Sud-Ouest du 13 juin 2019
À la clinique, «on ne demande qu’à recruter»
LESPARRE Alors que s’approche la saison estivale, la clinique manque de personnels, surtout aux urgences, alors qu’elle connaît une activité record
Le constat est paradoxal. D’un côté, «on n’a jamais eu autant d’activité », pointe Yann Pilatre, le directeur général du Pavillon de la mutualité, à qui appartient la clinique de Lesparre-Médoc–et un autre établissement à Pessac. Les consultations en neurochirurgie ont rencontré leur public tout comme le centre d’Imagerie par résonance magnétique (IRM), arrivé en 2013, qui accueille de nombreux patients.
Le dernier né, le service de dialyse, est très dynamique depuis trois mois : à tel point que la clinique a demandé de passer de 6 à 12 postes, pour traiter 24 patients par jour. « Beaucoup de touristes potentiels nous téléphonent à ce propos », indique le directeur. Le service installé dans la presqu’île permet aussi d’économiser des centaines de milliers d’euros en transport et de gagner en confort, pour les patients, qui devaient jusqu’ici faire des allers-retours à Bordeaux. Graphiques à l’appui, il montre également que le chiffre d’affaires a augmenté ces dernières années, alors que les tarifs des séjours baissent.
L’intérim plombe les comptes
Et pourtant, de l’autre côté, la clinique est en déficit. «On a perdu 580 000 euros en 2018. Ce n’est pas logique avec une telle activité », analyse-t-il. Outre la baisse tarifaire (moins 10 % en dix ans), la clinique, comme de nombreux autres établissements, fait face à un manque de personnels.
Et recourt donc à l’intérim, qui plombe ses comptes. « Tous les postes, aides-soignantes, médecins, urgentistes, sont en pénurie. Je n’ai jamais connu ça. Même l’intérim ne résout pas tous nos besoins », alerte Yann Pilatre.
La situation s’annonce d’autant plus tendue à l’approche de la saison estivale, qui voit la clinique connaître un pic d’activité aux urgences, avec jusqu’à 100 ou 110 passages par jour, contre 40 l’hiver. Trois «lignes » de médecins sont nécessaires à cette période : la première et la deuxième assurent les soins longue durée et partent avec le SMUR. La troisième s’occupe de la traumatologie.
De moins en moins d’internes
Des internes en médecine assuraient une partie des soins, notamment sur la troisième ligne. Or, depuis deux ans, leur nombre baisse dans la clinique médocaine car ils sont réorientés vers les services de gynécologie et de pédiatrie depuis une décision nationale de 2018.
Résultat : de cinq internes en 2017, l’établissement est passé à deux en 2018 et un, au maximum, cette année. Ce qui fait réagir les élus locaux, qui tirent la sonnette d’alarme (lire ci-dessous)« On ne demande qu’une chose, résume Yann Pilatr, c’est de recruter. » Et pour stabiliser son personnel, le directeur a des pistes, comme un projet de crèche pour les enfants des salariés
Sud-Ouest du 13 juin 2019
Les élus alertent la ministre
Les problématiques du manque d’internes pour l’été et de la pénurie d’effectifs ont été abordées par Yann Pilatre, mardi 4 juin, lors d’une réunion de bilan tenue tous les six mois par la clinique avec les élus locaux. Dès lors, ceux-ci n’ont pas manqué de s’emparer du sujet, à un an des municipales.
La conseillère départementale PS Pascale Got a dégainé deux jours plus tard, avec un courrier adressé à la ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn. Concernant le dossier des internes, elle ne «comprend pas la justification de cette baisse drastique qui va à l’encontre de toutes les déclarations faites ces derniers mois en faveur des territoires ruraux».
Comme elle, les autres élus se sont mobilisés contre cette perte de «ce temps humain si précieux» selon la formule de l’Union pour la ruralité médocaine. Cette structure composée de Sonia Colemyn, conseillère départementale ex-FN passée Debout la France, Jean-Bernard Dufourd, maire LR de Naujac-sur-Mer et Johnny Caron, délégué LR pour la 5e circonscription, a également envoyé une lettre datée du 4 juin.
«Ces stages d’internat nous permettaient de faire connaître l’établissement à de futurs médecins et facilitaient nos recrutements pour des postes médicaux titulaires», argumentent-ils.
Sanctuariser
Ils proposent plusieurs pistes de travail, comme, entre autres, «sanctuariser» les établissements ruraux pour qu’ils conservent des internes, ou « améliorer le partenariat avec les médecins généralistes pour leur éviter des gardes en cabinet de ville en les mutualisant avec les médecins de la clinique».
De son côté, le député LREM de la 5e circonscription, Benoit Simian a échangé avec l’Agence régionale de santé (ARS), en avril. Il souhaitait une « mesure automatique » permettant de bénéficier de quatre internes chaque été. « Les internes n’ont pas vocation à se substituer à des médecins pour faire fonctionner le service [des urgences NDLR]», lui a notamment répondu l’agence.
« C’est gagnant-gagnant pour tout le monde, proteste le député. Nous avons une clinique en bonne santé. On a la chance d’avoir cet investisseur solide, engagé. Je le soutiens, l’ARS doit aussi être dans une position de soutien.» « En colère » contre l’organisme qualifié «d’irritant», il voudrait que les ARS soient sous la tutelle des préfets.
«Nous sommes les oubliés»
«J’ai envie de dire que l’État va mal, pas la clinique, poursuit Bernard Guiraud, le maire de Lesparre-Médoc, sollicité par « Sud Ouest». Ma position, sur la clinique comme sur d’autres dossiers, est que nous, le rural, sommes les oubliés.» Prenant le relais de Pascale Got, il compte envoyer un courrier et proposer une motion au Conseil communautaire.
Grégoire de Fournas (RN) compte faire la même proposition auprès du Conseil départemental, le 24 juin. « C’est un problème national, une politique d’austérité dont on voit les effets sur cette clinique, tacle-t-il, également contacté sur le sujet. Ça nous inquiète sur son avenir et sur la qualité des soins.»
Enfin, Pascale Got a alerté la ministre sur la menace de «non-maintien des autorisations de cancérologie ainsi que pour ses activités de chimiothérapie ». Les patients devraient alors se rendre à Bordeaux.