Sud-Ouest du 17 février 2021
Vaccin AstraZeneca : les généralistes sont-ils prêts ?
Coup d’envoi le 25 février de la vaccination AstraZeneca chez les médecins pour les patients âgés de 50 à 64 ans avec comorbidité. Les généralistes s’organisent
Les médecins doivent se porter volontaires avant mercredi soir et récupérer leur flacon contenant dix doses auprès de leur pharmacie de références. ILLUSTRATION AFP
Elle n’a pas encore commencé que la campagne de vaccination chez les généralistes, qui débutera le 25 février, fait l’objet de critiques. À partir de cette date, les personnes âgées de 50 à 64 ans avec comorbidité pourront recevoir une dose d’AstraZeneca directement auprès de leur médecin. La Haute Autorité de santé déconseille pour l’instant l’usage de ce vaccin pour les plus de 65 ans.
Des pharmaciens – agacés d’être pour l’heure tenus à l’écart de cette vaccination – redoutent déjà un « retard au démarrage » à cause d’une procédure imposée tardivement par le ministère de la Santé. La décision est tombée vendredi dans un message « DGSurgent » envoyé aux professionnels concernés et publié sur le site du ministère de la Santé. Trop tard, estime Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). « Comment voulez-vous que tout le monde connaisse le système d’ici mercredi ? » a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse.
30 % de réticents
Pour distribuer les 700 000 doses attendues cette semaine, il faudra enregistrer 70 000 médecins d’ici mercredi, 23 heures. Pour l’instant « on est très en dessous », note-t-il. « Si on n’arrive pas à les trouver, on risque de ne pas utiliser les doses », a-t-il souligné.
Les médecins pourront donc se rendre dès le début de la semaine prochaine chez leur pharmacien pour récupérer le précieux flacon (dix doses) qu’ils auront réservé à l’avance cette semaine. Selon la Société française de médecine générale, la grande majorité des généralistes seront volontaires et se tiennent prêts. « La vaccination a toujours fait partie de notre travail, souligne son président, Philippe Boisnault, qui estime que la part des médecins réticents à cette campagne vaccinale n’excédera pas 30 %.
Une mobilisation qui s’illustre au sein de la maison de santé de Saint-Caprais-deBordeaux, en Gironde, dont les cinq médecins vont se porter volontaires. « Nous sommes en train de réfléchir à la mise en place d’une organisation rigoureuse, explique le docteur David Santander. Plusieurs scénarios sont possibles : soit un système de demi-journée (avec dix patients à chaque fois), soit 50 patients en un seul week-end pour limiter les passages. Nous hésitons encore. »
Fragiles ou habiles ?
Une organisation qui vient alourdir le planning déjà lourd des généralistes. « La période est déjà très chargée pour eux. En temps normal, chacun réalise en moyenne 100 consultations par semaine. Lorsque plus de doses seront disponibles, cela va beaucoup accroître leur activité. Et il ne faut pas oublier que beaucoup n’ont pas de secrétaire, souligne Stanislas Niox-Chateau, cofondateur de Doctolib. La plate-forme de rendez-vous en ligne va mettre gratuitement à la disposition des 18 000 médecins utilisant déjà ses services un nouveau logiciel, Doctolib vaccination, censé fluidifier cette nouvelle étape.
« Les critères d’éligibilité seront vérifiés en amont grâce au logiciel, assure-t-il. Les deux rendez-vous seront automatiquement pris en même temps, et des SMS de rappel seront envoyés aux patients inscrits, sept jours avant l’injection et la veille. »
L’ombre du cafouillage actuel autour des inscriptions en ligne plane sur cette nouvelle campagne. Doctolib incite donc les médecins à cibler des patients de « manière proactive » lors des trois premières semaines. « L’idée, c’est d’aller chercher les personnes les plus fragiles avant que les plus habiles sur Internet ne prennent tous les rendez-vous », souligne Jonathan Favre, médecin généraliste du Comité médical de Doctolib.
Des précautions qui ne dissipent les craintes de Philippe Boisnault, par ailleurs médecin généraliste dans le Val d’Oise. « Doctolib doit rester dans son champ de compétence. Je ne comprends pas cette place qu’on lui donne d’organisateur de la santé publique ! » tempête le président de la Société française de médecine générale. « Il ne faut pas mettre tous les rendezvous en ligne ! C’est ce qui crée le désordre actuel. Ceux qui ont imaginé ce système ne connaissent pas la population française, estime-t-il. La prise de rendez-vous doit se faire auprès du médecin traitant, ou via les mairies. On peut gérer si cela ne concerne que notre patientèle. Personnellement, je sais m’organiser pour mes patients, que ce soit pour 10 doses ou pour 30. Que le gouvernement nous fournisse les vaccins, on s’occupe de l’organisation. Car la vraie problématique, c’est bien l’approvisionnement. »