20 Minutes du 3 septembre 2019 

Urgences : Pourquoi les nouvelles mesures de Buzyn ne convainquent pas les grévistes ? 

SOUS TENSION Après une première salve de mesures annoncées en juin, la ministre a liste des pistes en début de semaine pour sortir de la crise aux urgences

urgences pourquoiAgnes Buzyn, ministre des Solidarites et de la Sante visite au CHU de Poitiers et annonce de nouvelles mesures pour les urgences. — Jean Michel Nossant/SIPA

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Calendrier bousculé sur le front des urgences. Lundi, Agnès Buzyn a annoncé, lors d’un déplacement au CHU de Poitiers, plusieurs mesures pour soulager les paramédicaux, médecins et patients aux urgences. Une prise de parole faite deux mois avant la remise du rapport sur les urgences de la mission pilotée par Thomas Mesnier, député LREM et ancien urgentiste, et par Pierre Carli, président du Conseil national de l’urgence hospitalière. Et surtout à la veille de la rencontre, ce mardi, entre ce duo chargé de penser la refondation des urgences et le  collectif Inter-Urgences, leader du mouvement des paramédicaux, qui touche aujourd’hui la moitié des services d’urgences publics. 

« Les pistes ont été élaborées avant même que le collectif n’ait été auditionné par la mission ministérielle, alors qu’on a travaillé pendant un mois pour proposer un compte rendu délivré ce mardi, et que nous sommes les principaux intéressés », s’agace le collectif Inter-Urgences. Un nouvel échec pour sortir de la crise des urgences ? 

Quelles mesures pour soulager les urgences ? 

Face à l’afflux de patients aux urgences et au malaise durable et accru ces derniers mois, la ministre de la Santé a énuméré lundi plusieurs pistes. Première idée : créer une « filière spéciale seniors ». Pour « réduire au maximum les passages des personnes âgées » aux urgences, elle entend généraliser « des filières d’admission directe », promettant à la clé « une incitation financière, une forme de bonus aux hôpitaux qui (les) mettront en place ». 

La ministre souhaite également développer « une vidéo-assistance entre les Ehpad et le Samu », pour éviter des hospitalisations en cas de « pathologies bénignes ». Elle entend par ailleurs s’appuyer sur les médecins libéraux les Samu seront autorisés à envoyer une ambulance vers un cabinet de ville ou une maison de santé, où pourront être réalisés une consultation et certains examens médicaux sans avance de frais, pour que les patients y « trouvent le même avantage qu’à aller aux urgences ».

Enfin, une autre idée est de permettre aux paramédicaux des urgences de réaliser des gestes qu'ils ne peuvent faire aujourd'hui, comme prescrire de la radiologie ou faire des sutures. Avec à la clé une « prime de coopération » de 80 euros net par mois. 

Pourquoi les grévistes ne sont pas convaincus ? 

Point par point, Anne-Claire Rafflegeau, membre du collectif Inter-Urgences et infirmière, détricote ces annonces. « Je ne parlerai pas de mesures, mais de pistes à moyen terme, alors que la crise aux urgences, elle est actuelle et réelle », s’alarme-t-elle. Sur la régulation gériatrique, l’infirmière rétorque : « le problème, c’est qu’il n’a pas de place en gériatrie. Il faudrait donc ouvrir des lits pour faire une passerelle entre les urgences et la gériatrie, tout comme la psychiatrie d’ailleurs. »

Pour la télésurveillance entre Samu et Ehpad, le collectif estime que ce n’est pas une priorité. « On peut s’appuyer sur la télémédecine, mais dans tous les cas, il manque des effectifs à la fois dans les Ehpad et dans les Samu. On peut faire fonctionner du matériel, mais s’il n’y a pas de personnel, ça n’ira pas loin ! » D’autant qu’une personne âgée dépendante et malade pourrait avoir du mal à téléconsulter sans un coup de main… 

Troisième piste : la délégation de tâches aux paramédicaux. Une annonce que la ministre avait déjà faite en juin. Si former davantage les paramédicaux semble être une idée qui séduit certains grévistes, ils attendent des annonces plus concrètes… et réalistes. « On est en sous-effectif partout et pour partir en formation, il faut être en effectif plein, rappelle Anne-Claire Rafflegeau. C’est un cercle vicieux. Les infirmières en pratique avancée (IPA), formées pour travailler aux urgences, c’est une des pistes qui peut être évoquée. Mais on ne connaît ni les moyens, ni la rémunération qu’auront ces infirmières, ni leur rôle réel et le planning de ces formations. » La ministre a tout de même précisé que les premières formations devraient être lancées cet automne, ce qui veut dire que ces nouvelles IPA n’entreront en fonction que dans plusieurs mois. 

Enfin, l’idée que le Samu puisse amener des patients dans des cabinets en ville interroge. « J’ai du mal à croire que les Samu puissent gérer des urgences et jouer au taxi médicalisé », ironise Anne-Claire Rafflegeau. Pour elle, même si le ministère semble faire des efforts, le collectif ne peut se contenter de « miettes ». « Depuis six mois, nous sommes en grève pour trois revendications : un moratoire sur les fermetures des lits, la valorisation des métiers et le recrutement de 10.000 paramédicaux sur le territoire. » Sachant que ces trois mesures vont de pair. « Les postes vacants ne sont pas pourvus par manque de CV. Voilà pourquoi il faut rendre plus attractifs nos métiers avec une meilleure rémunération et des conditions de travail moins difficiles », martèle l’infirmière. 

Et maintenant ? 

Agnès Buzyn n'a pas fini de gérer ce dossier. D’autres annonces suivront la semaine prochaine, a promis la ministre. Seront-elles en mesure de calmer la grogne ?  Agnès Buzyn assure qu’elle recevra le 9 septembre « tous les acteurs du secteur », des syndicats et fédérations hospitalières aux représentants des médecins libéraux, mais également des membres du collectif Inter-Urgences. 

Le 10 septembre, le collectif organise son assemblée générale, pour voir quelle suite donner au mouvement. Qui pourrait continuer à grossir : plusieurs organisations de médecins hospitaliers ou urgentistes ont annoncé lundi qu’elles rejoignaient le mouvement de grève lancé par les paramédicaux en mars. Et le 11 septembre, une manifestation est organisée à l’appel de la CGT , qui appelle tous les soignants à crier leur colère. Et Anne-Claire Rafflegeau de prévenir : « Les urgences, c’est le miroir de la société, et tout se répercute sur l’ensemble du système de santé. » 

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