Sud-Ouest du 20 janvier 2021
Sud-Ouest du 20 janvier 2021
Les réponses à vos questions sur les vaccins
VACCINATION ANTI-COVID Avec la complicité du CHU de Bordeaux, « Sud Ouest » a lancé un forum de questions en fin de semaine dernière. Trois spécialistes répondent
Contre-indications, effets secondaires, allergies, efficacité... Les sujets abordés sont divers. PHOTOS STÉPHANE LARTIGUE
Qu’on le veuille ou non, le Covid, la vaccination, les virus mutants habitent notre cerveau qui rumine. Dans les files d’attente de la Poste, au Supermarché, quand on ouvre ses volets le matin, en ville ou en campagne. Le soir, parce qu’on sait que la nuit sera longue. Voilà pourquoi nous avons utilisé les nouveaux outils de communication numérique pour vous donner la possibilité de poser vos questions. Celles qui vous réveillent la nuit, vous turlupinent le jour.
Une centaine de personnes a saisi l’opportunité depuis vendredi dernier sur notre site sudouest.fr. Moyenne d’âge des questionneurs: 68 ans. Les professeurs Marie-Edith Lafon, Charles Cazanave et Mathieu Molimard ont répondu de façon collégiale aux questions les plus saillantes. Sur la centaine de questions posées, pas une émanant d’un antivax convaincu, sinon ce doute émis par Suzanne, 75 ans de La Teste (33)…
Suzanne, 75 ans, à LaTeste. Je suis sceptique, ce vaccin a été prêt en si peu de temps. Ne faudrait-il pas mieux attendre le vaccin français?
Le vaccin actuellement utilisé en France a pu voir le jour grâce à des révolutions technologiques majeures. Pour découvrir le virus du Sida, il a fallu six ans, et pour séquencer celui du Covid-19 (SARS-CoV-2), six jours ! La découverte du virus permet ensuite d’embrayer sur la fabrication d’un vaccin. Cela a été possible grâce aux progrès scientifiques (immunologiques et virologiques), à l’existence de technologies développées antérieurement (autres coronavirus, Zika ou Ebola…), une exceptionnelle mobilisation des équipes de recherche, une anticipation des industriels et des États pour un développement et une production à grande échelle, mais aussi grâce à une mobilisation de volontaires sains pour les essais cliniques. Toutes les phases des essais de développement ont été respectées pour ce vaccin. L’arrivée des vaccins français sera plus tardive (prise de retard des essais); le prochain vaccin européen disponible sera celui d’AstraZeneca.
Alain, 54 ans, Lormont. En Israël, 22% de la population est désormais vaccinée, pourtant la Covid revient en force. Comment expliquez-vous cela?
Le taux de vaccination doit être bien supérieur à 22 % pour empêcher la circulation d’un virus (on estime une couverture vaccinale d’au moins 60 % pour enrayer la circulation virale) et il faut plus d’un mois pour le vaccin ait sa pleine efficacité. Il est trop tôt pour pouvoir mesurer l’impact de la vaccination en Israël.
Nadine, 77 ans, Mimizan. Insuffisante respiratoire sous oxygène pour une BPCO (bronchite chronique obstructive), on me dit que je ne peux pas me faire vacciner car trop c’est dangereux, pourquoi?
La BPCO avec insuffisance respiratoire est une des pathologies identifiées par la HAS (Haute autorité de santé) comme à risque d’hospitalisation ou de décès en cas d’infection par la Covid. Le bénéfice de la vaccination est important et le risque est très inférieur à celui de la maladie. La BPCO sera considérée comme une indication prioritaire en phase 3.
Raymond, 60 ans, Marseille. Comment cela se fait que les Chinois sont vaccinés et que le virus repart à la hausse. Le vaccin est-il vraiment efficace?
Les vaccins utilisés en Chine (vaccins inactivés – comme celui de la grippe par exemple – et atténués) sont différents de ceux auxquels nous avons accès en Europe. Nous ne verrons probablement pas ces vaccins en France. Les vaccins à ARN messager (ARNm), dont nous disposons ici, permettent de diminuer fortement le nombre de formes sévères de la maladie (le passage en réanimation). Ils sont efficaces chez 95 % des personnes vaccinées, avec une efficacité pour au moins six mois, après les deux injections.
Patrick, 60 ans, Parentis. Va-t-on pouvoir se faire vacciner en pharmacie, comme le demande ma maire qui est aussi pharmacienne?
Le vaccin à ARNm actuel nécessite des conditions logistiques de production, de conditionnement multidose et de conservation (congélateurs à -70°C) qui justifient une utilisation dans des centres de vaccination dédiés et fléchés (exemple: quatre centres de vaccination au CHU de Bordeaux).
Les futurs vaccins, comme celui d’Astra-Zeneca, sont plus « classiques », avec un conditionnement unitaire et une simple conservation au réfrigérateur. Ils permettront ainsi d’étendre la vaccination chez les médecins et potentiellement les pharmaciens. Pour l’instant, ils n’ont pas obtenu les validations nécessaires pour être distribués. C’est une affaire de semaines.
Solis, 53 ans, Anthony, Ile-de-France. Pourquoi les personnes obèses, qui occupent plus de 43% des lits en réanimation et dont les risques de décès sont par conséquent extrêmement élevés, ne font-elles pas partie des personnes prioritaires à la vaccination?
L’obésité avec IMC (indice de masse corporelle) supérieur à 30 % a été identifiée par la HAS comme à risque d’hospitalisation ou de décès en cas d’infection par la Covid. D’après l’avis du 17novembre 2020, cette comorbidité fera l’objet d’une vaccination en phase 3.
Mickey, 73 ans, Saint-Nom-la-Bretèche, Île de France. Si je fais un test PCR une journée après la vaccination pour un voyage, est-ce que le résultat du reste sera positif?
La vaccination ne positive aucunement le test PCR, donc aucun risque pour votre voyage que nous vous souhaitons excellent!
Romano, 55 ans, Pau. Souffrant de la maladie de Charcot-Marie-Tooth, je suis devenu allergique à l’Augmentin (un antibiotique très fréquemment prescrit). Je voudrais savoir s’il y a un risque avec le vaccin et suis-je prioritaire pour la vaccination?
L’allergie à un antibiotique n’est pas une contre-indication au vaccin et ne constitue pas non plus une priorité. Les seules contre-indications sont une réaction anaphylactique (allergie sévère) à la première injection ou une réaction anaphylactique antérieure au polyéthylène glycol (PEG) et au polysorbate.
La maladie de Charcot-Marie-Tooth, selon l’importance de votre atteinte musculaire, pourrait constituer un critère de priorisation (dans la phase actuelle) et ceci doit être rediscuté avec votre médecin traitant ou votre neurologue qui pourra vous en faire, si nécessaire, la prescription.
Noëlle, 68 ans, Villenave-d’Ornon. J’ai 68 ans, je garde des enfants après l’école au domicile des parents. Je cumule plusieurs pathologies: dilatation des bronches acquise pendant l’enfance, insuffisance veineuse et depuis une importante prise de poids en 1996 : polyarthrite, légère insuffisance rénale, apnées du sommeil et prédiabète. Et diagnostiquées en 2018: paradontite et stéatose hépatique modérée. Je ne suis pas à haut risque, mais je crains le pire en cas de Covid-19. Puis-je me faire vacciner au plus vite? Quel serait selon vous le calendrier vaccinal idéal dans mon cas et la date idéale pour ma première injection?
Votre question est complexe et légitime. Après avoir relu attentivement votre cas et vos questions, vous n’avez pas de critère de priorisation, selon les recommandations actuelles…
En revanche, du fait de votre âge, vous serez bientôt éligible à la prochaine phase qui concernera les personnes de moins de 75 ans. Les dates ne sont pas encore connues, mais probablement avant le printemps.
Patrick, 65 ans, Saint-Ciers-sur-Gironde. Ce vaccin est-il vraiment sans effet secondaire?
Comme tout vaccin, il peut y avoir des effets secondaires. Ils sont en général bénins et très transitoires, dans les heures qui suivent l’injection (fatigue, maux de tête, douleurs au point d’injection).
Yveline, 49 ans, Lys, Hauts-de-France. Pour le moment, les maladies cardiovasculaires, pourtant considérées comme facteurs de risques importants face à la Covid, ne donnent pas accès au vaccin en priorité. Pourquoi? Sait-on quand les personnes concernées y auront accès (cas de mon époux)?
Comme pour la BPCO et l’obésité, l’hypertension artérielle compliquée est une des pathologies identifiées par la HAS comme à risque d’hospitalisation ou de décès en cas d’infection par la Covid. Elle sera considérée comme une indication prioritaire en phase 3.
Joël, 51 ans, Bayonne. Y a-t-il une période afin que le vaccin soit efficace après une injection? Quelques jours ? Comment agit-il exactement?
La réponse vaccinale apparaît environ douze jours après l’injection et sera variable suivant les personnes, peut-être moindre chez les plus âgées; d’où l’intérêt d’une seconde injection pour stimuler notre système immunitaire et augmenter la réponse vaccinale, un peu plus de vingt jours, après la première injection.
Louis, 70 ans, Mouthiers-sur-Boëme en Charente. Je suis traité par biothérapie (infliximab) toutes les six semaines en centre hospitalier pour une SPA. Dois-je me faire vacciner?
Cette question revient fréquemment. Il n’y pas de surrisque de forme grave chez les personnes sous cette biothérapie, du coup, elles ne figurent donc pas dans la liste des personnes prioritaires actuellement. De plus, le vaccin n’est pas contre-indiqué chez vous. Vous serez donc éligible à cette vaccination selon l’évolution du plan de vaccination, d’où la nécessité d’un dialogue étroit avec votre rhumatologue et votre médecin traitant.
Natanaële, 35 ans, Lanton. À quoi ça sert de se faire vacciner si le virus mute?
C’est comme pour les vaccins saisonniers contre la grippe : c’est la roulette russe. De plus si l’on doit toujours porter le masque, etc... ça n’a aucun sens ! Même si les vaccins actuels ne sont pas parfaits, combinés aux mesures de distanciation (port du masque et lavage fréquent des mains), ils vont diminuer nettement le nombre de personnes sévèrement infectées.
Ces personnes en réanimation font partie de celles qui permettent au virus de se multiplier très longtemps et très fortement. Or, si un virus se multiplie en grande quantité et de façon prolongée, il a plus de chances de muter; ceci est vrai pour tous les virus. Ainsi, moins il y aura de personnes gravement atteintes et hospitalisées, moins le virus mutera, et plus les vaccins seront efficaces. Souvenez-vous du pari de Pascal et transposez-le au vaccin : «Je ne suis pas sûr que le vaccin résolve tout, mais je préfère parier dessus, nous avons tout à y gagner (et rien à y perdre)!»
Gérard, 75 ans, La Teste. Le système de réservation est complètement bloqué à La Teste, via santé.fr ou via ARS Aquitaine. Impossible de trouver un rendez-vous. Ce lien passe par Keldco ou Doctolib. Pourquoi passer par une société qui n’a pas la puissance informatique pour accepter les demandes de vaccination?
Même si une indication vaccinale existe, les efforts étant actuellement concentrés sur les publics les plus fragiles (plus de 75 ans) et les plus exposés (soignants de première ligne fragiles), les délais dans les rendez-vous pour une première vaccination s’allongent logiquement.
Tous les efforts sont faits pour les réduire et pour pouvoir assurer une couverture vaccinale optimale (idéalement de 66%) dans le délai le plus court. De gros efforts logistiques sont actuellement réalisés pour respecter la chaîne du froid et l’arrivée d’autres types de vaccins (plus simples à conserver) permettra de simplifier l’accessibilité vaccinale. Tout le monde pourra accéder à la vaccination, mais pas tout de suite.
Sud-Ouest du 20 janvier 2021
« Maman, ça fait mal au nez»
ÉCOLE Après la découverte de cas à la cantine d’Ambès, un centre de dépistage éphémère inédit en Gironde a testé plus de 300 habitants en une journée, hier
Du côté des infirmières, il a fallu faire preuve de pédagogie pour tester les plus jeunes. PHOTO J.-M. CHACUN
Ambès, tout au bout de la presqu’île, sur la rive droite bordelaise. Il est 17 h 30 ce mardi 19janvier. Une vingtaine de personnes, dont de nombreux enfants, patientent à l’entrée de l’Espace des Deux Rives afin de se faire tester au Covid-19. Après la découverte, ce week-end, de plusieurs cas positifs parmi les écoliers et les agents qui fréquentent le restaurant scolaire, la salle de spectacle a été transformée en centre de dépistage pour deux jours.
«On a eu les derniers retours : ils (les cinq agents du restaurant) sont tous contaminés », indique Kevin Subrenat, le maire de la commune. Un maître-nageur, une enseignante, des Atsem (agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles) de la ville ont aussi été diagnostiqués positifs. «On attend pour plusieurs agents qui se sont fait tester. Ça s’appelle un petit cluster», poursuit le premier magistrat.
«Protéger les autres»
Face à la crainte de voir le nombre de cas exploser, les locaux se sont mobilisés pour cette opération inédite en Gironde. En milieu d’après-midi, 300 personnes s’étaient déjà fait tester depuis 8 h 30 le matin. «On était presque saturés ce matin, il y avait une queue de cinquante personnes. On a dû ouvrir cinq box, alors qu’au départ, on n’en avait que deux. Il y avait une attente», estime Kevin Subrenat, qui a dû s’organiser à la hâte avec l’Éducation nationale et l’Agence régionale de santé (ARS) pour lancer ce dépistage massif gratuit.
En cette fin de journée, l’ambiance est plus apaisée, malgré la sortie des classes prévue à 16 h 30. Papys, mamies et autres familles attendent dans le calme, appelés tour à tour par des agents de mairie mobilisés pour l’opération. Dans la file, les plus craintifs tiennent papa ou maman par le bras. «On lui a dit qu’on allait lui mettre un coton-tige dans le nez, elle ne s’imagine pas trop ce que c’est », glisse Amel en désignant la benjamine. Amel est venue se faire dépister, avec ses quatre enfants, afin de « protéger les autres » Ambésiens. « Je ne les ai pas mis à l’école, j’ai préféré les garder à la maison», complète-t-elle.
Négociations
Car, pour l’heure, dans l’attente des résultats des tests réalisés ces deux jours, l’école maternelle (90 élèves) et l’élémentaire (220) de la commune restent ouvertes ; le restaurant, lui, est fermé jusqu’à lundi.
Arrivée à Ambès pour la rentrée de janvier, Jennifer n’est «pas contente »: elle a appris la fermeture de l’établissement «lundi, en arrivant à l’école ». « Mes filles n’iront pas à l’école de la semaine, elles ne vont pas manger des sandwiches», maugrée cette maman, en attendant son tour pour se glisser derrière un des cinq box noirs de l’espace.
C’est à la petite famille d’y aller. Sur les genoux de Jennifer, Mya, 3ans. L’enfant, pas effrayée par l’accoutrement de l’infirmière, écoute sagement les instructions. À côté d’elle, Lola, qui vient de se montrer courageuse avant elle, la rassure. Sans broncher, en deux temps trois mouvements, les deux pitchounes ont été testées. «Si je n’en avais que des comme ça », glisse l’infirmière. «C’est difficile, mais on y arrive avec beaucoup de négociations », enchaîne sa consœur.
Pour d’autres gamins, ce n’est pas la même histoire. À l’entrée, des enfants et surtout des parents ne sont pas rassurés par les pleurs et les pieds qui tapent au sol. «Maman, ça fait mal au nez », se plaint cette enfant pleine de larmes au moment de quitter les lieux