hausse dans la ville du Nord et à la baisse dans le département du Sud. De quoi se convertir à l’idée de confinements locaux, comme dans les Alpes-Maritimes.