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16 avril 2020

Feu de forêt en Ukraine

Sud-Ouest du 15 avril 2020 

En Ukraine, la forêt de Tchernobyl brûle en pleine pandémie

2020 04 15 ukraineL'incendie, à 2 km du plus grand centre de stockage de déchets nucléaires de Tchernobyl © Crédit photo : VOLODYMYR SHUVAYEV AFP 

2020 04 17 incendie en ukraine

Depuis dix jours, l’Ukraine est ravagée par des incendies de forêt qui ont un temps menacé le site de Tchernobyl, mais révèlent surtout une future crise climatique 

Double peine pour les Ukrainiens, en quarantaine depuis le 11 mars pour cause de coronavirus : ils ont eu très chaud lundi soir lorsqu’un grand incendie hors de contrôle s’est approché de près des installations de la centrale accidentée de Tchernobyl. Durant quelques heures, l’angoisse est montée d’un cran. Mais mardi matin, des pluies providentielles ont réduit les multiples foyers d’incendies et écarté tout danger immédiat, faisant pousser un ouf de soulagement à la population qui voyait se rejoindre une crise sanitaire et un danger environnemental existentiel. 

Tchernobyl est un mot qui suscite de nombreux fantasmes et des peurs irrationnelles dans le monde entier. Mais ce qui s’est passé n’est pas un incident nucléaire, mais bien une manifestation du réchauffement climatique. Retour sur les faits : le 4 avril, aux abords de la zone d’exclusion de 30 km autour de Tchernobyl, un jeune homme de 27 ans met le feu à des herbes mortes. « Pour jouer », dira-t-il plus tard aux policiers. Le feu se propage très vite à la magnifique forêt de Polésie, une des plus grandes d’Europe, l’écrin naturel du site maudit de Tchernobyl. 

Le lendemain, 20 hectares brûlent. « Il y a de mauvaises nouvelles, la radioactivité au cœur de l’incendie est au-dessus de la normale », déclare Egor Firsov, directeur de l’Inspection écologique d’Ukraine, qui poste sur Facebook la photo d’un compteur Geiger qui bipe 16 fois au-dessus de la normale. Mais très vite, les autorités calment le jeu, pour ne pas inquiéter la population : Kiev et ses 4 millions d’habitants ne sont qu’à 80 km au sud de Tchernobyl. Jusqu’à 500 pompiers, 124 camions et une dizaine d’hélicos sont mobilisés. 

Le plus grand incendie qu’a connu Tchernobyl depuis 1986 

Lundi, le feu devient incontrôlable. « La forêt rouge (la zone forestière la plus radioactive, NDLR) est en train de brûler et les flammes s’approchent du site de la centrale », témoigne Mykhailo, un guide officiel de la zone d’exclusion, pour qui les autorités n’ont pas conscience du désastre en cours. Le sinistre s’approche à 2 km du plus grand centre de stockage de déchets nucléaires de Tchernobyl, certes protégé par une épaisse couche de béton. Les Kiéviens, déjà mis à mal par un confinement très strict, s’endorment après avoir vérifié que leurs fenêtres sont bien fermées. La pluie froide du matin dissipera les angoisses. 

Les dégâts sont terribles. C’est le plus grand incendie qu’a connu Tchernobyl depuis la catastrophe de 1986. Des villages abandonnés entiers ont été rasés. « Nous avons perdu un tiers de nos attractions touristiques », déplore Serhiy Myrnyi, directeur de Tchernobyl Tour, alors que la mini-série à succès « Tchernobyl », sur HBO, avait boosté le tourisme dans la zone : 124 000 touristes en 2019, une augmentation de 35%. Tchernobyl abritait un trésor naturel, les espèces animales, notamment lynx et loups, s’y épanouissaient sans la menace de l’homme. Des caméras ont fixé les mythiques chevaux sauvages de Przewalski fuir au galop. 

L’Institut français de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) dispose d’un capteur au-dessus de l’ambassade de France à Kiev, et de source diplomatique, le taux de radiation sur la capitale ukrainienne n’a pas bougé. Mais comment a-t-on pu en arriver là ? Parce que l’Ukraine vient de sortir pour la première fois d’un hiver sans neige, avec un printemps sans pluie. Selon Svitlana Krakovska, experte climatique pour les Nations unies, 2019 a été l’année la plus chaude depuis le début des mesures dans le pays, qui remonte à 1881. Cet hiver, la température moyenne a été 2,9 degrés plus élevée que la moyenne. 

Les plaines humides des forêts sont devenues des éponges sèches. Or, au printemps, les ruraux ukrainiens ont la mauvaise habitude de brûler les déchets végétaux de l’hiver. Depuis le début de l’année, 20 000 départs de feu ont été comptabilisés et 11 000 hectares détruits dans le pays, faisant de Kiev durant trois jours la capitale la plus polluée du monde, en raison des particules en suspension dans l’atmosphère. Le 4 avril au soir, dans le quartier fluvial de Podil, à Kiev, un homme sortait de la pharmacie, protégé du Covid-19 par un masque à gaz tel qu’on les trouvait en 1986 en Union soviétique. 

« Le césium-137 ne s’élimine pas aussi rapidement de la végétation autour de Tchernobyl, on estime qu’il faudra au moins 180 ans pour que le climat et les hommes l’effacent », estime l’historien Serhii Plokhy, spécialiste de Tchernobyl. Mais durant quelques heures, les Ukrainiens ont eu un avant-goût de ce qui se passerait, en cas de collision d’une catastrophe sanitaire, climatique et nucléaire. 

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