Sud-Ouest du 1er avril 2020
Des transferts en accéléré
BILAN Alors que la barre des 500 morts en 24 heures a été frôlée hier, les autorités systématisent le départ des malades vers les régions plus épargnées
Les chiffres égrenés par Jérôme Salomon sont déprimants, évidemment déprimants. Maigre consolation sur laquelle le directeur général de la Santé insiste soir après soir: ils ne sont pas surprenants. Alors que l’épidémie flambe, la France a tutoyé hier la barre des 500 morts en milieu hospitalier en l’espace de 24 heures.
L’aiguille de ce macabre compteur s’est immobilisée à 499, ce qui a fait bondir le total des décès (à l’hôpital) à 3 523 depuis la première victime recensée. C’était le 14 février, il y a un mois et demi en calendrier réel, il y a une éternité en calendrier ressenti. Il y a trois mois, autant dire la préhistoire, la Chine signalait pour la première fois à l’Organisation mondiale de la santé des cas étranges de pneumonies dans la région de Wuhan…
Astreint à un pénible décompte quotidien des victimes, Jérôme Salomon l’a répété hier soir devant les micros. «Nous évaluerons l’impact du confinement d’ici la fin de la semaine ». C’est dans les parages du week-end que la réduction drastique des mouvements des Français, décrétée le 16 mars, pourrait commencer à porter ses fruits. « Pourrait», car il faut avoir l’optimisme chevillé au corps quand on observe la situation en Italie où un timide mieux équivalait hier à 837décès supplémentaires…
Pour le moment, les 499 décès enregistrés hier par les autorités françaises signent hélas un nouveau record. Il y en avait eu 418 la veille, 292 dimanche.
Plus de 5 500 en réanimation
Le professeur Salomon ne manque jamais une occasion de le souligner: le chiffre le plus significatif pour évaluer la dynamique de l’épidémie est celui des nouvelles admissions en service de réanimation. Il y en a eu 458 hier, un nombre stable par rapport à la veille. Mais le total, mécaniquement, continue à grandir. Ils sont plus de 5 500 à occuper des lits de réanimation désormais parmi les (presque) 22 800 patients hospitalisés.
Pour donner une idée de cette « situation totalement inédite », pour reprendre les mots du directeur général de la Santé, il faut se souvenir que la capacité totale des services français de réanimation était évaluée à quelque 5 000 lits avant le début de la crise. Depuis lors, on a poussé les murs. Au vu des bilans, il le fallait. Et ce n’est qu’un début.
36 départs en Bretagne
Ces données globales illustrent mal les énormes difficultés rencontrées par les équipes soignantes en certains points du territoire. Même si la Nouvelle-Aquitaine déplorait hier six nouveaux décès et vingt entrées en réanimation (voir l’infographie cicontre), l’afflux des malades y reste gérable quand on le compare à la vague qui submerge une grande partie Nord-Est de l’hexagone: la région Grand Est, la plus meurtrie, les Hauts-de-France, l’Île de France et Bourgogne Franche-Comté.
L’inégale ampleur de l’épidémie à l’échelle du territoire national autorise des échappatoires. Depuis le premier transfert de cas graves opéré le 18 mars, les avions, les hélicoptères, les bateaux - depuis la Corse - et les TGV médicalisés sillonnent le pays pour décharger les régions les plus touchées d’une part de leur fardeau. 288 patients ont d’ores et déjà été envoyés dans les structures hospitalières de l’Ouest, du Sud-Ouest et du Sud. « Ce nombre est appelé à progresser», a insisté Jérôme Salomon.
Dès aujourd’hui, 36 malades quitteront les hôpitaux d’Ile-de-France pour être acheminés, en TGV, vers la Bretagne. D’autres transferts, aériens cette fois, ont émaillé la journée d’hier. Depuis le Grand Est vers les voisins compatissants que sont l’Allemagne, la Suisse et le Luxembourg. Le procédé fait maintenant figure de soupape quotidienne. Il n’a pourtant rien d’une évidence. Jamais, avant l’apparition du Covid19, on n’avait ainsi transféré en masse des patients soumis à de lourds protocoles de réanimation. Pas même pendant les attentats de 2015. La Nouvelle-Aquitaine prend sa part dans ce grand échiquier solidaire. Peut-être, un jour, devra-t-elle elle aussi compter sur ses voisins