L'importance cruciale de la forêt
Sud-Ouest du 9 août 2019
La forêt, fragile alliée dans la lutte climatique
RAPPORT DU GIEC Les experts du climat ont publié hier un rapport consacré à l’impact de l’utilisation des terres sur le réchauffement. À l’échelle de la région, le rôle de la forêt est essentiel
Les désordres liés au réchauffement du climat – vagues de chaleur, sécheresse, maladies, incendies – attentent eux aussi à l’efficacité du puits de carbone forestier.
S’il est loin de ne porter que sur la forêt (lire ci-contre), le rapport spécial du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (Giec), en souligne l’importance cruciale. La forêt est capable d’atténuer le réchauffement climatique. Localement, elle préserve l’humidité des sols et régule le cycle de l’eau. Elle déploie ses effets à l’échelle globale en captant le carbone de l’atmosphère – le CO2, le principal des gaz à effet de serre – et en l’absorbant dans le bois.
« En moyenne, dans la forêt landaise, un hectare de forêt va stocker 30 tonnes de carbone dans la biomasse. Il faut y ajouter le carbone stocké dans le sol. On peut l’évaluer dans une fourchette de 60 à 80 tonnes par hectare de forêt», risque Denis Loustau, directeur de recherche au centre Bordeaux Aquitaine de l’Inra (Institut national de la recherche agronomique).
De solution, la forêt peut aussi se transformer en problème climatique. La déforestation altère son rôle de «puits de carbone». Le bois et les sols relarguent celui-ci en cas de coupe. « Si on remplace le pin par du maïs, le sol aura perdu entre le quart et le tiers du carbone qu’il contient au bout de vingt ans. La clé, c’est de ne pas manipuler les sols pour laisser l’humus intact», ajoute le chercheur.
Les désordres liés au réchauffement du climat – vagues de chaleur, sécheresse, maladies, incendies – attentent eux aussi à l’efficacité du puits de carbone forestier. Ils altèrent la croissance des arbres, quand ils ne les font pas dépérir et mourir. Selon des études concordantes, les forêts tropicales pourraient émettre plus de carbone qu’elles n’en captent si les températures s’élevaient nettement d’ici la fin du siècle.
La première région boisée
La Nouvelle-Aquitaine est en plein dans le sujet. Région la plus boisée de France avec 2,8millions d’hectares forestiers, elle dispose d’un atout maître pour participer à la lutte contre le bouleversement climatique. Sur l’autre plateau de la balance, 28 % des émissions de gaz à effet de serre – ceux qui provoquent le réchauffement – sur son territoire proviennent de l’usage des sols, en premier lieu l’agriculture, l’exploitation forestière et l’urbanisation. À l’échelon planétaire, c’est 24%.
Président du Syndicat des sylviculteurs du Sud-Ouest, qui regroupe six mille professionnels, Bruno Lafon estime que cette double problématique passe trop souvent sous les radars. « Même chez les sylviculteurs, il y a des gens qui ne réalisent pas la place centrale de la forêt dans la lutte pour le climat», déplore-t-il. Ce sera le thème de la prochaine assemblée générale du mouvement, le mois prochain.
Malgré tout, la question infuse dans les consciences. Ne serait-ce que par les soucis corollaires au réchauffement: le possible manque d’eau, qui amoindrirait les rendements à l’avenir, et l’apparition de nouveaux ravageurs. «On continue à croire à l’avenir de la forêt dans la région. On l’a prouvé en replantant après la tempête Klaus de 2009 : 210 000 ha sur 230 000 détruits. Dans le même temps, les pouvoirs publics nous envoient des messages contradictoires. Il est plus facile de remplacer la forêt par des panneaux photovoltaïques que d’en poser sur d’anciennes décharges dans les communes soumises à la loi Littoral», peste-t-il.
Planter mieux à l’avenir ?
Dans la région comme ailleurs, l’optimisation du puits de carbone forestier passe aussi par une réflexion sur sa gestion. La France n’est pas en butte à la déforestation, bien au contraire. Sur les reliefs accidentés, la déprise agricole a rendu des espaces à la forêt. « Mais dans notre pays, le problème n’est pas tant de planter plus que de planter mieux», avance Xavier Morin, le président de Canopée-Forêts Vivantes, une association qui se bat pour une gestion écologiquement responsable des forêts.
Également chercheur au CNRS (à Montpellier) dans le domaine forestier, Xavier Morin souligne que la monoculture du pin rend la forêt moins résiliente dans l’optique d’un changement climatique d’ampleur. Un avis que partage la communauté scientifique. Il évoque la nécessité de multiplier les arbres en ville, une évidence lors des épisodes de canicule. Mais, en milieu urbain comme rural, «il ne faut pas faire croire aux gens qu’on va résoudre le problème du climat en plantant des arbres. On n’y parviendra jamais sans réduire notre usage des combustibles fossiles », avertit-il.
Sud-Ouest du 9 août 2019
L’enjeu planétaire de la jungle amazonienne
BRÉSIL Menacée, l’Amazonie joue un rôle climatique essentiel
"Ricardo Galvao a accédé à une notoriété internationale dont il se serait bien passé. Directeur de l’Institut de recherche spatiale (INPE) au Brésil, il a été sèchement limogé, il y a une semaine. Son crime ? Avoir publié les chiffres de la déforestation, un phénomène que l’INPE surveille en continu.
Selon les données de l’agence qu’il dirigeait, elle a bondi de 67 % au cours des sept premiers mois de l’année. Près de 4 700 km² de forêt tropicale ont disparu. Le mois dernier, la destruction de la forêt amazonienne a galopé à un rythme trois fois supérieur à celui de juillet 2018. 65 % de ses quelque 5,5 millions de km² sont sous pavillon brésilien."...
2019_08_09_SO_L'enjeu_planétaire_de_la_jungle_amazonienne