JDD du 28 août 2020
Amazonie, Sibérie, Californie : cette année, les incendies ont été encore plus dévastateurs qu'en 2019
Il y a un an, les projecteurs étaient braqués sur les terribles incendies en forêt amazonienne et les chefs d'Etat du G7 proposaient une aide d'urgence. Cet été, ces feux gigantesques font moins les titres de l'actualité. Pourtant, du Brésil à la Sibérie, les feux de forêt ont été plus dévastateurs en 2020.
C'était il y a un an. Les images des hectares consumés par les flammes en Amazonie suscitaient une émotion mondiale. Le hashtag #PrayforAmazonia envahissait les réseaux sociaux. Les stars d'Hollywood, Leonardo Di Caprio en tête, se mobilisaient. "Notre maison brûle. Littéralement. L'Amazonie, le poumon de notre planète qui produit 20% de notre oxygène, est en feu", déclarait le président français, Emmanuel Macron, dans un tweet, en amont du G7 tenu à Biarritz. Le 27 août 2019, son homologue brésilien, le climato-sceptique Jair Bolsonaro, rejetait l'aide d'urgence de 20 milliards de dollars proposée par les membres du G7, avant de finalement l'accepter un jour plus tard.
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Durant l'été 2019, les projecteurs étaient braqués sur les incendies en Amazonie, mais aussi en Californie et dans les forêts boréales. Et en 2020? Eclipsés par la pandémie, les incendies n'en ont pas moins été ravageurs cette année. En Amazonie, la situation s'est même détériorée.
En Amazonie, le pire semestre de déforestation jamais enregistré
Jeudi, des militants de Greenpeace ont manifesté devant des lieux symboliques pour dénoncer "l'inaction" et le "silence" de la France concernant les incendies qui dévastent l'Amazonie. Lundi, une vingtaine d'ONG avaient déjà publié une tribune pour alerter sur la situation de cette forêt tropicale, plus grand réservoir de biodiversité au monde.
Au premier semestre 2020, la déforestation en Amazonie brésilienne a connu un record. Sur les six premiers mois de l'année, 3.069 kilomètres carrés de l'Amazonie brésilienne ont été rasés, selon les données de l'Institut national de recherche spatiale brésilien. C'est le pire chiffre jamais enregistré depuis que ces statistiques existent. Sur les 12 derniers mois, la déforestation a atteint 9.205 kilomètres carrés et a augmenté de 34,5%.
Les incendies ont aussi fortement augmenté. En juin, 2.248 foyers ont été enregistrés par l'INPE dans toute l'Amazonie (pas seulement brésilienne), en hausse de 20% par rapport au mois de juin 2019. La hausse a été plus spectaculaire en juillet avec 6.803 départs de feu recensés, soit +28% par rapport à juillet 2019. La journée du 30 juillet et ses 1.007 incendies constatés a été la pire journée pour un mois de juillet depuis 2005. La tendance s'est améliorée au mois d'août : 24.633 foyers ont été repérés au 26 août 2020 contre 26.794 au 26 août 2019.
D'autres incendies ravageurs en Amérique du Sud
Dans le même temps, plusieurs réservoirs de biodiversité situés en Amérique du Sud ont été frappés par les flammes. Comme le Pantanal brésilien, un des principaux sanctuaires de biodiversité au monde, à la frontière avec la Bolivie. En juillet, 1.700 foyers ont touché la zone, soit trois fois plus qu'en juillet 2019, selon l'INPE.
En Argentine, le delta du fleuve Parana, lui-aussi connu pour la richesse de sa faune et de sa flore, connaît des incendies sans précédent depuis le début de l'année. Entre janvier et juillet 2020, plus de 11.000 départs de feu ont été détéctés, selon le Musée des sciences naturelles Antonio Scasso.
Les plus grands incendies de l'histoire en Californie
Ces derniers jours, de gigantesques incendies ont ravagé la Californie. Selon le gouverneur de l'Etat, Gavin Newsrom, 485.000 hectares ont été ravagés par les 625 foyers d'incendie en cours mardi. Parmi eux, 17 sont considérés comme majeurs. Et deux d'entre eux – le "LNU Lightning Complex" et le "SCU Lightning Complex" – sont devenus les deux plus grands incendies de l'histoire de la Californie. Provoquées par la foudre et par des records de chaleur, ces flammes ont entraîné la mort d'au moins cinq personnes. Et ce n'est que le début. En effet, la saison des incendies dans la région s'étend en général d'août à novembre.
En Russie, les flammes auraient brûlé une superficie supérieure à la Grèce
En Russie, et plus particulièrement en Sibérie, la superficie totale brûlée par les feux de forêt depuis le début d'année atteint 21 millions d'hectares, selon Greenpeace, soit plus que la superficie de la Grèce.
En Sibérie, les feux ont commencé plus tôt que d'habitude. En juillet, les autorités ont indiqué être en train de lutter contre 197 incendies, représentant 43.000 hectares en flammes. La ville de Iakoutsk et ses 300.000 habitants ont été enveloppés par une fumée grise. Mais la politique du gouvernement russe consiste à ne pas combattre les feux de forêt situés dans des zones isolées des habitations. Au total, ce sont en fait 380.000 hectares qui étaient concernés par les incendies à cette même époque. Contrairement à l'Amazonie, il ne s'agit pas de foyers déclenchés pour des déboisements volontaires, mais de départs de feu entraînés par une vague de chaleur liée au réchauffement climatique.
Les feux en Arctique ont émis autant de CO2 en un mois que l'Algérie en un an
Les forêts sibériennes font partie de la forêt boréale, ou taïga, la plus grande forêt au monde. D'une superficie de 15.100.000 kilomètres carrés (contre 5.500.000 kilomètres carrés pour la forêt amazonienne), elle est la plus vaste continuité boisée de la planète et s'étend de l'Alaska au Japon en passant par le Canada, la Scandinavie et surtout la Sibérie.
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La taïga n'est pas épargnée par les feux et, de plus en plus, ces foyers se déclenchent dans le cercle polaire Arctique. Selon le programme européen Copernicus, qui surveille entre autres les feux de forêt en Arctique, les années 2019 et 2020 marquent une forte hausse de ces foyers. "L'évolution de l'activité des incendies dans l'Arctique cet été a jusqu'à présent été très similaire à ce que nous avons vu en 2019, les deux années présentant des feux de forêt extraordinairement intenses par rapport aux autres années pour lesquelles nous avons des données, depuis 2003", a indiqué le chercheur Mark Parrington dans un communiqué paru le 8 juillet.
Les conséquences en termes d'émissions de CO2 sont dramatiques. Toujours selon les données de Copernicus, les feux en Arctique en juillet ont entraîné le rejet de 145 mégatonnes de CO2 dans l'atmosphère, contre environ 85 mégatonnes en juillet 2019. A titre de comparaison, cela représente le total des émissions annuelles de l'Algérie (150 Mt de CO2 en 2016, selon la Banque mondiale).