Sud-Ouest du 17 février 2021 

Au CHU, les robots aident à opérer 

SANTÉ Ce n’est pas un robot qui opère, mais bien des chirurgiens. Au CHU de Bordeaux, l’ablation d’une tumeur du rein s’est faite avec assistance robotique

2021 02 17 CHUL’intervention, une néphrectomie partielle, va durer quatre heures environ. PHOTOS STÉPHANE LARTIGUE/« SUD OUEST » 

Le bloc opératoire a été lavé, désinfecté, débarrassé de tout intrus. L’équipe qui va pénétrer à l’intérieur de cette « boîte stérile », au troisième étage de l’hôpital Pellegrin du CHU de Bordeaux, est vêtue de bleu. 

La patiente est déjà endormie sur la table d’opération, disparue sous un lac de draps, également bleu. N’émerge de son corps qu’un carré de chair : le champ opératoire, son abdomen. Au-dessus d’elle, une forêt de bras robotisés, quatre au total, commence à s’éveiller. L’anesthésiste et l’infirmière surveillent les constantes de l’opérée, et leurs bips-bips réguliers. On dirait le gazouillis des oiseaux. 

Un véritable challenge 

Aux manettes, le professeur Jean-Christophe Bernhard, chirurgien urologue, et un autre chirurgien. Deux consoles : une pour le pilote et l’autre pour le copilote. Eux sont assis à quelques pas de la table d’opération, ils ne regardent pas le corps de la patiente, mais l’intérieur de son corps, projeté sur des écrans en trois dimensions, précisément zoomé sur le rein malade que l’un des bras du robot va pénétrer. 

La patiente souffre d’une tumeur située dans un de ses reins. Il va falloir ôter ce cancer, en restaurant le reste de l’organe. Un véritable challenge. Avant la robotisation, elle aurait été coupée en deux, ouverte sur la moitié du corps pour que les chirurgiens atteignent le rein manuellement. Et, sans doute, lui ôtent entièrement. 

Désormais, six minuscules entailles vont permettre à la caméra, aux micro-scalpels à tous les autres micro-instruments, de trouver le chemin vers son rein, pour le soigner. Ces outils formidablement adroits, minutieux et précis, sont télé-manipulés par les chirurgiens, qui les commandent à l’aide de pédales et de manettes. Exactement comme nos enfants manipulent leurs joysticks d’Xbox et autres jeux vidéo énervants. 

Découper, recoudre, protéger 

L’intervention, une néphrectomie partielle, va durer quatre heures environ. Doucement, comme on découpe une dentelle, le micro-scalpel guidé par le chirurgien taille la tumeur, en prenant garde de ne pas altérer le reste du rein en bon état. 

«On a gagné en précision et en vision, remarque le professeur Bernhard. L’outil est considéré comme une innovation majeure depuis une dizaine d’années. Les patients s’en trouvent mieux. Les interventions chirurgicales sont moins invasives, donc moins risquées, et on soigne ce qu’on ne soignait pas aussi bien.» Sauver le rein par exemple. Une fois réveillée, la patiente souffrira beaucoup moins, et son rein opéré aura déjà retrouvé sa fonction initiale. L’équipe chirurgicale, dans le bloc, considère l’outil avec bienveillance. 

La tumeur a été entièrement ôtée du rein, il faut maintenant cautériser la plaie, la pédale d’électrocoagulation fait son travail à distance, afin d’éviter tout saignement. Le professeur Bernhard remarque une petite incision dans la voie excrétrice urinaire, il va utiliser le porte-aiguille, le fil et, depuis sa console, va guider la couture du bras du robot. Impeccable. 

« Mon geste pour découper et coudre est exactement le même qu’en réel», signale le professeur. L’opération est terminée. Dans quelques jours, la patiente pourra quitter l’hôpital, debout. 

Cercle vertueux d’innovations 

Les bras robotisés enfermés dans des protections en plastique seront à nouveau aseptisés, avant de reprendre du collier pour l’intervention suivante. 

« Nous avons désormais des robots de dernière génération qui nous offrent, en plus, une modélisation de l’organe opéré en trois dimensions et en temps réel. Toujours mieux. La robotique est devenue pour nous un moyen d’innover sur d’autres champs : le parcours de soins est amélioré. Les patients se rétablissent plus vite, ils ont moins de douleurs postopératoires et moins de risques de complications.» 

Aucun patient ne rechigne face à la perspective de passer sur le billard, avec le robot. Au contraire. Le CHU propose désormais un parcours de récupération plus rapide appelé RAAC (Récupération améliorée après chirurgie) mais aussi des interventions en ambulatoire, rentré le matin, sorti le soir. Le professeur Bernhard qualifie ce mouvement de « cercle vertueux d’innovations : une innovation en entraînant d’autres… » 

À ce jour, 3 500 personnes ont été opérées au CHU de Bordeaux via l’assistance robotique. En 2020, 500 personnes ont pu en bénéficier, sans payer de dépassements d’honoraires. Service public oblige. 

« C’est le CHU qui supporte ce surcoût, soit 1 200 euros en plus par opération», précise le professeur Bernhard. Les nouveaux circuits de soin innovants, plus rapides, moins chers et laissant moins de séquelles, contrebalancent ce surcoût.

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