Sud-Ouest du 30 juillet 2020
Sud-Ouest du 30 juillet 2020
Sur la côte sinistrée, c’est l’estocade
ESPAGNE ET COVID-19 Dans les localités balnéraires de la côte méditerranéenne, la saison semble terminée avant d’avoir vraiment commencé, après la quarantaine décrétée par Londres
À Majorque, où la situation épidémiologique est meilleure qu’au Royaume-Uni, on prend mal la décision britannique. PHOTO AFP
C’est la déprime sur la côte espagnole. Les touristes britanniques de juillet font leurs valises et personne ne sait si d’autres viendront les remplacer. L’annonce de la quarantaine imposée par Londres à tous ceux qui rentrent d’Espagne a brouillé les plans. À Benidorm, où 40% des visiteurs viennent d’Outre-manche, bon nombre d’hôtels s’apprêtent à baisser le rideau. Même la tour du très emblématique Grand Hôtel Bali va éteindre les lumières.
«L’été a démarré lentement, parce que les Anglais, qui constituent une bonne part de notre clientèle, avaient retardé leurs vacances du fait de la pandémie, encore très forte chez eux au début juillet, raconte Toni Mayor, le porte-parole des hôteliers de la ville. Tout avait l’air de marcher enfin et maintenant le veto de Londres change tout.»
Les alertes s’enchaînent
«Ici les Anglais ont leurs habitudes, ils vivent entre eux, maintenant tous les pubs vont fermer à nouveau », dit-il, avec l’espoir, encore, que ce ne soit que temporaire. «Nous verrons dans quinze jours », glisse-t-il avec optimisme.
Depuis l’avertissement, vendredi dernier, du Premier ministre français Jean Castex, recommandant «vivement» de ne pas se rendre en Catalogne, tout s’est enchainé. L’Allemagne, la Norvège, les Pays-Bas et la Belgique ont à leur tour appelé à éviter d’aller en Espagne face au rebond inquiétant des contagions dans le pays, tout particulièrement à Barcelone et à Lerida, ainsi qu’en Aragon ou à Madrid.
Et Londres a donné l’estocade, imposant quatorze jours d’isolement aux vacanciers à leur retour.
Le choc est rude en plein été. Dans les régions touristiques les plus épargnées par le virus, on s’accroche à l’idée de pouvoir encore sauver une saison gâchée. C’est le cas des îles Canaries ou des Baléares qui, grâce à leur insularité, ont réussi à se protéger face à la pandémie, ou encore de l’Andalousie, plutôt préservée.
« Se faire traiter comme des pestiférés par les Anglais, c’est un comble ! La situation épidémiologique sur nos îles est bien plus sûre que la leur», proteste Alfonso Rodriguez Badal, le maire de la localité touristique de Calvià, à Majorque, en pointant les chiffres : Il y a effectivement moins de contagion aux Baléares ou aux Canaries qu’au Royaume-Uni.
Lloret de Mar «covid safe»
Sur la côte méditerranéenne habituée au tumulte estival, le découragement gagne. Aux terrasses des cafés, les chaises s’empilent et les serveurs comptent les mouches. « Autant dire de suite que la saison est terminée », soupire la gérante d’un hôtel de Lloret de Mar.
Dans cette station populaire de la Costa Brava, non loin de la frontière française, la municipalité avait déployé un dispositif «covidsafe », avec un système de caméras intelligentes pour contrôler l’affluence sur les plages. Elle n’avait pas ménagé les efforts en formant tous les professionnels locaux en relation avec les touristes pour les inciter à créer un entourage sûr. Mais pour qui ?
Les localités du littoral espéraient encore attirer les Français qui aiment venir en voiture. Mais l’emballement du rythme des nouvelles contagions préoccupe ceux qui ont fait des réservations. «On nous appelle pour savoir si l’ambiance est sûre, mais si je dis que tout va bien, qui va me croire?» demande Norbert Bes, responsable de la promotion touristique de la circonscription de Girone, ajoutant: «Nous sommes démunis ».
On l’interroge sur la rumeur d’une fermeture prochaine de la frontière. Il sait que face à l’incertitude, les clients attendront le dernier moment pour se décider. Et que, dans le doute, ils préfèrent renoncer.